Journées d’études lundi et mardi prochains à l’Université sur Auguste Lacaussade (1818 - 1897)

Le fils d’une affranchie d’avant 1848 devenu un grand poète réunionnais

17 mai 2004

Dans le cadre de l’opération qui vise à faire revenir dans son île natale les restes du poète Auguste Lacaussade - fils d’une affranchie d’avant 1848 - la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de La Réunion (site du Moufia) a décidé d’organiser deux journées d’études les 24 et 25 mai prochains dans l’amphithéâtre Genevaux, afin de mieux cerner le milieu et la richesse de l’œuvre de ce grand Réunionnais. Proper Ève, professeur d’Histoire à l’Université et organisateur de ces journées, nous explique ici les raisons de cette initiative.

Des journées d’études à l’Université de La Réunion sur Auguste Lacaussade et sur le thème “Milieu - Action - Modernité” : pourquoi ?
Parce que les chercheurs ne sont pas nombreux à se consacrer à l’étude de l’œuvre de ce Réunionnais. Il est assez navrant de constater ce silence pesant, ce faible attrait, alors qu’il a été à la fois poète, traducteur et critique littéraire. À qui la faute ?
Certainement aux intellectuels réunionnais du 20ème siècle qui l’ont rangé parmi les "romantiques du second rayon", alors qu’au 19ème siècle, il figurait dans Le Parnasse contemporain parmi soixante auteurs de renom (dont Théodore de Banville, Paul Bourget, Henri Cazalis, François Coppée, José Maria de Hérédia, Frédéric Plessis, Louis Ratisbonne, Armand Silvestre, Sully Prudhomme, Gabriel Vicaire...).

Des erreurs à rectifier

Il existe bien évidemment d’autres causes. Faut-il signaler qu’en 1856, Gontier annonçait devant la Société des Sciences et Arts que les intellectuels de son île ne lui pardonnaient pas d’avoir écrit la “21ème Salazienne”, poème dans lequel il dénonce le racisme de la société coloniale dont il a été victime ! Il lui conseillait de la déchirer s’il voulait être accepté parmi eux.
Certes, en 1921, son île natale lui a manifesté un brin de reconnaissance en attribuant son nom à un boulevard à Saint-Denis. Mais localement, la connaissance de sa vie et de son œuvre est encore dans les limbes.
C’est ainsi que Jules Hermann, en s’appuyant sur des traditions et sa propre analyse du poème “Le Champ-Borne”, affirme devant un large public qu’Auguste Lacaussade est né en 1817 au lieu-dit Champ-Borne dans une modeste chaumière, alors qu’en réalité, il est né en 1815, à Saint-Denis, dans une maison en bois confortable.
De telles erreurs font plus de mal que de bien à la connaissance du poète, car même lorsqu’elles sont rectifiées, les personnes qui ont accès à l’information erronée première la croient comme parole d’Evangile et continuent à véhiculer ces idées fausses.

Une nouvelle ère

Il faut attendre l’année 1952 pour qu’un travail universitaire rédigé par Raphaël Barquisseau soit publié enfin sur ce poète, sous le titre “Le poète Lacaussade et l’exotisme tropical”.
Si l’on excepte ensuite les travaux du professeur de Littérature Edmond Marek sur le thème “Lacaussade et la Pologne”, la connaissance sur ce poète réunionnais n’a pas avancé d’un iota depuis 1952. Comme un chercheur ne peut à lui seul avoir épuisé un sujet, il y a là un défi que les chercheurs des universités françaises en général et ceux de l’Université de La Réunion en particulier doivent aujourd’hui relever.
Il est donc temps d’entrer dans une nouvelle ère. Le texte de Raphaël Barquisseau contient trop d’idées erronées ou imprécises pour qu’on puisse s’endormir encore longtemps sur ses lauriers. Cet auteur ne dissipe pas le flou sur le lieu de naissance de la mère d’Auguste (Fanny) - tantôt à Saint-Paul, tantôt à l’île de France ? - et sur sa qualité : elle n’est pas esclave, dit-il ; mais l’a-t-elle été ? Il écarte cette éventualité, alors qu’elle est bel et bien une esclave affranchie.
Auguste Lacaussade, n’en déplaise à cet auteur, est bien le fils d’une affranchie d’avant 1848. Barquisseau prétend qu’elle a obtenu des biens de Lacaussade père. Cette assertion a-t-elle un rapport avec la réalité ? Selon lui, elle vivait sous le même toit que son amant ? Est-ce vrai ?
Il prétend - en se basant sur des traditions orales et des poèmes d’Auguste - que le poète avait une sœur, Lovely. Y-a-t-il des preuves de l’existence de cette sœur ?

Le marron, un héros

Barquisseau prétend aussi que la maison de Fanny était la maison Hugot ; est-ce vrai ?
Ensuite, tout ce qu’il écrit à la page 25 sur les études du jeune Lacaussade à Nantes est bien inutile. Lacaussade a fréquenté les cours de la pension Brieugne. Personne ne peut donc le retrouver sur les listes d’un quelconque collège royal.
Il est dommage que Barquisseau n’ait pas relevé le fait, en étudiant “le Lac aux goyaviers”, que Lacaussade a été le premier à élever le marron au rang de héros en assimilant son geste à celui des Polonais qui luttaient comme lui pour recouvrer leur liberté.
Le chantier de recherche est donc immense.
Ces journées entendent revisiter le milieu (insulaire, parisien, littéraire, professionnel) d’Auguste Lacaussade, son action (en tant que poète, mais aussi en tant que traducteur, critique littéraire) et surtout sa modernité.
Plus de vingt chercheurs présenteront le fruit de leurs travaux lors de cette manifestation à laquelle toute la population réunionnaise est conviée.

Prosper Ève


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