Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

Cliquez et soutenez la candidature des Chagossiens au Prix Nobel de la Paix

Accueil > Culture > Culture et identité

Portrait d’Alain Lorraine

lundi 23 octobre 2006

C’était le 18 mai 1999, zétoil katrèr té i flamm, dans un dernier souffle, là-bas dehors, comme il l’avait écrit, dans « ce grand pays... », loin des paysages familiers de ses divagations poétiques. Alain Lorraine, à Paris, rejoignait l’autre continent. L’heure avait sonné pour le grand rendez-vous avec le monde des âmes, familier des Réunionnais. Poète Réunionnais, 1946-1999, ses œuvres :

“Tienbo le rein et Beaux visages cafrines sous la lampe” ? poésie, éditions L’Harmattan, 1975, Océan Editions, 1998.
“Les chrétiens du désordre”, éditions Calmann Lévy, 1979.
“Sur le black”, poésie, éditions Page Libre, 1990.
“Dehors est un grand pays”, poésie, éditions Parole d’Aube, 1993.
“J’habite Hem, puisque je viens d’ailleurs”, revue “Aube Magazine”, 1995.
“Une communauté invisible : 175.000 Réunionnais en France métropolitaine”, avec Wilfrid Bertile, essai, éditions Kartala, 1996.
“Jeamblon ou les petites libertés”, nouvelles et chroniques, éditions Kartala / Grand Océan, 1996.

Le grand public réunionnais ne connaît pas assez Alain Lorraine. C’est vrai que des décennies durant, on n’avait de cesse de nous apprendre l’ailleurs, nous nous dépossédions de toutes nos richesses, mêmes nos goyaves étaient devenues de France... L’hypercorrection nous muselait, en allant à l’école on apprenait à avoir honte, à nous taire pour ne pas dire..., attention monsieur ou madame te i pose a mwin in kestion... Alain Lorraine alors, dans ce temps de la honte où seule la Blanche avait prétention au qualificatif de belle, il nous livre “Beaux visages de cafrines sous la lampe...”.

A notre île, il donne des frontières à la dimension des quatre continents, quand il ouvre son recueil sur le black, avec Mozambique, Saint-Malo, Yanaon, Fort Dauphin, etc...

Sa poésie est une enfilade de perles rares, « tourne out langue set fwa dann out bous, avan di in afer ! ». Lui, il a brillé dans cet exercice, quand le mot arrive, il s’ajuste bien à ce qu’il veut que nous imagions. Chaque terme est trié comme le joaillier choisit sa pierre précieuse...
Faire mémoire d’Alain Lorraine pour moi, c’est comme le disait M. Paul Vergès présentant le livre de Philippe Dupuich et Alain Lorraine : « La Réunion, île de mille parts » : « Il nous est nécessaire de faire émerger un monde partagé... ».
Et pour reprendre une expression de Pierre Bourdieu « l’échange nous change... », rencontrer ses écrits, les dire entre nous, savourer ces mots, les faire nôtre, les transmettre à travers l’éducation nationale, nourrir notre légitime sentiment de fierté.

Alain Lorraine et ses écrits illustraient notre quotidien. Ses inspirations étaient notre manière de travailler, d’affronter les difficultés. De ces matériaux, il en fait de l’art, de l’action, de la théorie, de la pédagogie, de l’éducation, de l’économie...

L’héritage qu’il nous laisse doit nous mobiliser pour que les choses ne soient pas épouvantables. L’heure de nous-mêmes a sonné... « ta ler ta nou... ». Mai deviendra peut-être le mois du Réunionnais nouveau ?

Alex Maillot

Mardi 24 octobre, à la Médiathèque Benoîte-Boulard du Port, hommage à Alain Lorraine, à 18 heures


Un message, un commentaire ?

signaler contenu


Facebook Twitter Linkedin Google plus