Carrefour des créateurs 2004 à la médiathèque François Mitterrand

Les Comores à l’honneur

2 novembre 2004

L’Union des artistes de La Réunion (U.D.A.R.) a eu la bonne idée d’inviter trois artistes comoriens et une guyanaise au Carrefour des créateurs 2004 qui se déroule jusqu’au 6 novembre 2004 à la médiathèque François Mitterrand de Saint-Denis.

Sédar, Ali Chacri et Mab El Had, les trois invités d’honneur comoriens du Carrefour des créateurs 2004 ramèneront dans l’archipel le trophée UDAR. Une distinction qui va droit au cœur de ces artistes contraints de travailler dans des conditions difficiles. La peinture des deux premiers, membres de l’association Simbo Art dont le secrétaire général n’est autre que Modali bien connu dans l’océan Indien, se caractérise par des couleurs vives sur des supports de fortune (toile de jute, tressage de feuilles de cocotier, van, bois, carton...). Elle puise son inspiration dans la tradition.
Sédar présente un hommage à la femme, un travail sur la défense de l’environnement et une recherche très intéressante sur les portes sculptées des habitations comoriennes et leur symbolique. L’expression est résolument abstraite. Alors que celle d’Ali Chacri hésite entre l’abstrait et le figuratif. Ce dernier trouve son inspiration dans la tradition : circoncision, tromba, muldi... et dans l’actualité souvent douloureuse de l’archipel : drame des kwassa-kwassa (1) anjouanaises ou question de l’unité du territoire.
Mab El Had, gendarme engagé dans la lutte contre le trafic de drogue, poète, journaliste culturel, calligraphe, est aussi photographe (voir encadré). Il a accroché une dizaine de photographies. Certaines jouent sur le flou artistique et véhiculent l’idée que “pendant que le peuple tourne en rond, d’autres décident”. Pour d’autres, le photographe utilise la surimpression.
Ce qui donne à la place Badjanani (place de l’ancienne mosquée du vendredi de Moroni) un aspect surréaliste allant du "crépuscule" à l’"apocalypse". Ce sont sans doute les œuvres qui font le plus appel à la sensibilité artistique du photographe.

Un hommage aux ancêtres

Mais on ne peut écarter la série sur l’enfant comorien "dans tous ses états" et, encore plus intéressants, ces clichés sur la réfection des boutres. Avec notamment cette image symbolique d’un fagot de bois au premier plan d’un boutre subissant un "lifting". Peut-être le dernier, puisque ceux-ci semblent appelés à disparaître.
Pour les trois artistes comoriens, cette sortie qui est la première - sauf pour Sédar qui a déjà exposé à Madagascar, à Maurice où il a été primé et à Paris - est "une fenêtre ouverte sur la région" et "un tremplin". Il va leur permettre de s’"enrichir culturellement", de "confronter nos œuvres à un nouveau public". C’est aussi, quelque part, "une reconnaissance" et "une occasion de nous épanouir". Mais encore, "de voir d’autres expressions". Et notamment celle de la Guyanaise Roseman Robinot - la quatrième invitée d’honneur de ce carrefour des créateurs - qui rend hommage à la Vénus Hottentot et à Lucy.
Il ne faut pas non plus oublier dans cette exposition la trentaine d’artistes de La Réunion qui présente un multitude de styles. Et parmi eux, les tableaux d’Elisabeth Stépanovitch, Bruno Lajoinie, Josiane Moreau, les encres de Charles Hoareau, les aquarelles de Françoise Chadini, les sculptures, à partir des racines, de R. Chanedu... Autant d’œuvres qui ont particulièrement attiré notre attention.
Une exposition qu’il faut vite aller voir, parce qu’elle donne un bon aperçu des arts plastiques, non seulement à La Réunion, mais aussi dans des pays qui nous sont proches.

L.M. 

(1) Nom des embarcations à moteur qui convoient les candidats à l’immigration d’Anjouan à Mayotte et dont les occupants trouvent trop souvent la mort.


Le gendarme aux champs

Gendarme de profession, Mab El-Had, à la matraque, préfère le verbe. L’homme est l’auteur d’un travail sur la poésie comorienne publié dans un ouvrage collectif chez Seghers. Il versifie à loisir et vient de publier son premier recueil de poèmes, "Kaulu la mwando" ("Paroles premières") aux éditions Komedit. Il a profité de son séjour dans l’île pour présenter son ouvrage : veillée poétique avec Lerka, dédicace à la librairie l’Entrepôt... Il pourrait également revenir en mars prochain, à l’invitation de l’UDAR.
D’autres perspectives sont ouvertes mêlant photo et littérature comme un reportage sur l’émigration comorienne à La Réunion, une projection de diapositives et une conférence sur la littérature comorienne... Également dans sa poche une invitation de la galerie Catélina pour participer au "septembre de la photo" à Nice.


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