Le voile interdit, le bandana toléré

10 septembre 2008, par Edith Poulbassia

Une solution de conciliation a été trouvée hier au Rectorat pour permettre aux six élèves du lycée Lislet-Geoffroy de reprendre les cours. La députée-maire Huguette Bello a plaidé pour une application moins rigide de la loi sur la laïcité à l’école. Les filles pourront porter un bandana à la place du voile, toujours considéré par l’Académie comme un signe ostensible, dans une île qui n’a pas besoin qu’on lui apprenne ce qu’est la tolérance et la laïcité.

Pour Fazal Naznine, musulmane, membre de l’UFR, le port du voile est un choix pour les jeunes réunionnaises, jamais une obligation. Pour elle, ces élèves ont été humiliées.
(photo EP)

Les six élèves du lycée Lislet-Goeffroy, contraintes d’enlever leur foulard pour assister aux cours, peuvent désormais réintégrer leur classe. Un accord a été trouvé hier au rectorat, après l’intervention de la députée-maire Huguette Bello auprès du directeur de cabinet. Le foulard reste banni de l’établissement, mais les jeunes filles pourront porter un bandana pour recouvrir leurs cheveux. La solution est-elle pour autant satisfaisante ? Elle est du moins le résultat d’un compromis entre le rectorat et la position des élèves.
Députée-maire, mais aussi représentante de l’Union des Femmes Réunionnaises (UFR), c’est naturellement qu’Huguette Bello a jugé bon d’intervenir pour que la loi de 2004 sur la laïcité à l’école ne soit plus utilisée comme « un instrument de discrimination contre les plus faibles », dans le contexte réunionnais de tolérance des différentes confessions et cultures. Il y a 4 ans, une élève avait été victime de cette loi au lycée Leconte de Lisle, et cette situation se répète aujourd’hui, fait remarquer la députée-maire. Au lieu d’une application « intelligente et souple » de la loi dans les DOM, comme l’avait préconisé en 2004 la ministre de l’Outre-mer Brigitte Girardin, Huguette Bello constate qu’on s’oriente vers « l’intégrisme de la laïcité, la charia de la laïcité ». Et d’ajouter qu’à chaque fois qu’on s’est donné pour mission de changer la société réunionnaise, c’est le désordre qui a été semé. Loin d’être un signe ostensible, une provocation, le foulard de ces jeunes Réunionnaises est vécu comme un signe de pudeur. En les pointant ainsi du doigt, c’est leur dignité qui est atteinte.
Huguette Bello rappelle que La Réunion n’a pas attendu la loi sur la laïcité de 1905 pour défendre le droit à l’exercice de toute autre religion que la catholique, une liberté de cultes longtemps brimée par le Code Noir. « En quoi six faibles jeunes filles pourront ébranler la République ? », demande la députée-maire, soulignant ainsi le côté absurde de l’affaire.
En février 2004, Huguette Bello l’expliquait déjà à l’Assemblée nationale : les Réunionnais « savent ce que signifie l’égalité entre des options spirituelles différentes, et qu’elle est le garant de la liberté de conscience. Ils savent que la laïcité construite sur la neutralité du pouvoir politique constitue la meilleure défense possible contre les périls du communautarisme. Le défi, dont parle M. Stasi, de forger l’unité tout en respectant la diversité de la société, il a été relevé, et victorieusement, dans notre île ».
Idriss Issop Banian, du Groupe de dialogue interreligieux, également présent au rectorat hier, se dit plutôt satisfait de cette « solution de conciliation, d’apaisement » qui va permettre aux jeunes filles de retourner en classe. Cependant, il trouve regrettable que « le personnel nouvellement affecté dans l’île ne soit pas au courant de la vie religieuse et culturelle de la Réunion », et qu’une « maladresse » puisse remettre en cause ce vivre ensemble exemplaire. « A la rentrée, les familles et les élèves n’avaient pas besoin d’être troublés par ce genre de question. Toute classe politique, religieuse, philosophique confondue, personne n’est pour une application rigide de cette loi », rappelle-t-il. Quand cessera-t-on de plaquer sur notre société des problèmes qui n’y trouvent aucun écho ?

Edith Poulbassia

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Messages

  • Ce compromis peut permettre aux centaines de filles musulmanes en France de reprendre le chemin de l’école .A cause de cette loi des centaines de filles musulmanes en France sont cloîtrées à la maison ou obligées de prendre le chemin de l’exil pour pouvoir suivre leurs études.
    Pour une fois on voit bien que avec la discussion on peut trouver une solution pour un problème à condition que les fanatiques de tous bords laissent les gens discuter.


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