Synthèse des journées sur Lacaussade

Le temps de l’appropriation est venu

6 juin 2005

Tout comme lors des premières journées, en mai 2004, les interventions de cette année ont poursuivi la démarche d’appropriation de Lacaussade et de son œuvre par La Réunion. À l’heure de la synthèse, la satisfaction n’est pas complète, le rendez-vous incomplet.

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C’est devant une petite assemblée que la synthèse des Deuxièmes journées d’études sur le poète Auguste Lacaussade, a été présentée par Jean-François Géraud, historien, maître de conférence à l’Université de La Réunion.

Que veut dire s’approprier Lacaussade ?

Il revient sur l’appropriation du poète, visée par ces journées, et livre une première approximation sur cette démarche : "s’approprier c’est faire en sorte que Lacaussade redevienne la propriété de l’île, de ses habitants, et de la culture de La Réunion. Mais il y a un autre sens : par ces travaux, et par cette recherche, Lacaussade en train d’être rendu propre à notre lecture." Il ajoute : "Auguste Lacaussade est un poète maudit en ce sens, faussement étymologique, qu’il a été mal dit de Lacaussade : on a mal parlé de lui dans le passé, on pas dit des choses qui n’étaient pas appropriées, comme on l’a vu au cours des travaux des décennies précédentes. Aussi les travaux de l’année dernière et cette année n’ont pas pour but de dire du bien de Lacaussade, il n’en a pas besoin, mais de dire le bien, de bien parler de Lacaussade. Toutes les interventions guidées par cette exigence."

De la culture antique aux luttes de son époque

Jean-François Géraud commence sa synthèse par un premier constat : "le poète n’est pas enfermé dans une poésie tropicale, la nature de ses poèmes évoque sa propre mère, les ravages du cyclone la violence subie par les femmes esclaves auxquelles elle appartenait à l’origine." Il existe au poème de la douleur du chant des Épaves, une dimension familiale
Si l’Antiquité reste le substrat de Lacaussade, si elle marque son intégration au modèle rhétorique français, les journées d’études ont démontré que "Lacaussade puise dans l’histoire grecque pour illustrer le combat engagé pour la liberté. Lacaussade a su trouver à son moi, en culture étrangère, un écho qui fortifie ses révoltes." Il y a aussi un autre dessein : "l’envie de partager, de tenir le rôle de passeur, de rendre la culture antique sensible à ses contemporains. Initié par Sainte-Beuve, Lacaussade dépasse le maître dans ses traductions. Le passage, l’accueil des cultures de l’ailleurs dans le temps ou l’espace, c’est une sorte de métissage qui se greffe sur un moi tourmenté. Lacaussade apparaît comme un homme douloureux, amer, dont l’idéal a peut être été englouti. On lui reconnaît le goût de la nature, de la vérité et une proportion à lutter. Ce n’est pas de son temps qu’il n’est pas, mais de son espace, Bourbon perdu, le poète s’émiette, il fonde dans l’écart et dans l’absence son écriture poétique."

Exhumer Lacaussade des archives métropolitaines

"La force du poète réside aussi dans la dénonciation de l’esclavage par sa culture et son ouverture associées à la lutte des peuples européens du XIXème siècle, les deux s’anoblissent l’un l’autre", retient encore Jean-François Géraud qui invite à questionner davantage le rapport poétique/politique : "le poète semble être là où il n’était pas, le politique se trouve là où on ne l’attendait pas."
De nombreuses pistes à propos de Lacaussade s’avèrent fausses mais il lance un appel : "c’est en métropole que se trouve encore Lacaussade, il est là, encore à exhumer des archives." Une exhumation qui ne peut se limiter à l’individu, mais qui doit s’ouvrir sur l’histoire familiale. Le destin de la famille encore a éclairé, toujours se retrouve dans le même schéma de synergie avec les faibles, les affranchis, objet de persécution de l’administration.

Jean-François Géraud termine : "dans l’ordre du littéraire, Lacaussade est un exemple à présenter pour sa capacité à réécrire ses propres textes, et nous avons à réécrire l’histoire de Lacaussade pour en écrire son histoire. Il a subi un oubli. Ce n’est une lente érosion d’une destinée, mais son enfoncement sous un mécanisme concerté qui souhaite la disparition de sa mémoire. Le travail d’histoire est une exhumation. La Réunion a besoin de symbole. Il faut se ressaisir d’Auguste Lacaussade. "

Eiffel


Prosper Ève

"Lire Lacaussade pour Lacaussade"

Prosper Ève, coordinateur du comité scientifique de ces deus journées d’études organisées par le Centre de Recherche sur les espaces et les Sociétés dans l’océan indien, a lors de la clôture tenue a faire de sincères remerciements au Conseil régional pour son aide, son appui et sa confiance. Il a aussi remercié toutes les personnes et les étudiantes qui l’ont aidés, tous les chercheurs qui ont accepté de travailler sur Lacaussade.
À l’écoute de la synthèse, il se déclarait satisfait "parce que chacun a bien vu que la connaissance évolue sur ce poète, ce Bourbonnais. Certains clichés demeurent, les obstacles faits depuis 1840, les critiques féroces déjà entendues demandent à être dépassées afin de lire Lacaussade pour Lacaussade."
Il nuançait pourtant sa joie : "Peut-on être satisfait et dire qu’est arrivé le temps de l’appropriation en regardant cette salle ? La presse, mis à part “Témoignages”, a été absente. Le politique accapare tout, comparativement la culture ne représente pas grand-chose. Alors qui s’approprie ? Comment s’approprie-t-on ? Comment faire pour s’approprier la connaissance et l’histoire ? Quelle satisfaction réelle ? J’avais lancé un appel aux Réunionnais pour assister à ces journées, pour savoir, s’épanouir. Cet appel n’a pas été entendu, il n’a pas été publié dans les journaux. Il reste encore un énorme chemin à parcourir si l’on veut que Lacaussade sorte de la varangue pour arriver à la rue."
Il s’est alors tourné avec confiance vers l’avenir et vers les champs de recherche qui s’ouvrent : en littérature mais aussi en histoire : histoire familiale, recherche de document pour purger la question des relations tissées en France dans le milieu culturel, littéraire. "La connaissance évolue par bonds successifs. Tous les domaines sont concernés." C’est pourquoi Lacaussade portait durant ces deux jours le titre de chantre de l’interculturalité et de l’interdisciplinarité. Un titre qui voulait rassembler l’ensemble de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines "pour que Lacaussade devienne un vrai sujet de recherche pour tous, que tous considère son œuvre et estime que le temps de l’appropriation est arrivé. "
Eiffel


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