Nout mémwar

’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 47 —

25 octobre 2013

Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici la suite du 9ème chapitre (’L’embuscade’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un membre d’un groupe d’esclaves marrons, ’le Câpre’, échappe aux chiens des chasseurs de marrons puis rencontre dans une grotte un jeune couple de marrons, « une jeune femme blanche (Marie) tenant dans ses bras un enfant mulâtre » et « un grand jeune nègre » (Frême) ; ce couple avait suivi un vieil esclave qui est décédé d’un tétanos et ’le Câpre’ leur dit qu’il doit rejoindre son grand-père... Frême l’accompagne, mais ils sont repérés par des chasseurs de marrons avec leurs chiens.

Le Câpre et son hôte arrivaient dans l’embuscade...

—  Halte-là ou sans quoi mort ! leur cria une voix immonde ; et aussitôt, les chiens et les hommes armés se montrèrent. Surpris par cette attaque imprévue, le Câpre resta court et se défendit à peine. Mais, à la vue du danger, à la pensée de Marie, Frême bondit, se dressa comme un lionceau devant les assaillants ; sa force et son courage se triplèrent.

—  Oh ! voilà bien votre travail ! s’écria-il avec un dédain plein de rage. Vous n’êtes bons que pour surprendre. Mais, lâches que vous êtes, vous ne m’aurez pas en vie !...

Et nul ne pouvait l’approcher ; car il s’était emparé d’un des dogues, qu’il brandissait autour de lui, comme s’il jouait avec l’arme dangereuse du fléau ; s’en servant ainsi contre les autres, il ne tarda pas à les mettre tour à tour hors de combat !

—  C’est trop fort ! dit l’un des chasseurs. Il faut en finir avec sa capture vivante. Et il le coucha en joue à bout portant.

—  Grâce ! ne le tuez pas ! il se rendra !... Mais le Câpre eut à peine jeté ce cri, tout en cherchant à se dégager des mains de celui qui le tenait, qu’un coup de feu partit, la balle siffla dans l’air... Frême avait disparu... Il ne faisait plus qu’un avec le chasseur, que d’un bond il venait de saisir au cou.

Enveloppé aussitôt comme par un serpent, l’assaillant homicide abandonna sa carabine. Il s’arma d’un poignard. Mais, perdant la respiration et l’équilibre, il tomba, tel qu’une masse inerte, avec celui qui l’étreignait de ses membres de fer, dans le bourbier du ravin, où dès lors le groupe resta muet, immobile, ainsi qu’une pétrification.

(à suivre)


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