Magnifique concert du groupe Oté Pirates à Saint-Denis

« Mettons Jean Ferrat au cœur du monde à construire ! »

3 avril 2013

Jeudi dernier à l’espace culturel La Fabrik du Butor à Saint-Denis, les artistes du groupe Oté Pirates ont présenté un magnifique spectacle autour de célèbres chansons — parfois créolisées — de Jean Ferrat. Le contenu de ces chansons du grand artiste français disparu en mars 2010 et la prestation du groupe réunionnais ont beaucoup ému le public, plus de 200 personnes, qui a participé à la réussite de cette soirée conviviale en chantant avec Oté Pirates et en apportant boissons et gâteries alimentaires.

La soirée a commencé par une belle présentation du groupe Oté Pirates par le directeur de La Fabrik, qui a également mis l’accent sur le sens très fort de ce concert. Car faire connaître au peuple réunionnais l’œuvre de Jean Ferrat est très précieux et cela donne vraiment un contenu profond à l’art musical.

En effet, comment oublier et faire oublier un tel artiste, qui a été censuré durant toute sa vie sur les médias officiels en France et à La Réunion ? Voilà aussi pourquoi ce concert fut très émouvant. D’où cet appel du directeur de La Fabrik : « Mettons Jean Ferrat au cœur du monde à construire ! ».

La lutte contre l’esclavage

Dans cet esprit, Oté Pirates a commencé par proclamer quelques articles de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (1948). Ensuite, le groupe a chanté aussi bien quelques-unes des célèbres chansons d’amour de Jean Ferrat, comme "Ma môme", "Que serais-je sans toi ?", etc., que ses chants nous appelant à construire un autre monde : "Ils étaient vingt et cent", "Camarade", "Potemkine", "Ma France", etc.

D’ailleurs, au début du concert, un lien a été fait entre, d’une part, ces chants d’hommage aux déportés et aux combattants de la liberté et, d’autre part, la lutte contre l’esclavage à La Réunion. Et le spectacle s’est terminé en chœur et avec force par la célèbre "Montagne", à la fois en français et en créole.

« Ses textes, toujours d’actualité »

Lors de cette soirée, des liens très étroits ont également été tissés entre le public et les artistes d’Oté Pirates : le chanteur Didier Delezay ; le chanteur et guitariste René Sida ; les musiciens Gérald Loricourt (clavier, guitare, ukulélé, rouleur, chœur) et Stéphane Guézille (contrebasse, chœur). On ne peut qu’espérer que leur spectacle pourra être offert aux Réunionnais ailleurs dans l’île.

Cela est vraiment important, car le sens de ce spectacle, intitulé "Jean Ferrat, Cœur Saignant", a une histoire qui mérite d’être connue (voir encadré) . Et ces artistes ont décidé qu’ « ils chanteront Jean Ferrat pour montrer la pertinence de ses textes, toujours d’actualité, avec comme objectif de placer l’humain au centre de la construction de la société ».

Correspondant

Jean Ferrat au Port en mai 1972

L’idée de ce spectacle "Jean Ferrat, Cœur Saignant" a germé dans l’esprit de Didier Delezay dit Pirate* (auteur, interprète) lors du premier anniversaire de la mort du chanteur en apprenant la venue à La Réunion de Ferrat et surtout sa visite du plus grand bidonville de l’île, "Cœur Saignant", situé dans la commune du Port, le 8 mai 1972.

Bouleversé par la pauvreté dans la dignité du peuple qu’il vient de rencontrer, Ferrat s’exclamera : « Quel beau et terrible nom que ce Cœur Saignant ».

Pirate raconte cette visite a son binôme, René Sida (guitariste, auteur, compositeur, interprète). C’est décidé, ils chanteront Jean Ferrat pour trois raisons :

La première, parce que cette visite à Cœur Saignant est la rencontre de deux destins ; destin de celui qui a vu son père partir avec d’autres dans des wagons plombés, pour ne devenir que des nombres avant de disparaître dans la fumée des crématoires ; et destin de ceux dont les parents, arrivés à fond de cales, ne deviendront que des "meubles" dans l’implacable logique du "Code noir".

La seconde raison, pour montrer la pertinence des textes chantés par Jean Ferrat, toujours d’actualité, avec comme objectif, encore et encore, de placer l’Homme au centre de la construction de la société.

La troisième raison, prouver que la musique est universelle quand on est un grand mélodiste, ce qu’était Jean Ferrat.

Ce défi fut relevé par l’arrivée au sein du groupe de la jeunesse et du talent reconnu de deux jeunes poly-instrumentistes, Stéphane Guézille et Gérald Loricourt.

"Jean Ferrat, Cœur Saignant" est un spectacle métissé. Tout en respectant la force des textes initiaux, un peu de créole a été instillé et les mélodies ont été apprivoisées par Oté Pirates, séga, maloya y côtoient des influences cubaines.

Oté Pirates lance avec énergie des grappins de tendresse à l’abordage des cœurs et des corps, pour mettre dans "Cœur Saignant" ce que le peintre Ernest Pignon a gravé dans son portrait de Jean Ferrat (portrait dont il a offert le libre usage à Oté Pirates) : « La résonnance de ses mots, son humanité, son authenticité, sa chaleur fraternelle. Jean avait naturellement la même beauté grave, généreuse et sensuelle que son œuvre » .

(*) Pirate, c’est le "ti nom gâté "de Didier Delezay dans le monde du rugby.

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