Ayant le privilège de posséder une voiture, je me mets de mon côté à la disposition des responsables de la campagne électorale de Raymond Mondon. C’est ainsi que le jeudi 21 novembre, j’accompagne ce dernier dans sa tournée à travers la commune en vue de la constitution de sa liste. Son directeur de campagne, Léon de Lépervanche, maire du Port, ne disposant que d’une bicyclette, je me charge de son transport à l’occasion notamment des meetings d’ouverture et de clôture de campagne qui ont lieu respectivement à La Ravine à Malheur et à Sainte-Thérèse. Je note la présence constante à ces réunions de l’Inspecteur des Renseignements généraux Pierre Lacoste.
Malgré la brièveté de cette campagne, tous les quartiers de l’immense commune de La Possession reçoivent la visite des porte-parole de la liste Mondon. Même Mafate, très difficile d’accès à cette époque, n’est pas oublié.
Ayant accompagné dans le cirque Roger Mofy, colistier de Mondon, et le député Paul Vergès, je ne peux résister à la tentation de faire un bref récit de notre randonnée dans cette région où il n’y a plus aujourd’hui un seul bureau de vote.

- Mercredi 4 décembre. Nous quittons le Port en voiture à 16 heures. À notre arrivée au Guillaume à 17 heures, nous prenons immédiatement place à bord d’une jeep conduite par M. Baret, un ami du maire de Saint-Paul Evenor Lucas. Pour nous rendre au Maïdo, nous roulons lentement sur une piste à forte pente (probablement plus de 20%). Une piste qui semble s’opposer par endroits à notre passage. Lorsque nous quittons la jeep pour nous engager dans l’étroit et long sentier qui mène à Roche Plate où nous arrivons à 21 heures 15, le soleil est sur le point de disparaître à l’horizon. Nos lampes de poche nous permettent de nous diriger sans trop de difficulté vers le gîte très sommairement aménagé où nous passons la nuit.

- Jeudi 5 décembre. À 7 heures 15, nous sommes prêts à prendre le sentier qui conduit à Grande Place. À notre arrivée peu avant midi, presque toute la population du village rassemblée chez M. Thiburce nous accueille chaleureusement. Car c’est la première fois qu’elle reçoit la visite d’un député. Un député parfaitement au courant de leurs délicats problèmes, venu lui demander de prendre conscience de l’importance du vote du 8 décembre.
Après un déjeuner-débat exceptionnellement convivial auquel participent des dizaines de personnes, direction Bras Sainte-Suzanne où nous arrivons à 18 heures 30. Là aussi, l’accueil est très sympathique. Nous écoutons les doléances des habitants de ce village et mettons l’accent sur la nécessité non seulement de voter le 8 décembre mais aussi de s’opposer par tous les moyens à toute tentative de fraude. Le bureau de Bras Sainte-Suzanne compte alors 337 électeurs dont les voix sont traditionnellement acquises à la gauche. L’engagement pris par toutes les personnes présentes de barrer la route aux fraudeurs sera remarquablement tenu.
C’est à la lumière de nos lampes de poche et pieds nus - nos chaussures, peu adaptées à la marche dans des sentiers à forte pente, nous faisant trop souffrir - que nous parcourons quelque 6 kilomètres nous séparant du village de La Rivière des Galets. L’état des pieds de Paul Vergès ne lui permettant plus de marcher, c’est à dos d’homme que le député accomplit cette ultime étape avant de prendre place après 21 heures dans une voiture qui nous conduit au Port, où un compte rendu de mission est fait à Léon de Lépervanche.

(à suivre)

Eugène Rousse