Affaire de la démolition de la Maison Bénard à Saint-Denis

Les Réunionnais ont-ils le droit d’avoir leur histoire ?

18 juillet 2018, par Manuel Marchal

L’histoire de La Réunion est moins enseignée que l’histoire de France et pendant longtemps, le pouvoir a voulu faire des Réunionnais un peuple sans histoire, simple dépendance de l’histoire de France. La dernière révision constitutionnelle a même effacé la notion de peuple autre que le peuple français au sein de la République. Dans ce contexte, des tragédies peuvent survenir, comme la démolition d’une des plus anciennes maisons de Saint-Denis dans l’indifférence générale, avec l’accord des autorités compétentes.

Photo de la Maison Bénard extraite du "JIR" d’hier, qui rappelle aussi la violence des campagnes électorales à l’époque de la colonie.

Construite en 1838, la Maison Bénard était une construction protégée en tant que « bâtiment d’intérêt architectural traditionnel », soit un niveau de protection juste en dessous de « monument historique ». Mais elle vient d’être rasée sans avoir besoin d’un permis de démolir, suite à une erreur de procédure reconnue par l’Architecte des bâtiments de France, et avec l’accord de la Mairie de Saint-Denis. Cette démolition a été demandée par un promoteur immobilier.

Cette maison était une des seules de la rue de Paris a être construite en pierres. Elle date de l’époque de l’esclavage, et elle devait son existence au travail de victimes de ce crime contre l’humanité. Ceci démontre combien il est difficile pour les Réunionnais d’avoir le droit d’avoir une histoire.

En effet, on ne peut qu’être étonné du faible niveau de protection dont font l’objet les vieilles pierres qui racontent une histoire qui n’est pas celle de la France, mais de La Réunion. Ainsi en 2014, un chantier d’archéologie préventive avait découvert à Grand Fond ce qui devait être la plus ancienne usine sucrière de La Réunion, vieille de près de 200 ans. A part des photos, aucune mesure de sauvegarde n’a été possible. La loi permet en effet au promoteur immobilier de recouvrir ces ruines, et aucune mention de l’existence de ce patrimoine n’est faite. Dans un autre pays, la découverte du plus ancien témoin de son activité industrielle aurait sans doute débouché sur une décision de conservation, et de valorisation.

L’affaire de la démolition de la maison Bénard rappelle le peu de cas qui est fait de l’histoire de notre île. Et ce sont des Réunionnais qui sont les acteurs de cet oubli. La demande de construire un nouveau bâtiment à la place de la Maison Bénard a été faite par un Réunionnais, et c’est un Réunionnais en poste à la Mairie de Saint-Denis qui a donné le permis de construire, alors que son lieu de travail se situe en face de la Maison Bénard ! Le seul moyen d’éviter cette tragédie était dans les mains de l’Architecte des bâtiments de France, ce dernier a avoué sa faillite sur cette affaire.

Nul doute que si les Réunionnais avaient accès à un enseignement de leur histoire, c’est l’instinct de protection de leur patrimoine qui aurait prévalu sur l’appât du gain.

M.M.

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