Débat “Leritaz kiltirel Sesel”

Politique pour valoriser la langue maternelle

3 novembre 2004

Débat sur la mise en valeur d’un patrimoine culturel et linguistique d’un pays à l’heure de la mondialisation.

Faire la fête n’empêche pas de réfléchir, au contraire. Si le festival kréol des Seychelles laisse une place importante aux festivités, il n’écarte pas les sujets de fond. Jeudi dernier, à l’institut kréol des Seychelles, se tenait un débat autour du thème “leritaz kiltirel Sesel”. Le ministère seychellois de la culture envisage de mener une solide politique culturelle, pour consolider la cohésion “ethnique” sur ses terres.

Qu’entend-on par héritage kréol ? Il importe de prendre en compte tout l’apport culturel des premiers arrivants dans nos îles, selon certains spécialistes. Fussent-ils Européens, Mozambicains, Malgaches, Comoriens, Indiens, Chinois, Arabes. Tous ont servi à la création d’une culture commune originale, à appréhender dans sa langue, sa cuisine, son architecture, sa musique, sa danse, et ses différences. On l’appelle culture kréol.
Reste à savoir comment sauvegarder cet écosystème culturel, préserver cet environnement linguistique, alors que les pays dominants prônent vigoureusement la mondialisation. Zan Klod Mahoune, politologue et anthropologue seychellois, déplore que "la culture ne soit jamais une priorité". Il confiait qu’elle est un préalable indéniable à la construction d’un pays.
Marcel Rosalie, conseiller au ministère seychellois de la culture pour l’héritage national, expliquait lors de la présentation du programme “Héritage Seychelles” qu’ils en sont encore à la phase de conscientisation.

Parce qu’il reste un problème d’envergure. Les Seychellois - et toutes les sociétés créoles ne sont malheureusement pas épargnées par ce phénomène - pensent encore que vivre sa kréolité consiste de fait à marteler son infériorité.
"Il y a un grenier dans notre esprit qui nous incite à croire que notre culture kréol est inférieure aux cultures extérieures", déplorait Zan Klod Mahoune. Se maniérer British, ou Français, ou Portugais, ou Espagnol, aiderait donc à gravir plus rapidement la longue échelle sociale, menant à la reconnaissance ? Rien n’est si sûr.
C’est la raison pour laquelle le gouvernement seychellois souhaite parachever la construction de sa société autour de sa culture kréol. C’est le premier gouvernement à instituer un festival kréol : il n’en demeure pas moins vrai que les Seychelles souffrent des mêmes pathologies culturelles que les autres espaces créoles.

Manque d’ouvrages pédagogiques

"Il n’est pas utile de nous déguiser pour le mois d’octobre pour montrer que tout va pour le mieux dans notre société", indiquait Zan Klod Mahoune. Et d’ajouter "c’est le monde créole qu’il s’agit de sauver, comme les oiseaux, les tortues, etc. Il reste beaucoup de choses à faire".
"Nou bezwen en serten rasinn ki nou dwa garde", surenchérit Marcel Rosalie.
Lors de la présentation du programme “Héritage Seychelles”, Marcel Rosalie indique toute la place prépondérante de la recherche. Mais il faut que "bann kréol i batt la sianss". Le gouvernement seychellois entend impliquer la population pour mener à bien sa politique culturelle.
Si les conférences, les ateliers-débats, les expositions sont importants pour faire vivre la culture, cette dernière doit rester vivante au sein même des familles créoles.
"Dabor nou travay pou donn in sans la fyerte nou pep seselwa", déclarait le conseiller du ministère. "Mo pa dir nou annan la tizann po tout maladi", poursuivait-il, tout en expliquant que l’éducation doit jouer son rôle. Certes l’enseignement est une solution. Mais, comme à La Réunion, l’Éducation nationale seychelloise laisse paraître des lacunes.
Alors que la République des Seychelles encourage le kréol à l’école, elle reste passive face au manque d’ouvrages pédagogiques permettant son enseignement. Pour ce faire, le gouvernement seychellois souhaite réunir autour de lui divers représentants, dont le département de l’éducation, le gouvernement local, des membres de musées, conseil pour l’art, etc. Loin de prôner une vision passéiste de la sauvegarde de la culture seychelloise, "akoz an servan bann teknolozi nou kapab kontinyen prezerv nou tradisyon e bann bon valer Kreol", expliquait Zan Klod Mahoune.
À l’heure des grands débats culturels à La Réunion - notamment au cours des états généraux de la culture - nous portons les mêmes préoccupations pour notre culture réunionnaise, et souhaitons vivement que soit pris en compte “l’héritage culturel réunionnais” dans son ensemble.

Bbj


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