BAPAAT Hip-Hop : une première à l’échelle nationale

« On espère que ça va déboucher vers de l’emploi »

28 juin 2007

Entre danse, graphe et rap, la culture Hip Hop suscite l’engouement croissant de la jeune génération. Premier diplôme d’état au niveau national, le BAPAAT* Hip Hop mis en place par le CREPS, la DDJS et l’UFOLEP de La Réunion a récompensé, vendredi dernier, 11 jeunes stagiaires qui vont désormais pouvoir officiellement enseigner leur pratique dans les écoles, organiser des animations dans les quartiers. L’opportunité, peut-être, de pouvoir vivre de leur passion.

Sur le parvis de Champ-Fleuri à Saint-Denis, dans les Cases et espaces publics de l’île, des “battles” s’improvisent sous le regard des passants, happé par ces prouesses acrobatiques, par l’agilité et la dextérité de ces hip-hopeurs qui donnent à la danse urbaine un nouveau souffle. Le Hip-Hop c’est aussi le rap, ce “flow” de paroles qui expriment généralement les revendications de la jeunesse, puis le graphe avec ces tags qui, de l’inesthétique à l’artistique, s’invitent sur les mûrs de la ville, déjouant les interdits.

En réponse à une demande

Le Hip Hop fait ainsi référence aux pratiques spontanées des jeunes des quartiers. Pourquoi donc chercher à les encadrer par une formation ? Ces pratiques sont déjà autorisées par de nombreuses collectivités dans le cadre d’actions d’accompagnement de la politique de la ville. Cette nouvelle expression de l’animation des adolescents, si elle se développe à La Réunion, doit néanmoins être encadrée pour assurer notamment une meilleure sécurité dans l’apprentissage des techniques et permettre de développer des projets pédagogiques. Rémi Hourcade, formateur au CREPS et coordonnateur de ce premier BAPAAT Hip Hop, nous explique que la mise en place de cette formation répond concrètement à une demande. « Une demande à la fois des jeunes qui pratiquent le Hip Hop et qui souhaitaient intervenir dans les écoles, les structures, mais qui se voyaient à chaque fois opposer le fait qu’ils n’ont pas de diplôme, explique-t-il. Les structures étaient elles-mêmes demandeuses de ce type d’animation plutôt porteuse pour la jeunesse. » De l’expression libre et marginalisée, le Hip-Hop se démocratise, s’appuie sur des techniques et des codes, s’impose par la volonté des jeunes. Articulée autour de 4 modules, cette formation a permis de développer différentes compétences de façon transversale : animer des activités d’expression corporelle et d’arts plastiques en fonction des publics ; organiser des projets d’animation et gérer la pratique sur le plan de la sécurité et de la logistique ; se situer dans son environnement en gérant les relations avec les différents partenaires d’une structure ; se situer dans ses parcours de formation et professionnel. « Tous les stagiaires avaient un très bon niveau de danse, mais aucune connaissance dans la gestion d’un groupe, dans l’animation d’une séance, poursuit Rémi Hourcade. Maintenant, ils vont pouvoir être le relais dans les Maisons de Quartiers, les Cases, au sein desquelles ils sont déjà intervenus dans le cadre de leur stage de formation, pour proposer des animations aux jeunes. Du bénévolat, on espère que ça va déboucher vers de l’emploi. »

