Patrick Singaïny soutient l’Alliance

« On va vers une crise explosive s’il n’y a pas de MCUR »

17 mars 2010, par Edith Poulbassia

Le projet de la MCUR n’est pas celui d’un camp politique ou d’une famille d’intellectuels. C’est celui de tout un pays qui s’ignore. De tout un peuple qui n’ose pas croire en lui. De tout un peuple qui ne croit pas en sa capacité de trouver un second souffle après la bataille pour le gain de l’égalité sociale et, au-delà, pour le gain d’une vie décente que garantissait théoriquement la départementalisation, dixit Patrick Singaïny, ancien journaliste à “Antilla” et artiste contemporain.

Un panneau sens interdit indiquant « propriété privée » et une pancarte sur laquelle on peut lire : « Plus jamais ça ! Plus aucun étranger ne pourra s’approprier la personnalité réunionnaise. Ici se ferment les portes de la négation de notre en-soi, ici commence le moment des fraternités ». Le tout suspendu au monument qui rend hommage à Michel Debré, sur la place éponyme surplombant la rivière Saint-Denis, où demeure cette phrase célèbre prononcée par l’homme politique, des deux côtés du portail blanc scellé : « Créole un jour, Créole toujours ».

Patrick Singaïny, ancien journaliste de l’hebdomadaire “Antilla” en Martinique, artiste contemporain, aujourd’hui aide-documentaliste dans un collège, a tenu à afficher de façon assez singulière son soutien à l’Alliance dans cet entre-deux tours des Régionales. Un soutien sous forme d’une installation sur la place Michel Debré à Saint-Denis. Le genre « d’inscription dans un lieu à forte charge symbolique » qu’il avait l’habitude de réaliser en Martinique au sein de l’association Code-Barre.

Patrick Singaïny, « intellectuel réunionnaise », considère qu’il a le « devoir d’intervenir » dans les moments qui déterminent les grands tournants de la société, sous-entendu ici la société réunionnaise.
« Nous, les Réunionnais, sommes effectivement à un grand tournant de notre histoire, commente-t-il. Non pas parce que nous allons élire un nouveau président pour notre Région, mais parce que, au-delà de l’identité de la personne à désigner, nous devons nous donner les moyens de continuer à mener une politique axée sur la reconnaissance de la personnalité réunionnaise pour un meilleur développement de son univers ».

Eradiquer la politique d’assimilation

Patrick Singaïny apporte son soutien au « caractère identitaire de la politique menée par la Région ». Trois enjeux en dépendent : le co-développement avec nos voisins naturels, incontournable afin « d’offrir des destins pour ceux des nôtres qui ne peuvent pas en avoir dans un monde franco-européen aujourd’hui trop petit », le gain d’une autonomie énergétique par les énergies renouvelables dans les années à venir et surtout la consolidation de la cohésion sociale par la reconnaissance et la valorisation de chaque Réunionnais, « des voies intelligentes et visionnaires », pour reprendre son expression.
C’est surtout sur cet aspect identitaire que s’est exprimé Patrick Singaïny. L’identité réunionnaise est pour lui la condition du développement de l’île. D’où la nécessité d’ouvrir le débat, et de définir les contours de cette identité à travers la MCUR.

« Qui est Réunionnais, qui ne l’est pas ? Est-on certain qu’il suffit d’une journée pour devenir Réunionnais ? Est-on certain qu’il soit aussi facile de devenir l’un des nôtres ? »,
interroge-t-il. Pour lui, La Réunion s’inscrit encore dans un logique post-Debré. « La Réunion peut difficilement se définir en nous », affirme-t-il. En cause, l’appropriation de notre identité par « un étranger », Michel Debré, en affirmant « Créole un jour, Créole toujours », qui fait aujourd’hui que « n’importe qui peut s’approprier la personnalité réunionnaise ». Or, pour Patrick Singaïny, « on devient Réunionnais parce qu’on grandit dans sa culture, et non parce qu’on trouve les gens gentils ou qu’on n’a pas de problèmes d’intégration ». Aujourd’hui, dit-il, « les pistes identitaires sont brouillées » et la MCUR apparaît comme un passage obligé, tant il est « difficile d’éradiquer une politique d’assimilation ».

Un discours de rejet de l’autre ? Patrick Singaïny s’adresse enfin « aux étrangers nombreux et divers qui nous prêtent main forte dans l’édification quotidienne de notre modernité : bien que n’étant pas invités à s’y consacrer —la personnalité réunionnaise n’est pas leur affaire —, ils nous sont précieux parce qu’ils sont les premiers témoins de nos avancées culturelles et sociétales. Le développement de La Réunion est l’affaire de tous ceux qui y vivent. Les uns contribuent davantage à la construire matériellement, les autres — les héritiers de cette terre réunionnaise née de l’esclavage français — la repolarisent chacun à son échelle en interrogeant sa genèse, en refondant sa cohésion et son mythe fondateur ; en un mot, en la restructurant dans notre présent dont on a le profit que par le gain d’une force tranquille et cet esprit volcanique enfin apaisé en chacun de nous ».

(Textes et photos EP)

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