
Mal-do-mèr dann sarèt
28 juin, parLo zour la pokor kléré, Zan-Lik, Mariz é sirtou Tikok la fine lévé, mèt azot paré. Madanm Biganbé i tir zot manzé-sofé, i donn azot, zot i manz. (…)
“La question des ancêtres chez les esclaves de Bourbon” - 5 -
14 janvier 2005
Dans son étude portée à la connaissance du public le 20 décembre dernier au Bocage, l’historien et universitaire Prosper Ève montre les difficultés de survie du culte rendu aux ancêtres par les esclaves de Bourbon. Il met aujourd’hui en évidence la nécessité, pour les esclaves malgaches, de s’enfuir pour pouvoir pratiquer les rites funéraires et renouer les liens avec leur lignée.
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Dans ce contexte de contrôle permanent des esclaves par peur d’une révolte de leur part, le constat du docteur Charles Morizot, qui œuvre dans la colonie depuis les années 1830, sur l’absence de rites funéraires chez les Africains et les Malgaches, n’est guère étonnant. Il faut un minimum de liberté pour les conduire et les respecter.
"Aucune race ne paraît avoir conservé ici la moindre marque de sa religion primitive, exceptés toutefois les Indiens qui n’ont rien perdu des usages de leur pays ; ils brûlaient encore, il y a peu de temps, leurs morts dans des endroits désignés par les autorités et assez éloignés des villes. Vers la fin de l’année, ils célèbrent avec autant de pompe que possible une fête (le lamserey). Que si plusieurs noirs de la côte d’Afrique ou de Madagascar manifestent, dans les derniers moments de leur vie, le désir de voir un prêtre, ce que j’ai observé assez souvent, surtout parmi les domestiques, si, avant l’inhumation, ils vont déposer leurs morts sur une espèce de tombe en simulant quelques prières, tout cela se fait par pure imitation." (1)
À l’île de France, Milbert affirme également dans un ouvrage publié en 1812, qu’aucune ethnie ne pratique leur rite funéraire, exception faite des malabars libres. "J’ai dit qu’on laissait aux esclaves des diverses nations la liberté de suivre les rites religieux de leur pays ; cependant, la servitude met nécessairement des restrictions à l’accomplissement entier de leurs coutumes : aussi n’ai-je rien vu qui puisse me donner une idée des solennités qu’ils observent soit pour le mariage, soit pour la sépulture des morts. Les esclaves de l’un à l’autre sexe qui viennent à décéder sont enterrés sans cérémonie, ils ont un cimetière particulier. Dans les habitations, on dispose pour cela d’un coin de terre isolé. Les Malabars libres enterrent leurs morts avec grande pompe." (2)
Si, dès 1728, des Indiens libres travaillent à Bourbon, en tant que maçons, charpentiers, marins, il semble qu’en dépit de leur respect pour leurs coutumes religieuses, ils ne peuvent les vivre sans être tracassés. Ils se plaignent de ne pas être autorisés à pratiquer leur religion. Les prêtres lazaristes présents dans la colonie à partir de 1714, voient d’un mauvais œil leurs processions. Si des Libres ne jouissent pas d’un climat de tolérance, les esclaves ne peuvent être logés à meilleure enseigne.
En arrivant dans la colonie, les esclaves doivent faire face à une triste réalité, ils ne disposent pas d’anciens défunts pour les accueillir après leurs décès. Ils sont confrontés à un vide insupportable et n’ont qu’une perspective pour l’après-mort, l’errance. Pour éviter cette sombre éventualité, ils n’ont que deux possibilités : s’enfuir de l’île par mer ou trouver refuge dans les parties hautes non encore concédées aux Blancs.
La première solution n’a pas beaucoup d’adeptes. Elle est d’abord difficile à mettre en œuvre, car voler une embarcation est une entreprise périlleuse, en fabriquer une sans se faire repérer est presque impensable. Elle est ensuite très risquée ; car sans la connaissance de la navigation, sur une embarcation fragile munie de simples avirons, les chances de gagner Madagascar sur des eaux tourmentées par les vents sont minimes. Dans une lettre à son ami Bertin, le poète Évariste de Parny parle de la grande misère des esclaves : "Ils s’échappent quelquefois au nombre de douze ou quinze, enlèvent une pirogue et s’abandonnent sur les flots. Ils y laissent presque toujours la vie ; et c’est peu de chose, lorsqu’on a perdu la liberté."
