Étude sur l’évolution de la diffusion cinématographique à La Réunion

Les difficultés du cinéma avant l’ère des multiplexes

23 août 2005

Le cinéma à La Réunion a subi le déclin de toute la filière dans les Années 1980-1990, mais n’a pas su remonter la pente comme c’est le cas en Europe et en France métropolitaine. L’étude réalisée à ce sujet par Laurent Minatchy nous permet de voir plus clair sur les raisons spécifiques qui ont contribué à la marginalisation de l’art cinématographique à La Réunion.

Au lendemain de la fête du cinéma à La Réunion, il est opportun de revenir sur les conditions de la diffusion des œuvres cinématographiques, notamment les causes de la faiblesse de son audience. La télévision, devenue le média de référence, a acquis une suprématie supplémentaire chez nous, en raison du double problème de l’éloignement et de la dépendance à la métropole.
Selon Laurent Minatchy, on ne peut ignorer l’impact que peut avoir le média de la télévision qui offre à la fois la langue française, l’information et la distraction. Cette dernière est déterminante dans la mesure où il s’avère que le cinéma dans l’île est toujours perçu, vécu et consommé comme divertissement et non comme objet culturel.
Par ailleurs, la remarquable étude de Laurent Minatchy sur les comportements sociaux nous révèle deux attitudes face à la télévision. Alors que pour les gens aisés la télévision occupe une place marginale dans l’ameublement aux cotés de divers objets antiques ou modernes, elle sert à regarder quelques émissions particulières, le reste du temps étant consacré à d’autres hobbies culturels ou récréatifs. Par contre, dans les milieux à faibles revenus, on consomme véritablement de la télévision, du matin au soir et quel que soit le contenu de la programmation. Cela justifie la place centrale de la télévision au milieu du salon et même de la salle à manger.
La baisse de près de 40% des entrées et 15% du nombre de salles entre 1982 et 2001, au moment où la population a connu une croissance de près de 37%, soit plus de cinq fois celle de la métropole, ne peut s’expliquer uniquement par la télévision, la vidéo et Internet. Les transferts financiers qui ont permis de revaloriser les revenus et de susciter une croissance du niveau de vie ont créé une croissance économique artificielle qui n’a pas réussi à changer la situation de l’emploi. Près de 40% de la population active de La Réunion est au chômage. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’amélioration des conditions de vie n’a pas favorisé la fréquentation des salles de cinéma. Elle s’est accompagnée de l’apparition de nouveaux loisirs liés pour la plupart à la voiture, notamment les sorties vers la plage, la forêt, les visites familiales, mais aussi les excursions, les randonnées, la mode et les voyages.

S’adapter à une nouvelle consommation

D’un autre coté, les déficiences de l’offre ont une part importante de responsabilité dans la désaffection du public réunionnais des salles de cinéma. Premièrement, les petites salles obscures n’offrant pas le confort et la qualité de son qui vont avec la nouvelle société de consommation, ne pouvaient que désintéresser ceux qui ont désormais la possibilité d’acheter un home cinéma et un salon en cuir. Le rapport qualité prix plaide en faveur de la location du DVD, ou l’abonnement au satellite.
Ensuite, la localisation des structures au centre ville, loin des banlieues où réside la nouvelle classe moyenne, avec des difficultés de circulation et de parking au pays de “l’automobile reine”. Enfin, la faiblesse de la programmation en raison des surcoûts liés à l’éloignement, mais surtout du fait que les opérateurs locaux sont obligés d’acheter les copies et les droits y afférents.
Dans la partie perspectives, ce mémoire soutenu en 2004 et intitulé “La diffusion cinématographique dans la région et le département français de l’océan Indien, La Réunion (de l’arrivée du cinéma dans l’île à aujourd’hui, avant l’ère, des multiplexes)” a prédit avec assurance que le renouveau du 7ème art se ferait avec l’avènement des multiplexes prévus pour 2OO5. Il s’est avéré en effet qu’une bonne partie des obstacles identifiés trouvent une solution dans le tout premier multiplexe ouvert à Cambaie à la fin juillet. En effet, Yves Ethève, responsable de l’un des deux distributeurs exploitants de film a ouvert ce complexe de type nouveau, à quelques centaines de mètres de la route nationale 1, à hauteur du centre commercial de Savannah, avec un immense parking. La structure comprend huit salles très confortables, un son à la pointe de la technologie, des restaurants et un espace-jeu pour les tout-petits. Et comme prévu, les Réunionnais n’ont pas fait la fine bouche, avec plus de 30.000 entrées en moins d’un mois.

