
Mal-do-mèr dann sarèt
28 juin, parLo zour la pokor kléré, Zan-Lik, Mariz é sirtou Tikok la fine lévé, mèt azot paré. Madanm Biganbé i tir zot manzé-sofé, i donn azot, zot i manz. (…)
“La question des ancêtres chez les esclaves de Bourbon” - 4 -
13 janvier 2005
Lors de son intervention du 20 décembre dernier au Bocage, l’historien Prosper Ève a montré l’impasse dans laquelle se trouvaient les esclaves de l’île Bourbon qui voulaient rendre hommage à leurs ancêtres (Voir nos précédentes éditions).
Nous entamons aujourd’hui la deuxième partie de son étude, dans laquelle il montre comment les esclaves s’exprimaient sur leur condition lors de manifestations culturelles. Cette partie est intitulée par l’auteur : ’Conditions de la naissance et difficultés de survie d’un culte rendu aux ancêtres’.
(Page 5)
Sauf de rares exceptions, le rôle de l’esclave est de travailler pour nourrir son maître, la famille de son maître et lui-même. Le maître n’attend pas autre chose de lui.
L’habitation est l’espace de travail. Elle n’est pas le lieu de la libre expression de toutes formes culturelles des esclaves. Les gouvernants et les maîtres surveillent les faits et gestes des esclaves en vue de prévenir la récolte.
Les Lettres Patentes du roi Louis XV de décembre 1723, qui valident le système esclavagiste à Bourbon et asservissent littéralement l’esclave sans espoir aucun, ou si mince, de sortir de sa condition, interdisent formellement tout attroupement. Or, toute manifestation culturelle favorise le rapprochement des hommes. Dans ce contexte, pour battre le tam-tam, une autorisation gouvernementale a été nécessaire. Si le chant n’est pas interdit, c’est parce qu’il est souvent un acte solitaire. En décrivant l’habitation Desbassayns, Auguste Billiard écrit :
"Il n’est pas encore huit heures du soir : le plus profond silence règne bientôt sur toute l’habitation ; il n’est troublé que par le cri des grillons, ou par le chant monotone d’un noir qui s’accompagne du bobre ou du vali. Le bobre est un arc dont la corde de pitte, autrement d’agave, résonne sur une petite calebasse placée à l’une des deux extrémités. Le vali ou voulou des Malgaches est une lyre cylindrique dont les cordes, au nombre de sept ou huit, sont distribuées autour d’un tronçon ou d’une petite colonne de bambou ; elles sont formées de filets d’écorces, détachés du cylindre lui-même, et tendues par des chevalets placés près des nœuds qui sont à l’un et l’autre bout... Combien de fois me suis-je endormi aux chants du noir, aux sons mélancoliques du vali et du bobre qui se prolongent souvent jusqu’au milieu de la nuit ?". (1)
Le républicain Pierre Amable de Sigoyer évoque en 1854 quelques souvenirs de l’époque de l’esclavage dans son “Journal Politique” et notamment, la fête organisée à la fin de la coupe des cannes.
"Anciennement du temps de l’esclavage, c’était une bien belle fête que celle-là. On l’appelait le banquet de cannes, puisqu’en revenant du dernier champ de cannes, les Noirs se présentent sur une longue file deux par deux, ayant en tête les commandeurs, à la maison du maître, avec un drapeau d’une couleur quelconque, surmonté de plusieurs sommités de canne à sucre arrangées en bouquet.
Le lendemain et pendant deux ou trois jours, il y avait cessation de travaux. Distribution de rhum à volonté. Grand cari de viande. Je me souviens bien qu’à la maison, quand mon père avait sa sucrerie des Deux Rives, toute la bande venait invariablement, s’emparant vivement de sa personne. Quatre hommes l’enlevaient et en chantant et en dansant, on le promenait dans tout son établissement.
Ensuite c’était les danses. Chaque caste de Noirs se réunissait à part en groupes séparés et dansait les danses nationales. Le bobre, le caïambre, le tam-tam et d’autres instruments dont j’ai oublié les noms..."
Mais le chant peut aussi être mal interprété par les administrateurs et les possédants, car il est une forme de résistance à l’esclavage, il peut être une arme pour dénoncer l’absurdité du système et les abus des maîtres. Ainsi, lorsque Jacques Arago visite une habitation à Saint-Denis, un esclave rusé et redouté par le maître du lieu entonne :
"Angole est mon pays,
Hi ! Hi !
Mes pères et sœurs sont là,
Ah ! Ah !
Un beau jour je partirai
Eh ! Eh !
Et j’y serai bientôt
Oh ! Oh !
