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Christiane Taubira à Radio-Réunion
15 octobre 2004
Invitée hier des “Matinales” de Radio-Réunion, la députée de la Guyane et ancienne présidente du comité de soutien de l’Alliance pour l’Outre-mer lors des dernières élections européennes a évoqué l’héritage de l’histoire et les perspectives des peuples de l’Outre-mer. La veille, elle avait donné à l’université une conférence intitulée “Histoire coloniale et formes de la décolonisation”. Elle était d’ailleurs interrogée sur ce sujet. Nous publions ci-dessous ses réponses.
"Je ne dis pas que nous sommes toujours colonisés, je dis que la colonisation est un fait. La traite négrière, l’esclavage sont des faits qui ont duré quatre siècles et demi, on ne peut les contester. Quand le système esclavagiste s’essoufflait, la colonisation a commencé, c’est aussi un fait.
Il y a eu des promoteurs de la colonisation : Jules Ferry, Gambetta, Lyautey... Comment se sont démantelés les empires coloniaux ? Par la rupture, la violence, en Indochine, Vietnam, en Algérie ; par une espèce de négociation déséquilibrée en Afrique francophone, avec la loi-cadre, puis la marche vers l’indépendance.
L’Outre-mer est une espèce de zone grise où il n’y a eu ni la violence ni la négociation. Il y a eu cette loi de départementalisation que je ne critique pas, parce qu’il y a eu des parlementaires fabuleux pour la porter à l’Assemblée nationale, des gens d’une très grande envergure : Monnerville, Césaire, Vergès.
La départementalisation est un fait qui a apporté des progrès sur le plan social, mais les langues étant interdites, les pratiques culturelles étant interdites et dévalorisées, en fait ce terrain-là s’est asséché. Et nos appareils productifs aussi ont été désagrégés, se sont abîmés (...).
La décolonisation en tant que telle n’a pas formellement été faite ici, et surtout nous n’avons pas eu un mot à dire collectivement, ce qui veut dire que nous n’avons pas de références. Tous les peuples ont leurs mythes, ils ont leurs références, ils ont leur date-phare, et nous n’avons pas une date qui nous sert de référence pour dire “nous avons choisi à ce moment-là d’être département, ou de rompre avec La France, ou de choisir un partenariat original avec La France.”
Cela établit des freins psychologiques terribles qui assèchent l’initiative qui empêchent le développement. Je dirais qu’individuellement on est bloqué, on n’est pas dans l’inventivité maximale, dans la créativité, décomplexé. Par conséquent, si individuellement on ne peut pas apporter le meilleur de soi-même, collectivement on ne donne pas le meilleur. Ce sont ces freins qu’il faut faire tomber. (...)
Je dis à la jeunesse de La Réunion et à la jeunesse de l’Outre-mer que vraiment nous avons un potentiel extraordinaire. On n’imagine pas ce que l’on porte en nous, on porte en nous vraiment l’héritage des générations qui ont survécu à la traite, à l’esclavage, à à la colonisation, à la pauvreté, à la misère, à la dévalorisation de notre capital culturel.
On a inventé des langues, des cultures, on a découvert notre environnement, appris à le maîtriser, appris des savoirs, inventé des techniques. On porte tout ça en nous et le plus souvent on courbe l’échine parce qu’on ose pas, on n’est pas sûr de nous...
Il faut que la jeunesse d’Outre-mer prenne conscience qu’elle porte tout cela et qu’elle peut avoir la dragée haute devant n’importe qui, n’importe où à n’importe quel moment. Elle peut porter le monde sur ses épaules et je lui dis vraiment de se déployer dans le monde".
"L’obligation de défricher de nouveaux chemins"
Dans les “Matinales” d’hier, Christiane Taubira a d’abord donné son sentiment sur la manière avec laquelle les peuples de l’Outre-mer français sont traités. Selon elle, si on leur demandait leur avis, ils souhaiteraient probablement rester en collaboration étroite avec La France. Mais on ne leur a jamais demandé...
"Je pense encore aujourd’hui que les collectivités humaines ont vocation à diriger leur destin ; je le pense encore très fortement. Je ne milite pas pour l’indépendance, je dirais simplement que je suis une nostalgique, la grande époque des indépendances est passée.
Cela n’a pas été la période de ma génération, peut-être que nous n’avons pas été à la hauteur (...), je ne gaspille pas de l’énergie et de l’intelligence à me demander pourquoi nous l’avons loupée.
Cette période est passée, je me propulse constamment dans l’avenir, je me demande quel chemin ouvrir pour cette jeunesse qui s’interroge elle-même, qui vit une période difficile.
"On nous traite comme des personnes consentantes"
J’ai une tendresse extraordinaire pour cette jeunesse parce qu’elle connaît une période où les alternatives, les idéaux se sont effondrés. Les grands idéaux ont perdu de leur lustre, elle vit une période difficile avec le SIDA, le chômage, l’insécurité, avec une mondialisation sur laquelle elle n’a pas de grande maîtrise. Nous avons l’obligation de défricher de nouveaux chemins.