Soutenir le cinéma d’art et essai

Cependant, il ne faudra pas se faire d’illusions. Il reste un long chemin et un effort soutenu pour que l’art cinématographique occupe une place de choix dans l’île. Cet étudiant à l’UFR Cinéma et Audiovisuel de l’Université de Paris 3 propose quelques pistes, dont une initiation dans les écoles et des animations pour aider à la compréhension du cinéma d’art et d’essai. On peut saluer dès à présent l’opération "collège au cinéma" et “lycée au cinéma" en matière d’éducation à l’image, le cours de réalisation audiovisuelle dispensé par le centre multimédia de l’université de La Réunion, et ceux qui sont dispensés par le Centre de l’Image de l’océan Indien (l’ILOI) et l’école des Beaux-Arts.
De plus, le succès croissant que remportent le "Festival du film d’Afrique et des îles" au fil des années et les projections de la salle Petit est de nature à éveiller un goût pour le cinéma artistique. Le relais commercial sera assuré par le pourcentage de films classés Art et Essai que devront programmer les multiplexes pour obtenir les subventions. Concernant les accompagnements financiers, le soutien de l’Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) peut alléger le risque des distributeurs locaux par le financement de l’édition de copies supplémentaires. Par ailleurs, l’aide du Conseil régional, au travers de l’Association pour le développement du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia (ADCAM) vise à favoriser le développement des entreprises de production et de talent locaux. Cette dernière initiative paraît déterminante, car jusqu’ici, les spectateurs réunionnais ont toujours été de simples observateurs jamais impliqués dans les films qu’ils regardent.
Une large diffusion des meilleurs produits du festival du film scientifique serait un coup de pouce à la promotion du cinéma comme objet culturel. Ces actions multiformes mises en place ces dernières années, constituent un tournant, mais il faudra du temps et plus d’implication à la fois de l’État, des collectivités et des professionnels de la filière, pour que La Réunion puisse combler le retard pris dans la consommation de l’art cinématographique.

M. Aliloifa


Séances gratuites pour découvrir le cinéma

Art & Essai à la Médiathèque de Sainte-Marie

La médiathèque de Sainte-Marie et l’association Perspectives du Cinéma vous proposent des séances gratuites de cinéma à thème, les première et troisième semaines de chaque mois. Chaque séance est précédée d’un court-métrage. Le film est présenté par une personnalité compétente.

Programme

Septembre : mois Film Noir
Mercredi 07 à 18h : Le faucon maltais (John Huston)
Samedi 10 à 18h : En 4ème vitesse (Robert Aldrich)
Dimanche 11 à 16h : Le grand sommeil (Howard Hawks)
Mercredi 21 à 18h : Gilda (Charles Vidor)
Samedi 24 à 18h : Laura (Otto Preminger)
Dimanche 25 à 16h : La nuit du chasseur (Charles Laughton)

Octobre : mois Cinéma Africain, en partenariat avec Village Titan
(Programme non encore établi)
L’association profitera de la tenue du Festival du Film d’Afrique et des îles, qui se tiendra au Port du 04 au 09 octobre, pour vous offrir la projection (en 35 mm ?) d’un Film du Festival, présenté comme il se doit par son réalisateur !

Novembre : mois Stanley Kubrick

Décembre : mois Burlesque Américain


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