Au Théâtre du Grand Marché

Le fabuleux voyage d’Ahmed Madani

7 septembre 2006

Voyager au théâtre ? Comprendre l’autre, son histoire, ses mensonges, sa vie ? Contribuer à la rencontre des hommes, au carrefour de l’humanité ? Ahmed Madani, Directeur du Centre Dramatique de l’Océan Indien (CDOI), auteur et metteur en scène, ou auteur en scène, vous invite à saisir ’L’improbable vérité du monde’.

Autour de 15 comédiens, originaires de la France, de la Suisse, des Comores, de l’Allemagne, de Madagascar, d’Australie, des Antilles et de La Réunion, Ahmed Madani nous interpelle par une pièce inédite, un spectacle-voyage. Il nous invite à interroger la vérité du monde, en parcourant ses légendes, ses histoires, ses contes, ses mythologies, ses croyances, ses fables, ses rêves, peut-être aussi ses plus récents cauchemars. L’auteur en scène nous invite à "faire un voyage au pays des vies qui grouillent autour de vous, à écouter des hommes et des femmes d’aujourd’hui dire le monde qui est venu à eux et qui s’est installé, sans que personne ne sache ni comment, ni pourquoi, sur le pas de leur porte. Exactement à l’endroit où ils sont venus au monde. Naître ici ou là, naître riche ou pauvre, beau ou laid, blanc ou noir, jaune ou métis, naître et être là". Il ouvre nos yeux de vivants et nous fait découvrir "les grands et petits mensonges qui jonchent les avenues bitumées des villes du monde, et ceux des ruelles en terre battue où des pieds nus ou chaussés, écorchés ou manucurés, ont martelé les sols, ont marqué la cadence, ont dansé, ont couru, ont pris peur, ont semé la mort et la terreur, ont fui, ont trouvé compagnes et compagnons". Œuvre profondément poétique, "L’improbable vérité du monde" nous convie à un mariage des maux, sur le terrain de la rencontre, au pays de nos vies, dans la croisée de nos histoires communes. Alors que le monde guerroie, se déteste, se déchire, l’artiste nous amène sur la voie de la raison, de la compréhension, de l’intellection, de la réflexion. Il nous montre comment faire fi des frontières, celles qui cloisonnent notre esprit. Alors, voyagez dans la vie des autres, pour percevoir un bout de vérité. Poésies en mouvement, scènes à chorégraphie, une pièce à voir et à revoir, du 12 au 17 septembre au Théâtre du Grand Marché.

Lever de voile

Ahmed Madani et ses comédiens nous livrent ici un théâtre engagé "apolitique", à la cause de l’humanisme et de la tolérance. Ils lèvent le voile de nos différences, en mettant en évidence nos contradictions. L’acteur en scène explique : "Comment le théâtre peut-il parler de son temps et du monde sans s’enliser dans le factuel de l’anecdotique socio-politique ? Comment évoquer les différences entre pays pauvres et pays riches, les affres de la guerre, du terrorisme, de l’exil, de la géo-économie, de la pollution sans sombrer dans un prosélytisme compassionnel ou manichéen ? Ma seule réponse à ces interrogations est la matière humaine des artistes réunis dans cette troupe, les petits détails de leur vie, de leurs histoires, leurs émois. C’est en mettant leur sensibilité et leur manière d’être au monde, au cœur de notre quête, que nous pourrons soulever un peu le voile de nos différences historiques, culturelles et sociales. Je ne pense pas qu’en stigmatisant les oppositions, nous allions bien loin, il me semble plus passionnant de tenter de juxtaposer les situations des uns et des autres, de mettre en évidences les contradictions, les doutes, les peurs, et par l’expression de ces mouvements complexes, laisser la place à l’imaginaire du spectateur pour qu’il puisse construire son propre récit. Partir de l’infiniment petit et aller vers l’infiniment grand, voici une voie qui offre de grandes possibilités de jeu et d’inventions, et qui permettra d’affirmer un point de vue poétique et philosophique qui ne souhaite en aucun cas être démonstratif".
À bon entendeur...