C’est une décision qui appartient aux peuples réunionnais, guyanais, martiniquais. Je pense vraisemblablement que s’il y avait une consultation - et c’est dommage qu’aucun gouvernement ne l’ait faite - vraisemblablement, largement, la majorité de nos peuples choisirait de rester en collaboration étroite avec La France.
Cela ne me choque pas, ne me vexe pas et ne me trouble pas du tout. Ce qui me gêne c’est qu’on ne pose pas la question et qu’on nous traite comme des personnes qui sont consentantes. Et toute notre histoire était comme ça".
"La société réunionnaise m’éblouit"
L’ancienne présidente du Comité de soutien de l’Alliance pour l’Outre-mer constate que La Réunion n’est pas dans une logique de hiérarchie. Elle a également évoqué l’université de La Réunion, au sein de laquelle se déroulent actuellement les journées de la recherche.
"J’ai eu la chance hier de donner une conférence à l’université (...). Il faut savoir qu’en général les universités sont des lieux figés, où le savoir est établi une fois pour toutes et où surtout on évite des contacts avec l’extérieur, parce que c’est toujours turbulent. Or cette université est ouverte, elle ose poser des débats, des débats contemporains, elle ose se jeter dans la mêlée, c’est une chance extraordinaire.
La société réunionnaise m’éblouit par exemple, parce qu’elle a des caractéristiques que nous n’avons pas, elle a des problématiques que nous n’avons pas et puis elle a des problématiques qu’elle est obligée d’embrasser vite.
La société réunionnaise n’est pas dans une logique de hiérarchie. Il n’y a pas "j’étais là avant toi, j’ai plus d’antériorité donc j’ai plus de légitimité sur le territoire".
En Guyane, les Amérindiens sont dans une logique d’antériorité puis dans une logique transcontinentale “peuple autochtone de toutes les Amériques”, et puis la Guyane est une terre de migration permanente, il y a de la place, mais c’est très compliqué chez nous. Tandis qu’à La Réunion il y a la possibilité de se dire : "on s’assoit autour de la table et puis on dessine le destin ensemble, on en rêve ensemble".
À propos de la “préférence régionale”
"Protéger notre société des injustices du monde"
Parmi les thèmes abordés hier, celui du droit au travail des habitants de l’Outre-mer, présenté par le journaliste sous l’angle de la “préférence régionale”.
"Le concept (de “préférence régionale” - NDLR) me gêne profondément parce qu’il est marqué. Les mots ont une histoire, un contenu et malheureusement, ils portent l’enseigne du Front National.
Ceci étant il faut poser les faits. Nous sommes en mondialisation, c’est-à-dire que les sociétés sont ouvertes. Nous sommes en confrontation et en compétition permanente avec le reste du monde. Donc la question est de savoir comment nous protégeons notre société, non pas du monde, mais des injustices du monde.
Il s’agit de savoir comment nous ne sommes pas balayés par le fait que, à tout moment, des multinationales, des personnes qui ont eu la chance d’avoir des formations plus pointues que les nôtres - pas forcément d’ailleurs-, peuvent arriver.
"Nous portons cette fraternité"
Nous avons des enfants brillants en Outre-mer, brillants vraiment partout, aux États-Unis, au Canada, au Japon, en France, en Europe, et qui n’arrivent pas à porter leurs propres compétences sur leurs territoires,
Qui peuvent ne pas avoir envie de rentrer, c’est leur droit, mais qui peuvent avoir envie de servir leur pays, donc il s’agit de savoir comment nous réagissons à cela. Et n’oublions pas ces personnes qui n’ont pas accès à ces formations, à ces qualifications, comment les protégeons-nous ?
Il faut poser (la question) : comment nous établissons un rapport avec la mondialisation, donc avec La France, avec l’Europe, mais avec le reste du monde un rapport qui ne nous écrase pas. (...)
La France ne sait pas encore comment faire avec la mondialisation, or nous nous débrouillons depuis 4 décennies avec une espèce de mondialisation, c’est à dire l’arrivée du monde entier sur nos territoires et nous avons été capable de recevoir tout cela pacifiquement, et même si nous avons des frustrations, et même si de temps en temps nous avons des flambées de protestation.
Nous portons cette fraternité, cette capacité de l’altérité, c’est-à-dire de l’accueil, de la différence, de la reconnaissance, et puis de la curiosité envers l’autre, nous portons cela en nous et en même temps nous voyons que cela nous écrase. Nous sommes dans une espèce de schizophrénie qui nous écartèle".
Assurer l’embauche des natifs dans les grands chantiers
Mayotte et la Guyane sont deux terres d’immigration, sources de questionnement sur les enjeux du co-développement pour Christiane Taubira.
