
Nout mémwar
’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 10 —
8 février 2013

Dans le cadre de cette chronique ’Nout mémwar’, voici la suite du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’. Réputé premier roman de La Réunion, ce livre avait été rédigé pour éclairer la population en France sur la condition des esclaves et les traitements imposés aux marrons de l’Empire français. Au début de son texte, l’auteur raconte comment quatre esclaves marrons malgaches quittent « l’habitation coloniale » « au pied des Salazes » pour se réfugier dans les Hauts. Durant leur parcours, ils font une pause et ils échangent des informations sur les violences dont ils ont été victimes depuis leur déportation. Nous en sommes aux propos tenus par Tantacime à ses amis, qu’il appelle à se révolter face aux crimes des esclavagistes…
— Regardez : avant-hier le petit enfant de Koutkel a ramassé une mangue, un méchant fruit dans l’habitation ; et, comme il avait faim, il l’a mangée. On l’a dit au maître, qui ayant commandé, un noir tenait l’enfant, un autre le battait, et le pauvre petit être est sorti de là tout abîmé de coups...
Et puis qui fouille les trous pour mettre le ventre des femmes enceintes, que le maître fait fouetter ? Qui nous amarre et nous sangle au quatre-piquets ? Qui remarque et rapporte tout ce que nous faisons ?
Enfin qui exécute et va au-devant de tout ce que le maître dit et veut faire de méchant, de barbare ?...
Oh oui, frères, des Noirs sont complices. Ils flattent les maîtres qui les rendent si malheureux ; ils leur obéissent et les soutiennent contre eux-mêmes, au lieu de s’entendre comme de bons amis, de leur refuser de l’appui, de leur ôter le moyen de mal faire ; au lieu de se réunir, se lever en hommes et d’aller tous ensemble leur dire : « Nous avons des pieds et des mains et du sang comme vous, et nous ne voulons plus être foulés, pétris... ».
À présent que, pour tenter cette chose-là, nous sommes ici en Kabar, mon cœur aussi rit tout seul, tant il est content... Mais si nous réussissons, frères, ne dévastons rien, n’assassinons personne ; cela fâcherait le bon Dieu. Nous sommes assez forts pour être libres sans tuer ; et puis, ces champs, ces maisons, pourquoi les brûler, les détruire ? Ils n’ont pas fait de crime, et nous en aurons besoin nous- mêmes, quand nous serons libres...
Oui, frères, sans verser de sang, ni dévaster l’île, nous pouvons faire notre soulèvement. Quand nous aurons bien causé et que nous serons bien d’accord sur tout, nous irons, chacun de notre côté, dans les établissements, parler aux amis, gagner les bandes, faire des ensembles ; le jour de l’affaire arrivé, nous nous lèverons en masse, nombreux comme nous serons, on n’osera pas nous résister.
Nous dirons tous ensemble : nous sommes libres ! et nous serons libres. Les maîtres vivront dans le pays, mais ne seront pas plus que nous ; autrement, nous leur laisserons des navires pour s’en aller. Voilà ; j’ai dit comme je sens, et comme j’ai pu. Maintenant à un autre.
(à suivre)
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