La seconde solution permet de résoudre le problème de l’absence des ancêtres. La plupart des esclaves rompent le ban, quittent les habitations, parce qu’ils sont insuffisamment nourris, ne supportent plus les tâches excessives et les châtiments, mais aussi parce qu’ils veulent préparer leur après-mort. Leur objectif premier en partant en marronnage n’est pas de mettre le maître en difficulté, afin de faire chuter les productions céréalière, vivrière, caféière, puis sucrière. En devenant marrons, ils ne cèdent pas à un caprice, ils ont la possibilité d’édifier des tombeaux selon les normes apprise dans leur pays de départ, pour constituer leur propre ligne d’ancêtres en terre bourbonnaise.
Le marronnage n’est pas pour eux un acte sans lendemain, il ne peut se réduire à un vagabondage éphémère pour punir le maître. Ils s’y installent pour terminer leurs jours. Ils s’approprient une portion de l’espace, pour vivre libres. Ils s’associent à elle pour pouvoir être désignés : Anchaing du cirque de Salazie, Bâle de Cilaos, Dimitile de l’Entre-Deux, Cimendef de la rivière des Galets, pour que leur corps puisse reposer un jour en un endroit connu et ne pas tomber dans l’oubli de la mort. Le marronnage est une stratégie pour être et préparer son après mort.
Les Malgaches étant majoritaires en nombre et en pourcentage au sein de la population esclave jusqu’au milieu du XVIIIème siècle (en 1765, celle-ci compte 42% de Malgaches, 38% de Créoles, 15% d’Africains et 5% d’Indiens), la proportion d’esclaves marrons malgaches est plus élevée que celle des autres groupes ethniques.
Selon François Lautret-Staub, l’occupation de l’espace par les esclaves marrons ne s’est pas faite au hasard. Il soutient l’hypothèse de la domestication de l’espace par l’ombiasy (sorcier-guérisseur -NDLR), en prenant comme site d’étude, le cirque de Mafate. Selon lui, la distribution des toponymes dans ce cirque semble répondre à une logique et parait suivre un schéma culturel qui se rattache à la tradition politique malgache.
Aucun village et aucun royaume ne peuvent être constitués sans l’intervention d’un ombiasy. Détenteur de la coutume du santatra, il sait par des sacrifices, lever l’interdit qui pèse sur les commencements. Ce devin officie devant un autel situé au centre symbolique du territoire. Il transmet le hasina (bénédiction - NDLR) au souverain.
François Lautret-Staub établit que la maison astrologique malgache a été superposée au périmètre de ce cirque, avec des zones dont l’orientation est réputée bénéfique ou maléfique, celle de bon augure qui couvre les directions Nord (du Cap Noir au Cimendef) et Est (du Cimendef à Marla) et celle de mauvais augure le Sud (jusqu’aux Trois Roches) et l’Ouest (qui rejoint le point septentrional en longeant le Maïdo), et les quatre coins : le coin du Nord-Est ou destin Alahamady est la position du pouvoir souverain qui détient le destin le plus puissant (Cimendef). Le coin Sud-Est ou destin Asorotany, c’est-à-dire la position du pouvoir sacré, est celui des ancêtres avec les tombeaux et les monuments funéraires (Trois Salazes). Le coin du Sud-Ouest ou destin Adimisana, représente la position néfaste des sorciers et le coin du Nord-Ouest ou destin Adijady, c’est la position du profane.
Le chef de guerre est généralement institué roi universel du milieu de la terre. Le souverain partage son royaume en différents fiefs. D’après les rapports de détachements de chasseurs de marrons et Eugène Dayot dans “Bourbon Pittoresque”, les Marrons installés dans les Hauts ont constitué un royaume divisé en chefferies isolées par un relief cloisonné. L’organisation sociale dans les cirques de l’intérieur n’est pas une pure invention de l’esprit. Par un processus de ritualisation de l’espace, l’ombiasy met en correspondance le sacré, le géologique et le politique pour le plus grand profit d’un pouvoir encore précaire qu’il cherche à asseoir.
Le Cimendef, qui se détache depuis le littoral au fond de la vallée de la rivière des Galets, apparaît comme le gardien tutélaire du cirque de Mafate. Son allure le désigne comme une pierre sacrée. À la base du Bronchard, le sorcier Mafate aurait pratiqué ses activités cultuelles.
(à suivre)
Prosper Ève
(1) Considérations historiques et médicales sur l’état de l’esclavage à l’île Bourbon.
(2) Milbert J. “Voyage pittoresque à l’Île-de-France, au Cap de Bonne-Espérance, et à l’île de Ténériffe”. Atlas seul. Paris, 1812.
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