"Il faut se rappeler que la migration est le mode naturel de peuplement de la planète. Les hommes ont toujours bougé, ils ont toujours circulé.
Il est vrai que les pays qui environnent la Guyane, et c’est le cas aussi pour Mayotte, sont des pays où le niveau de vie est très, très bas et où il y a la perspective d’une meilleure situation matérielle, ce qui est souvent très illusoire.
En Guyane, il y a le chômage, la misère, l’insécurité aussi, donc c’est illusoire de croire que la Guyane est le paradis de l’Amérique du Sud, que Mayotte est le paradis des Comores, etc...
Mais des hommes viennent, ils fuient des difficultés et la responsabilité est quand même au niveau des États, dans la mesure où il y a moyen de fixer ses populations, des accords internationaux.
"Entrer en discussion avec nos pays voisins"
De grands chantiers sont financés par des fonds européens, par exemple, on devrait faire en sorte que sur ces grands chantiers il y ait une embauche assurée pour les natifs du pays, et ce qui se passe la plupart du temps, c’est que ce sont des multinationales qui viennent, qui s’installent parfois avec l’essentiel de leur personnel et cet argent ne sert pas vraiment à développer sur place ni l’embauche, ni forcément les moyens nécessaires.
D’autre part il y a aussi la question de la décolonisation. Nous sommes traités comme des instruments, et non pas comme des partenaires qui sont capables d’avoir une vision de leur vie, de leur destin, de leur environnement. Nous sommes capables d’entrer en discussion avec nos pays voisins, de façon plus efficace que la France qui arrive avec sa puissance, ses moyens considérables, son aura.
C’est très bien pour La France, sauf que cela crée un déséquilibre dans la relation qui fait que les pays en face ne sont pas dans une capacité de négociation extrêmement efficace. Nous, à notre échelle, nous pourrions le faire beaucoup mieux".
L’égalité, un principe d’État
L’entretien d’hier dans “les Matinales” s’est conclu sur une question sur la Haute autorité de lutte contre les discrimination, créée par le vote d’une loi le 6 octobre dernier à l’Assemblée nationale. "Il faut arrêter aujourd’hui le discours sur la démocratie uniforme" estime la députée, qui a constaté que les notables ne savent pas ce que représente, au quotidien, la discrimination.
"L’idée de la haute instance de lutte contre les discriminations était une idée que j’ai portée pendant la campagne présidentielle. Mais je ne concevais pas ainsi cette autorité, je la voulais entre les mains de la société civile.
Le gouvernement a décidé d’en faire une autorité institutionnelle parce que ses membres seront nommés par le président, le Premier ministre, le Conseil d’État...
Je crains que cela devienne un club de notables, bienveillants sans doute, mais impuissant à faire du principe d’égalité un principe d’État parce qu’il faut des politiques publiques qui luttent contre les discriminations qui existent dans le logement, dans l’embauche, y compris contre les femmes, contre les ressortissants de l’Outre-mer, contre tout ce qui n’est pas blanc et chrétien
Les Français eux-mêmes sont capables d’accepter la différence, je l’ai vécu pendant la campagne présidentielle, ils savent accepter la différence même si il y a des tensions (...).
Par contre, ce n’est pas le cas dans les institutions. Regardez l’Assemblée nationale, s’il n’y avait pas l’Outre-mer, cela ressemblerait à quoi ? Le Sénat c’est pire, le gouvernement c’est pareil.
Les discriminations, démolition psychologique
Il faut arrêter aujourd’hui le discours de la démocratie uniforme, il faut comprendre que justement la République doit s’enrichir de sa réalité humaine, que c’est une force pour elle et il faut arrêter les discriminations d’État, les ruptures d’égalités.
Cette haute autorité n’aura pas les moyens de faire grand-chose, mais c’est quand même un premier pas, j’ai bien l’intention de faire du harcèlement pour lui faire comprendre qu’il y a de vraies situations de discrimination, que la discrimination c’est très grave.
Ces notables ne savent pas ce que c’est que la discrimination, de ne pas trouver un logement pendant très longtemps, d’avoir des qualifications et de ne pas trouver un emploi. Ils ignorent que c’est à partir du moment où l’on connaît votre nom et votre adresse, vous êtes indésirables partout.
Ils ne savent pas ce qu’est la démolition psychologique, que cela peut entraîner la remise en cause dans votre présence au monde.
Ils peuvent pas savoir, donc il faut qu’on leur dise, qu’on leur explique, qu’on les oblige à travailler, à saisir et à contraindre l’État à avoir des politiques de logement, de formation, d’accompagnement à l’embauche.
Obliger surtout à punir les discriminations. Je crains que cette haute autorité ne fasse que de la médiation, alors qu’il y a des lois contre le racisme, contre les discriminations. Ces lois doivent être appliquée. Nos enfants ne doivent pas continuer à vivre les discriminations".
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