Nout mémwar

’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 45 —

11 octobre 2013

Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici la fin du 8ème chapitre (’Le vieux nègre’) et le début du 9ème chapitre (’L’embuscade’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un membre d’un groupe d’esclaves marrons, ’le Câpre’, échappe aux chiens des chasseurs de marrons puis rencontre dans une grotte « une jeune femme blanche (Marie) tenant dans ses bras un enfant mulâtre », où il est rejoint par « un grand jeune nègre » (Frême) ; cet esclave de Saint-Denis a épousé à Saint-Paul la fille du directeur de son collège, Marie ; victimes d’injures racistes et de menaces, ils fuient dans les Hauts, suivis par une autre « victime du système et des préjugés coloniaux », un vieillard, ancien militaire en France, avec qui ils partent « marrons » et qui décède d’un tétanos...

Les Hauts de La Réunion, lieu de résistance de nos ancêtres marrons…
(photo Toniox)

À cet endroit de leur récit au Câpre, ils furent obligés de s’arrêter, tant le souvenir de la mort du bon vieux nègre leur était encore douloureux et poignant ! Frême avait changé de figure ; il était comme un homme dont la respiration et la parole étaient obstruées par un caillou dans la gorge, et Marie pleurait en regardant son enfant, que le grand-père avait le premier reçu sur ses genoux et baptisé...

Aussi on pouvait les voir, chaque matin, chaque soir, aller tout recueillis, comme on se rend à l’église, s’agenouiller près d’une croix d’un bois noir, entourée de fleurs sauvages, et plantée contre une petite pierre tumulaire, au bord du précipice, en regard de l’Orient !!!

IX - L’embuscade

Le Câpre, qui avait suivi — avec le plus vif intérêt — le narré simple, mais touchant, intraduisible de Frême et de Marie, partageait aussi vivement leur émotion :

—  Ah ! vous m’avez fait oublier tout ! dit-il, en passant la main sur quelques larmes qui miroitaient comme des perles sur ses joues d’ébène. Vous m’avez fait oublier ce que j’ai été, ce que je dois faire, et puis vous ne m’avez pas donné seulement l’hospitalité ; vous m’avez donné aussi autre chose au cœur. Heureux vous et soyez bénis !... Mais l’heure a passé... il faut que je vous dise adieu, que je vous remercie...

—  Comment, déjà ! s’écrièrent à la fois Frême et Marie.

—  Oui, bons amis, pardon ; j’ai aussi un grand-père ; et, tandis qu’il fait jour encore, je voudrais pouvoir gagner son endroit.

(à suivre)


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