Diversité culturelle dans les petites îles de l’Océan Indien

Les miracles créoles

18 avril 2007

L’historien réunionnais Sudel Fuma revient tout juste d’une grande conférence d’experts internationaux sur la diversité culturelle, organisée par l’UNESCO, au Centre international de conférence aux Seychelles. Essentiellement, une question a été soulevée : Comment faire en sorte que les petites îles du monde, dans un contexte de mondialisation, puissent préserver leurs patrimoines culturels ?

Diversité culturelle ! Le concept est sûrement né dans les années d’après guerre, alors que l’on créait l’UNESCO. « Connaître les cultures doit permettre aux hommes de vivre dans un monde harmonieux », résume sommairement Sudel Fuma. Depuis 1945, les nombreux chantiers ont permis de mettre en lumière toute l’importance de l’identité culturelle, et notamment celle des petites nations. Alors, qu’est-ce que la diversité culturelle ? « La notion de diversité culturelle s’appuie aujourd’hui sur une définition élargie de la culture qui, outre les arts et les lettres, englobe les modes de vie, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances, ainsi que les façons de vivre ensemble », lit-on dans un document de l’UNESCO, "L’UNESCO et la question de la diversité culturelle - Bilan et stratégies, 1946-2007". Ce rapport de l’UNESCO met en exergue les différentes approches théoriques et pratiques de la diversité culturelle, distinguant 5 grands chantiers durant les 61 ans de travail autour de ce thème fondateur.
En 1945, la culture était essentiellement les productions artistiques, plus, de mettre en avant « les modes de pensées, de sentiments, de perceptions ou de manières d’être, profondément intériorisés et créateurs d’identité » pour reprendre les propos de l’UNESCO. Dans les années 1950-1960, durant tout le périple de la décolonisation, les nouveaux pays indépendants revendiquent la reconnaissance de leur identité culturelle. En 1966, « la notion de culture en tant que pouvoir politique prend un nouvel essor en se rattachant à l’idée de développement endogène ». On affirme alors le lien indéniable entre culture et développement d’un pays. Culture, pouvoir économique ?

Démocratisation des cultures et mondialisation

Le quatrième chantier débute dans les années 1980. On met l’accent sur le lien entre culture et démocratie, insistant sur le besoin de tolérance au sein des pays. On travaille alors pour la culture pour tous. Les États sont appelés à reconnaître le pluralisme culturel à l’intérieur de leur frontière et non plus seulement de la culture de l’Etat. L’UNESCO amène une question fondamentale : comment faire pour que l’on partage les cultures des personnes qui vivent autour de nous, sans pour autant renier notre propre culture ? Pour la France : commencer par ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et les conventions garantissant les droits des citoyens à la protection de leur identité culturelle et linguistique dans le respect des droits de l’Homme, donner aux Régions et Collectivités concernées les compétences et les moyens de prendre en charge l’avenir des langues et cultures de leurs territoires, constitutives de leur identité propre, et surtout la Constitution française pour reconnaître sa riche diversité culturelle. On pressent tous les dangers qui assailliront les petites îles et leurs grandes cultures.
A l’ère de la mondialisation, tout peut sembler préoccupant. L’arrivée des nouvelles technologies, les défis environnementaux, le commerce contraint par des exigences internationales... tout peut nous inquiéter. Le processus de mondialisation bouleverse l’économie, c’est un fait. Encore faut-il étudier les changements qui interviennent sur les mentalités, et la façon de concevoir le monde. Ce cinquième chantier requiert une redéfinition des actions et des stratégies à mettre en place pour « préserver et promouvoir la diversité culturelle et son corollaire, le dialogue interculturel, solidairement garant de la paix et de la cohésion sociale au sein de chaque pays, et dans le monde ».

Création d’un Observatoire mondial sur la diversité culturelle

L’UNESCO met aujourd’hui en évidence l’apport de la culture, dans sa riche diversité, au développement durable, à la paix et la cohésion sociale. Pour Sudel Fuma, il s’agissait de montrer le patrimoine partagé dans l’archipel des Mascareignes et les Seychelles. Il avance le concept du « miracle créole », qui permet la reconnaissance, dans chaque groupe culturel, du droit à la diversité dans l’unité. C’est l’exemple réunionnais qui mérite d’être mis en avant. Cette conférence aux Seychelles était d’une importance salutaire. En octobre prochain, on verra naître l’Observatoire mondial sur la diversité culturelle, qui se donnera pour mission de comprendre le fonctionnement de nos cultures, issues des petites îles, et surtout de protéger ces richesses. Il sera basé à Maurice. Pour l’historien, il importe de sensibiliser les politiques sur la vulnérabilité de nos cultures. Nos îles sont des carrefours de civilisations. Cet observatoire, véritable laboratoire de “créologie”, se destine à ouvrir la compréhension de la mécanique et de la dynamique des créolisations. Et Sudel Fuma de noter, lors de son intervention : « À un moment où les crises identitaires menacent la cohésion des vieux pays européens, les modèles créoles des petites îles sont des voies nouvelles à prendre en considération ». Peut-être propagera-t-on le miracle créole, les miracles créoles ?

Willy Técher


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