Nout mémwar

’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 17 —

29 mars 2013

Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici le second chapitre (’L’habitation’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un groupe d’esclaves marrons malgaches quitte « l’habitation coloniale » réunionnaise « au pied des Salazes » pour se réfugier dans les Hauts. Durant leur parcours, ils échangent des informations sur les violences dont ils ont été victimes depuis leur déportation et sur la nécessité de se révolter. Ils finissent par se séparer…

eux heures environ s’étaient écoulées depuis la séparation silencieuse de nos quatre individus ; et la blanche lueur, première gaze du matin, commençait à se faire voir, flottant incertaine aux abords de l’Orient.

Comme un sylphe messager du jour, le petit oiseau blanc avait quitté son nid. Il en gazouillait la nouvelle de feuille en feuille, de branche en branche.

Le merle s’éveillait. Aussi diligent que l’abeille, auprès des trésors de la grenadille et de la jamerose, il répétait l’égayante annonce, en parlant sa voix telle qu’un doux écho de l’aurore.

On était au printemps. Mais, printemps, été, hiver, automne, qu’importe au climat de l’île ? Il y a toujours de la chaleur, des fruits, des fleurs et de la verdure.

Cependant, peu à peu, le jour s’élevait, s’agrandissait. Il poussait une petite brise, qui, douce, agréable, fortifiante, pleine de joie, de délicieuses senteurs, d’enivrement indicible, semblait être le divin souffle générateur de la création et de la vie !

Le soleil allait paraître. De brillants nuages séraphiques l’annonçaient ; tout paraissait être dans l’attente. Aussi, quand, incendiant l’horizon, il montra sa face radieuse, ce fut un concert général.

La mouche d’or faisait entendre, avec d’autres, le bourdon de ses ailes ; le bengali, son petit cri saccadé, chromatique ; le serin, ses airs, ses fioritures ; et la tourterelle, son roucoulement comme l’appel d’une fille romantique.

Tout chantait ; la cascade, en descendant du morne ; le ruisseau limpide, en caressant l’herbe verte ; la goutte de rosée, en miroitant sur les feuilles, en souriant dans les fleurs ; le papillon, en folâtrant, en faisant palpiter, sur chaque corolle embaumée, les couleurs de ses ailes ; le palmier, en balançant ses verts éventails, le goyavier, ses myriades de bouquets roses ; les oiseaux, les insectes, les arbres, la nature entière, oui, tout chantait à l’oreille et aux yeux, tout exprimait le bonheur dans ce paradis, excepté le malheureux nègre...

(à suivre)


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