Cimetière Marin de Basse Vallée à Saint-Philippe

« Notre cimetière a bien été dérangé »

2 septembre 2010, par Sophie Périabe

Suite aux travaux engagés par la municipalité de Saint-Philippe sur une partie du cimetière marin de Basse Vallée, un comité de vigilance culturel et cultuel de réunionnais a été récemment créé. Composé de Marmay La Cour, l’association des Paysans de Saint-Philippe, du MLK (Mouvman lentente kou d’main) et du CRAN, ce comité dénonce la « profanation » de ce lieu de mémoire.

« Ce cimetière a été créé en 1735, il y avait des marins, des esclaves, toutes les religions étaient représentées. C’est un lieu où l’on retrouve les bourreaux et les victimes », explique Calvert Leiching de l’association des paysans de Saint-Philippe. Un cimetière en friche aujourd’hui, certes, mais un cimetière quand même. C’est un lieu de culte, de mémoire, à préserver et à valoriser pour que la jeune génération n’oublie pas notre passé. « Ce passé qui est lourd à porter », poursuit Érick Murin du CRAN. « En tant que citoyen, mi peut pas laisse boulverse mon mort, même par accident », enchaîne Sully Hoarau, président de Marmay La Cour. Ce lieu est un bien collectif, un lieu commun à tous qu’aucune activité publique ou privée ne peut toucher.
Et même si ce n’était qu’un tas de pierres rapporté de Sainte-Suzanne dans le but de reproduire des sépultures, comme le prétendent certains, cela revêt un caractère sacré, de mémoire, « on n’y vient pas avec un bulldozer », s’insurge Érick Murin.
Pour le comité de vigilance culturel et cultuel, en cas de doute quant à la délimitation du cimetière, le principe de précaution aurait dû s’appliquer.
La municipalité aurait dû demander l’intervention d’historiens, d’archéologues avant de toucher à ce cimetière.
« Aujourd’hui, nous demandons à ce que la surface du cimetière soit bien délimitée », ajoute Sully Hoarau. Le comité envisage de faire une demande de reconnaissance auprès de la DRAC pour que « ce cimetière soit classé lieu de mémoire ».
Ce soir (NDLR : hier), une veillée symbolique sera organisée au cimetière, « chacun viendra avec sa bougie, sa prière, pour faire la paix avec nous même et apaiser les âmes dérangées ».

« Le gouvernement y sème la division »

Pour Franwa Sintomer, depuis 2010 notamment, « na pu de respect. Nou sent ke néna de l’indifférence autant sur le plan national que local. Le gouvernement y sème la division et chacun lé isolé dans son coin. Nou appartient à la France, mais pas à cette France qui respect pas nout mort ». Pour le défenseur de la culture réunionnaise, même dans la société réunionnaise, « nou lé de plus en plus diviser. Nous aperçoit que les associations qui devraient bouger, y bouge pas ». Franswa Sintomer reprend le procès engagé contre les tambours malbars à Terre Sainte, « personne y réagit pu pour fé le jeu des politiques ». Pour Sully Hoarau, « on ne peut pas toucher à notre mémoire, à notre culture, et résumer cela à un combat politique. Nout tout, nou doit défend nout culture ».
Le comité souhaite que la DRAC recense tous les patrimoines de notre île, tous ces lieux oubliés, pour que l’on ne se retrouve plus dans une telle situation.

 Sophie Périabe 


« Profaner un lieu de culte pour construire des logements »

C’est la nature des travaux engagés par la municipalité de Saint-Philippe sur ce terrain. Une commune qui compte 53% de chômeurs et des dossiers de logements sociaux en attente.
Mais cela s’explique et n’excuse pas le passage d’un bulldozer sur un cimetière. Le comité estime qu’il existe bien d’autres endroits pour construire des logements sociaux.
Arrivé sur le site du cimetière, le comité constate bien l’étendue des dégâts. « L’entrée du cimetière n’existe plus. Les pierres taillées étaient encore présentes, il y a une semaine, sur les montagnes de gravats », nous explique Stéphane Payet, secrétaire de l’association des Paysans de Saint-Philippe.
Notons que des rubans empêchent, ou plutôt dissuadent, l’accès au site et qu’aucun permis de construire, de démolir, de travaux ou autres n’est affiché.

 SP 

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