Bbj


Note d’intention

En se fondant sur l’intensité des échanges qui naîtront de la diversité des expériences, nous souhaitons interroger nos représentations du monde avec 15 artistes : acteurs, musicien, vidéaste, marionnettiste, vivant en Europe et dans la zone océan Indien.
Je vous invite à faire un voyage au pays des vies qui grouillent autour de vous, je vous invite à écouter des hommes et des femmes d’aujourd’hui dire le monde qui est venu à eux et qui s’est installé, sans que personne ne sache ni comment, ni pourquoi, sur le pas de leur porte. Exactement à l’endroit où ils sont venus au monde.
Naître ici ou là, naître riche ou pauvre, beau ou laid, blanc ou noir, jaune ou métis, naître et être là.
Un spectacle-voyage, carnet de route où ma fuite pourra se déployer dans la peau des autres, dans la morsure de leurs dents blanches croquant et déchirant la vie, et pour certains d’entre eux la mort.
Je vous invite à découvrir les grands et petits mensonges qui jonchent les avenues bitumées des villes du monde, et ceux des ruelles en terre battue où des pieds nus ou chaussés, écorchés ou manucurés, ont martelé les sols, ont marqué la cadence, ont dansé, ont couru, ont pris peur, ont semé la mort et la terreur, ont fui, ont trouvé compagnes et compagnons.
Et si ces pieds pouvaient parler, ils nous diraient tant de choses que nos oreilles en bourdonneraient des mois après.

La vérité du monde tient dans la capacité des hommes et des femmes à pouvoir dire en tout lieu et à toute heure : "Non ! Cela n’est pas vrai, tout ce qu’il y a ici devant vous n’est qu’illusion, je vais vous raconter comment cela s’est passé exactement".
Chaque vérité, bonne ou mauvaise, dissimule un mensonge tout aussi véridique. Mais le mensonge n’est-il pas aussi le rêve ? N’est-il pas un écran entre les hommes et la complexité de l’univers ?
Légendes, histoires, contes, mythologies, croyances, fables : autant d’expressions du mensonge et de la vérité mêlées.

Bien sûr il faudra bien faire quelques haltes en ces endroits de notre histoire commune et en premier lieu se poser la question des origines : Comment le monde est-il venu au monde ? Comment était le grand début de notre histoire ? Les origines, la belle affaire ! De quelle origine es-tu ?
Nom, prénom, papiers, passeport, identité ! Non, toi tu ne passes pas ! Reste chez toi ! N’entre pas ici.
Les frontières ne sont pas seulement dans la tête.
Partout des fils barbelés, des lignes à hautes tensions, des chiens de garde, des miradors. Oui, le monde est divisé, quadrillé, organisé, on ne touche pas à l’œil du cyclope qui veille sur le bon ordre des choses. Mounir le Comorien ne pourra jamais retrouver ses cousins de Mayotte, et s’il prend le kwassa-kwassa (petit boutre comorien), il devra attendre la nuit pour franchir clandestinement la barrière de corail. Sur les plages de la belle Mayotte, les cadavres se relèvent chaque nuit le ventre gonflé et les yeux tuméfiés, et dans le fracas de la houle hurlent leur peur et les rêves perdus.

Dans les maisons, de plus en plus de lumières bleutées qui clignotent et qui tissent une immense toile sur laquelle viennent se coller comme des “papillons-la-lampe” les yeux des vivants et peut-être bientôt aussi ceux des morts. L’agitation des lumières est à son comble.
Et l’on pourrait croire que la vérité est lumineuse, en réalité, jour après jour, elle s’obscurcit. Plus le monde rétrécit, plus la vérité s’obscurcit. Et, sans le savoir, beaucoup deviennent aveugles à force de scruter les lumières bleutées.

Au jeu de la vérité, les dés sont pipés et les cartes sont truquées.
Je vous invite à venir découvrir non pas une, mais des vérités, non pas une, mais des histoires, des histoires de vie, des histoires d’amour, de mort, de chair, des histoires de rien du tout que l’on trouve à bon marché dans n’importe quelle échoppe de Tananarive, de Johannesburg ou de Saint-Denis de La Réunion. Il n’y aura aucune réponse mais seulement des questions.
L’acteur au cœur de cette expédition en chair inconnue.
L’acteur avec ses failles, ses imperfections, ses fragilités mais aussi la densité de son intériorité.
Chacun comme un sixième continent qui serait à découvrir.
Non pas seulement des acteurs et des actrices, mais avant toute chose des hommes et des femmes qui ont accepté de ne pas tout fonder sur leurs certitudes, qui ont accepté de partager des fragments de leur vie, de leurs vérités et mensonges, de leurs rêves et de leurs imaginaires.

Ahmed Madani


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