Un diplôme difficile à mettre en place

Ce serait pour les partenaires investis dans la mise en place de ce diplôme une belle récompense d’autant que sa concrétisation n’a pas été facile comme l’explique encore Rémi Hourcade. « Le milieu Hip Hop n’est pas encore très structuré au niveau du diplôme à cheval entre le domaine culturel avec la danse qui a déjà son diplôme d’État, le sport qui a aussi le sien et le domaine socioculturel où l’on n’a pas obligatoirement besoin de diplôme pour encadrer les activités. » Il fallait donc réfléchir à un diplôme adapté et c’est le BAPAAT qui touche à la fois à l’expression corporelle et aux activités plastiques, comme le graphe, qui a offert le cadre le plus flexible permettant d’intégrer le support Hip Hop. « C’est un Diplôme d’État donc reconnu qui permet d’intervenir dans les écoles, poursuit le coordonnateur. Le fait qu’il s’agisse d’un niveau 5 le rend également accessible aux jeunes qui ont eu des parcours scolaires difficiles. » Parmi les 11 certifiés récompensés vendredi, certains recevaient d’ailleurs pour la première fois un diplôme.
C’est aussi le premier diplôme Hip-Hop créé au niveau national car sa mise en place demande la collaboration d’acteurs dans des champs d’activités diverses, rendue possible à La Réunion. « On a pu le faire ici car le CREPS a de bonnes relations avec tous les milieux, soutient Rémi Hourcade. Sans chercher à ramener la couverture à soit, on a pu trouver un terrain de négociation. » Il semblerait que dans le département de la Seine et Marne les acteurs se fédèrent aussi pour l’émergence d’une formation similaire.

«  Surpris de voir des jeunes aussi investis, engagés  »

Effet boule de neige : d’autres demandes affluent déjà au CREPS qui préfère attendre avant de reconduire la formation qui s’est déroulée en alternance (800 heures en centre et 750 heures en structure). « On préfère voir si cela débouche sur de l’emploi pour ces jeunes diplômés ou s’ils en restent au bénévolat. Par expérience, on sait aussi que si on organise une formation deux années de suite, le vivier n’a pas le temps de se renouveler. Et puis cela demande de la disponibilité, un bon niveau et une certaine maturité », explique Rémi Hourcade qui rappelle que 3 stagiaires ont abandonné en cours de route. « Ceux qui sont restés étaient très demandeurs car ils voyaient cette formation comme l’opportunité de pouvoir vivre un peu de leur passion mais aussi comme une reconnaissance. » Cette formation a également constitué une expérience complètement nouvelle pour les professeurs du CREPS qui ont découvert et appris à connaître un nouveau public. « Cette formation nous a permis de mieux comprendre cette culture Hip Hop, confit le coordonnateur. Le monde du sport est un peu hermétique, n’a pas les mêmes valeurs. Mais tous les collègues ont été très agréablement surpris de voir des jeunes aussi investis, engagés. Tous les jeunes que nous rencontrons ne sont pas aussi motivés, intéressés pour faire avancer leur pratique. Ce fut pour ma part, une bonne et riche expérience et je pense que cette formation va aussi permettre de changer le regard du public sur ce type de pratiques. » Et par l’intermédiaire des jeunes diplômés, le regard des jeunes sur leurs propres pratiques notamment celles relatives au graphe va pouvoir évoluer. Les stagiaires qui ont eu à réaliser une fresque sur le mur du CREPS dans le cadre de leur formation savent que les jeunes revendiquent les tags comme une expression spontanée qui leur confère la liberté de déjouer les interdits. « Pour ce travail cadré, ils ont compris le risque que l’on encourre à faire tout, n’importe quoi et n’importe ou. Ils ont dépassé l’idée qui consiste à dire que lorsque le graphe est autorisé, ça n’est plus dans le mouvement et ont compris qu’il fallait aussi passer par là pour développer leurs pratiques. »

Une leçon partagée donc et une initiative à saluer car elle correspond aux aspirations de la jeunesse. Une jeunesse qui trouve dans la culture Hip Hop de nouveaux moyens d’expressions, d’affirmation, auxquels il faut être réceptif pour cultiver la communication, le respect de l’autre et pour pouvoir cheminer côte à côte sur le chemin du vivre ensemble.

Stéphanie Longeras

*
Le BAPAAT (Brevet d’Aptitude Professionnelle d’Assistant Animateur Technicien de la Jeunesse et des Sports) est un diplôme d’Etat, délivré par le Ministère delaJeunesse et des Sports. Il atteste d’une qualification professionnelle pour l’encadrement, l’animation et l’accompagnement des activités physiques et sportives et des activités socioculturelles définies par les supports techniques de la formation. Il constitue le premier des niveaux de qualification professionnelle dans les filières préparant aux métiers relevant des secteurs de la Jeunesse et des Sports.


