Ati-Damba samedi au Dimitile

Lo kèr maron, lèspri la libèrté

21 décembre 2004

L’hommage aux ancêtres malgaches a rassemblé une centaine de personnes sur le plateau du Dimitile. ’Personne en cette terre réunionnaise ne devra avoir honte de son passé’ a expliqué Honoré Rabesahala.

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En quatre-quatre ou à pied, c’est une bonne centaine de personnes qui s’est donné rendez-vous samedi dernier sur le plateau du Dimitile. Tous se sont rendus en ce lieu de marronnage (comme l’a été tout le cœur de l’île) pour rendre hommage à la quête de liberté des ancêtres autour de la stèle érigée en l’honneur du roi Laverdure, de Dimitile le guetteur, de la reine Sarlave.
Cette cérémonie de l’Ati-Damba ou dépôt des linceuls, inspirée de la pratique malgache du retournement des morts, était annoncée par les organisateurs comme un "hommage aux ancêtres malgaches reposant en terre réunionnaise".
Étaient présentes des associations du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Associations au nom malgache, mais dont Honoré Rabesahala a affirmé la réunionnité. La cérémonie s’est déroulée en présence du maire de l’Entre-Deux, Bachir Vally ; était présent également Swami Prémananda Puri, président de la Maison de l’Inde à Saint-Louis. L’association Capitaine Dimitile a été également très impliquée dans la préparation de cette manifestation.

Le Sud, limite entre vie et mort

L’espace cérémoniel était organisé en fonction des quatre points cardinaux, où se regroupaient les participants en fonction de leur lieu de résidence.
Charlotte Rabesahala les a successivement interpellés en évoquant la symbolique de chaque point : l’Est, lieu du lever du soleil, origine d’où découle la descendance ; le Nord, signifiant la dignité du travail et la rectitude de la gestion ; l’Ouest, le port et la porte de l’île, promesse de prospérité mais aussi, à l’instar du soleil, invitation au repos au terme de la course quotidienne ; le Sud, qui marque la limite entre la vie et la mort, entre les vivants et le pays des ancêtres. S’ajoute le Centre, vers lequel tout converge dans un désir de résolution des problèmes.
Au terme de chaque invocation, chacune et chacun était invité(e) à déposer ses offrandes : rhum, miel, fruits, bougies, cigarettes... Puis vint la remise du lamba (linceul) : celui-ci fut serré autour de la stèle dédiée aux chefs marrons, un monument de pierre mis là à la place du corps des marrons et marquant leur absence.

Le “Dina” (accord commun) de Dimitile

Cette question fut d’ailleurs posée : où sont les os de tous ceux et de toutes celles qui sont morts en marronnage ? Question lancinante qui, à défaut de trouver une réponse assurée, conduit à chercher des lieux symboliques de substitution. "On ne sait pas où ils sont, disait Charlotte Rabesahala, mais écoutez votre cœur !" Autrement dit, c’est la mémoire des vivants qui les maintient dans la présence, en attendant que l’histoire et l’archéologie donnent des certitudes.
Pas seulement la mémoire, mais aussi le sens de l’avenir. C’est aussi à quoi Honoré Rabesahala invitait les participant(e)s. "Personne en cette terre réunionnaise ne devra avoir honte de son passé. Il faut avoir la tête haute pour porter la mémoire de nos ancêtres et regarder l’avenir avec confiance et travailler main dans la main".
C’est dans cette ouverture que fut lue pour finir le “Dina de Dimitile” (dina = accord commun). Une sorte d’engagement pris, la main droite levée, pour que la quête de liberté des opprimés de l’Histoire réunionnaise continue à nourrir le désir de libération des hommes et des femmes vivant aujourd’hui sur cette île. Lo kèr maron, lèspri la libèrté.

Brigitte Croisier


Dina de Dimitile

O toi mon ancêtre malgache
Que tu aies été libre, esclave ou engagé
Je t’ai enfoui dans le tréfonds de mon cœur
Je t’ai enfoui dans le tréfonds de mon âme
Je t’ai enfoui pour t’oublier
Pour oublier ta souffrance
Pour oublier ta honte
La honte d’être esclave
La honte de la misère
Mais je te porte en moi, dans mon sang, dans mon cœur
Tu frémis, ô mon ancêtre, dans chaque plante, dans chaque animal, dans chaque lieu
Que je nomme dans ta langue, ma langue oubliée

À partir d’aujourd’hui, maintenant, reçois mon amour et mon respect
Je veux que tu vives en moi
Souvenir vivant, souvenir réconfortant, souvenir sacré
Ton courage, ta rage de liberté
Liberté que tu as arrachée à cette terre
Je veux les faire miens
Et c’est dans tes pas, sur la terre retrouvée que je trouve ma libération.

20 décembre

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