Décès d’Antoine Volnay

Le naufragé Saint-Pierrois de 1920 est parti !

9 août 2005

Antoine Volnay, né le 21 septembre 1901 à Saint-Pierre, vient de nous quitter. Il aurait eu 104 ans le 21 septembre prochain. Il a été inhumé hier au cimetière de Saint-Pierre. Marc Kichenapanaïdou nous fait revivre les aspects les plus marquants de la vie d’un illustre personnage saint-pierrois.

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Chaque année, le 21 septembre, nous fêtons son anniversaire. Cette année, il aurait eu 104 ans. Impressionnant, Monsieur Antoine Volnay ! Par sa taille : plus d’un mètre quatre-vingts ! Par sa robustesse et son tempérament de battant aussi, et la lucidité qui reste la sienne.
À 14 ans, l’adolescent va vivre l’expérience d’un monde en guerre : la première mondiale, en effet, de 1914 à 1918. Il garde en mémoire cette période de restriction à tous les niveaux : tickets de rationnement, privations et linge rabanne... de la misère noire, le lot de toutes les guerres. Mais ce qui l’a le plus marqué, c’est l’épidémie de "grippe espagnole " qui alignait devant l’église de Saint-Pierre, des séries de corps que le prêtre bénissait, avant qu’ils ne soient inhumés dans des fosses communes.

Naufragé...

À 20 ans, le jeune Antoine quitte La Réunion, en compagnie de son frère, pour aller à Madagascar, à la rencontre de son cousin, officier de l’armée française, du côté de Diégo, et retrouver sa marraine à Tananarive. Ils prennent le train pour Le Port, et le 1er février 1920 ils sont à bord du paquebot "Ville d’Alger ", cap sur Tamatave. Et puis, c’est la catastrophe. Après deux à trois heures de navigation, en effet, une terrible explosion, à l’arrière du navire, sème la panique à bord. Des centaines de fûts de rhum auraient sauté. Le frère d’Antoine Volnay est emporté par une vague lors de l’évacuation sur les canots de sauvetage. Au bout de huit jours, terre en vue.... Enfin sauvés ! On était à Foulpointe, à proximité du nord de Tamatave.

Et déserteur

Il rentre au pays en 1922, juste pour voir son père mourir. L’année suivante, ce sera le tour de sa maman. Physiquement et moralement, ces deux décès coup sur coup le mettent KO. Il reprend l’entreprise familiale pendant quelques années. Puis, il abandonne, pour se lancer dans le colonat sur la propriété Kerveguen.
Il va connaître sa deuxième guerre mondiale, 39-45, non sur le champ de bataille, puisqu’il n’est pas appelé, même comme réserviste, mais sur le champ de la misère.
Notre centenaire, depuis l’école des Sœurs jusqu’à son mariage, en passant par la communion et la confirmation, a toujours été d’une piété fidèle. Il entre même le 4 octobre 1943 dans l’ordre de François-Xavier. En octobre de l’année suivante, il devient membre à part entière en tant que tertiaire dans la fraternité franciscaine sous le nom de Frère Antoine Padoue.
On peut dire vraiment que c’est un "homme d’église" ! Après son travail, en effet, tout son temps est consacré au service de l’église, dans le cadre paroissial de Saint-Pierre. Ouvrir et fermer l’église, vider les troncs et compter les quêtes, avec ses vieux dalons Rakout, Aimé Luspot et Marceau Ethève, Volnay était un permanent scrupuleux de ces services-là.
Il regrette, comme beaucoup de ces anciens, le temps des reposoirs où, deux ou trois fois par an, les rues de Saint-Pierre étaient propres, nettoyées, comme lavées pour le passage du Saint Sacrement, vers des reposoirs tout fleuris, devant telle ou telle maison. C’est avec beaucoup d’émotion qu’il raconte tout cela. Cette fête religieuse était à l’époque celle de quasiment toute la population de Saint-Pierre.
Sa longévité, Antoine Volnay l’explique par l’arrêt de la cigarette vers les 50 ans et la non consommation absolue d’alcool. Même du riz, il n’en mange pas, sauf quand il est invité. Il consomme le produit de son sol, son bon sosso-maïs... qui reste toujours à l’honneur.
Il nous a ouvert son cœur. Nous avons écrit son récit de vie et l’avons publié, il y a trois ans. Une vie extraordinaire !
Sa croyance en Dieu a été sans limites. Que son âme repose en paix !

Marc Kichenapanaïdou
Président du G.R.A.H.TER
(Groupe de Recherches sur l’Archéologie
et l’Histoire de la TErre Réunionnaise)


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