Moi fatigué de labourer la terre
Moi fatigué de recevoir des coups
Je ne veux pas attendre davantage
Et quand mes frères auront autant de cœur que moi
Je ne veux pas achever ma chanson
Car maître est là qui m’écoute
Et quand l’étranger sera parti
Avec bon maître qui nous frappe si fort
Moi vous dira, mes camarades,
Ce qu’il faut faire pour ne plus être esclaves." (2)
Les jours de fête (Noël, Jour de l’An, Pâques, Pentecôte, Toussaint, Saint-Jean, Saint-Louis,...), lorsque le maître s’amuse, il autorise ses travailleurs esclaves à se divertir en chantant et en dansant.
De ces fêtes d’esclaves, le moyen propriétaire de Sainte-Suzanne, Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble, donne de brefs témoignages dans son journal intime. Le 29 mars 1812, dimanche de Pâques, jour du baptême de son fils, il consigne : "Nous avons passé la journée joyeusement, et le soir nous avons dansés des contredanses, après quoi les domestiques se sont amusés quelques heures à danser et à rire. Le tout en l’honneur de l’admission de Fortuné au sein de l’église."
Le premier janvier 1813, il note à propos des amusements des esclaves : "Les noirs de Grinne sont venus hier soir du Grand Hazier ici, pour célébrer selon la coutume le premier de l’an, mais aujourd’hui la pluie continuelle a troublé leurs plaisirs, sans cependant les empêcher de danser et s’amuser."
En 1819, le gouverneur Milius donne une caution officielle à ces divertissements en autorisant tous les maîtres à faire danser leurs esclaves chez eux les dimanches et jours de fête, de midi jusqu’au canon du soir, après voir obtenu la permission du maire.
Le premier mai 1844, le voyageur Lavollée, membre de la mission de Chine, a l’occasion de contempler un bal d’esclaves en se tenant à l’abri des regards des danseurs : "La salle de bal, parquetée de verdure, tapissée de bambous et de lianes entrelacs, n’avait pour tout lustre que des torches de résine et quelques lampes d’huile de coco ; les étoiles, scintillant au ciel, brillaient à travers les cribles du feuillage et répandaient sur l’ensemble du tableau, peint et encadré par la seule nature, leur douce lumière. Autour d’un orchestre rauque et criard, mais qui pourtant ne manquait pas d’une certaine mélodie, une foule compacte de nègres et de négresses se livrait à toutes les excentricités du bamboula. Quelques groupes chantaient ou plutôt criaient à tue-tête un jargon inintelligible, réminiscence dépaysée de la côte africaine ; d’autres s’enivraient de rack, avant de retourner aux danses. C’était l’orgie de la liberté, aux seules heures qui n’appartenaient pas à l’esclavage." (3)
Vicorine Monniot apporte des informations complémentaires sur la danse des esclaves et leur fête le premier de l’An : "Dans l’après-midi du jour de l’an, les Noirs ont organisé un bal. Ah ! Ma chère Berthe, tu aurais eu une fameuse peur, si tu avais vu ce spectacle-là ! On aurait dit des démons ; mais je ne dois pas me permettre d’appeler ainsi mon prochain. Ce qu’il y a de sûr, c’est que c’était fort curieux. M. de La Caze leur avait donné de la viande, pour se régaler tous par un bon dîner ; et puis une barrique de vin. Ils ont été s’installer dans la grande allée qu’on leur avait abandonnée, et ils y ont emporté leur barrique, pour se rafraîchir quand ils auraient soif. Et puis, les voilà en train !... Des fenêtres de la salle à manger, nous apercevions cette grosse masse noire, qui s’agitait, qui sautait, qui courait !... Et nous entendions des cris qui ressemblaient à des hurlements. Ah ! vraiment, ça me saisissait ! M. et Mme de La Caze ont été les voir de plus près pour leur faire plaisir, et ils nous emmenées. Mais quand nous avons commencé à approcher, nous nous sommes serrées, Stéphanie et moi, contre Mme de La Caze, car nous étions effrayées de ces cris et de ces mines. Il y avait surtout, au milieu des autres, un grand noir, que je n’aimais pas à regarder ; il s’était mis sur la tête un espèce de diadème de plumes et tenait à la main une queue de cheval, qu’il remuait dans tous les sens, peut-être pour diriger les danses, car je pense qu’il était le roi de la fête. (...) La musique des noirs n’est pas gaie : c’est une espèce de tambour, qu’on appelle tam-tam ; et puis, ils ont le bobre, qui est si mélancolique, qu’il me donne toujours envie de pleurer quand je l’entends, le soir, dans le lointain (...) Le bal a continué jusque tard dans la nuit."
(à suivre)
Prosper Ève
(1) “Voyage aux colonies orientales”
(2) “Souvenirs d’un aveugle, Voyage autour du monde”
(3) “Voyage en Chine”
(4) “Journal de Marguerite”
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