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par le Dr Raymond Vergès

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’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 65 —

Nout mémwar

vendredi 28 février 2014


Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici le début du 14ème et dernier chapitre (’L’exécution’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un membre d’un groupe d’esclaves marrons, ’le Câpre’, échappe aux chasseurs de marrons puis rencontre dans une grotte un jeune couple de marrons, « une jeune femme blanche (Marie) tenant dans ses bras un enfant mulâtre » et « un grand jeune nègre » (Frême) ; ’le Câpre’ leur dit qu’il doit rejoindre son grand-père. Frême l’accompagne mais ils sont repérés par des chasseurs de marrons avec leurs chiens et Frême est tué par un coup de carabine. Un chasseur ramène aussitôt ’le Câpre’ chez son maître, Zézé Delinpotant, à Sainte-Suzanne ; celui-ci demande à son commandeur de mettre l’esclave rebelle en geôle avant de le conduire « devant le régisseur » ; au même moment, « trois autres malheureux Madagasses » sont emprisonnés et amarrés par des pièces de fer dans un cachot, dont leur ami Antacime réussit à les libérer et ils s’enfuient. Une dizaine de jours plus tard, « une frêle embarcation se brisa sur un des récifs de la Pointe des Galets, à Saint-Paul » avec les trois « Madagasses », qui sont condamnés à mort et emprisonnés à Saint-Denis. Peu après, l’exécuteur les fait marcher jusqu’à Sainte-Suzanne, avec une pause « en un lieu-dit Le Bel-Air »…


Au bout d’un moment de repos, les victimes et leur escorte se remirent en route ; il n’y avait guère plus qu’un quart de lieue à faire, et les spectateurs se pressaient davantage, se multipliant toujours.

Mais, parmi tous ceux qu’agitait l’événement, deux hommes, venant du haut de Sainte-Suzanne et transversalement à la route, un nègre de taille moyenne, ayant pour tout vêtement une mauresque serrée aux reins, avec un autre noir également accoutré, mais aux formes grandioses, athlétiques, couraient à toutes jambes pour arriver à temps...

— Ah ! se disaient-ils parfois avec un certain dépit ; il sera trop tard !... ce sera fini !
Et, tout en allant de la sorte, ils montaient sur chaque éminence qu’ils rencon-
traient, pour tâcher de découvrir le grand chemin et les acteurs de la triste cérémonie...

— Oh ! les voilà ! s’écria bientôt l’un deux ; j’aperçois les fusils ; mais, quel
dommage ! ils sont déjà au bord de la rivière, et nous n’aurons pas le temps de les attraper !...

— C’est égal ! reprit l’autre ; allons toujours ! La marée peut les retenir, et nous les gagnerons en tournant la cascade...

Ils coupèrent en effet par une masse élevée de rocher, d’où le torrent fait sa chute ; et, rendus de l’autre bord, ils prirent une ligne parallèle au cours de l’eau, qu’ils se mirent à poursuivre de toutes leurs forces. Mais ceux qu’ils voulaient atteindre avaient passé la rivière et les devançaient encore de près d’une demi-lieue.

 (à suivre) 


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