Témoignage

Le Hip Hop : « 
un bon moyen de captiver, de motiver les enfants  »

Erika Pagneste est la seule jeune fille à avoir suivi et décroché son diplôme à l’issu de la formation BAPAAT Hip Hop. Âgée de 26 ans, elle est animatrice à l’ADAP (Association pour le Développement de l’Animation Portoise). Interview.

Pourquoi t’es-tu inscrite à cette formation ?

- J’ai toujours été intéressée par la culture urbaine et je me débrouille plutôt bien dans les activités plastiques. Je voulais évoluer dans le domaine de l’animation, me servir du Hip Hop pour monter de nouvelles chorégraphies avec les enfants. Je suis d’ailleurs responsable d’un projet que je suis en train de monter au sein de l’ADAP avec le soutien de l’UFOLEP, sur le graphe et d’autres animations en lien avec la culture Hip Hop. En fait, c’était un défi, pour voir.

Qu’est-ce que cela va t’apporter de plus dans ta pratique ?


- J’ai appris beaucoup sur l’histoire de la culture Hip Hop, son évolution depuis les années 70. Je vais pouvoir transmettre aux enfants tout ce que j’ai appris, leur montrer que le Hip Hop ce n’est pas uniquement la danse mais aussi la musique et le graphe. C’est un très bon outil pour l’animation, un bon moyen de captiver, de motiver les enfants, de les impliquer et de les faire travailler car les modes d’expressions du Hip Hop les intéressent beaucoup. Par rapport au graphe, je vais aussi insister sur le fait que le Hip Hop revendique avant tout les tags comme un art visuel et que si on a les méthodes, on peut faire plein de choses, des fresques, des paysages, de belles créations qui favoriseront la reconnaissance de cette pratique.

Ca ne t’a pas posé de problème d’être la seule fille dans un milieu plutôt occupé par les garçons ?

- Au début nous étions deux filles, puis l’autre a abandonné. Ca m’a cassé le moral, mais les garçons m’ont encouragée. Ils m’ont aidée pour les chorégraphies, les pas de base. Il n’y a pas eu de rapports machistes entre nous mais au contraire, une vraie solidarité. Nous venions tous des quatre coins de l’île. Le fait d’avoir passé un an ensemble nous a rapproché. On est d’ailleurs resté en contact et on se voit toujours pour travailler ensemble. Ils m’apprennent maintenant à maîtriser les acrobaties.

Qu’est-ce que tu aurais envie de dire à ceux qui se font une fausse idée de la culture Hip Hop, qui la résume à l’image du rappeur, un peu chef de gang, « désordèr »... ou d’autres préjugés du même type ?

- Je leur dirai que c’est pas ça du tout. Je prendrai juste l’exemple du battle. C’est un défi que les danseurs se lancent. Il s’agit juste de montrer de quoi on est capable. Celui qui a perdu sait qu’il retrouvera le gagnant lors d’un prochain battle et il s’y préparera pour être encore meilleur dans sa pratique. Il n’y a pas d’insulte, pas de coups, de choses comme ça. L’échange est au contraire basé sur le respect et c’est une source de motivation qui permet à chacun d’essayer de dépasser ses limites sur le plan physique, mais aussi mental. C’est donc un équilibre.

Entretien réalisé par SL


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Messages

  • Très bien j’espère que celà va vite se généraliser à la métrople car mon fils actuellement agée de 14 ans et demi (15 ans en juillet 2008) est très attiré par la culture hip hop il pratique cette dance à la MJC de notre ville et fait des grafs très facilement avec un niveau suffisamment élevé pour son age je pense (à meme été solicité par un group de rap amateur pour leur concocter une pochette d’album) actuellement en troisième d’insertion il ne trouve pas du tout sa voie dans les métiers proposés par l’éducation nationale et va probablement retourner en troisième général en attendant c’est bien malheureusement le mot "en attendant" il ne voit , ne pense et ne vie que pour le hip hop voudrait en faire son métier mais malheureusement que lui proposer dans cette branche !!! Donc je trouve cette initiative très interressante dommage qu’elle ne soit que pour les gens de la Réunion !!! en France aussi il y a pleins d’ados qui serait interressés ....J’espère donc que ce diplome va se démocratiser et enfin permettre à des jeunes de s’épanouir dans leur passion ....


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