Intitulé dans cette nouvelle édition “Histoire de l’Inde, à l’aube de la venue à La Réunion des engagés indiens”, l’imposant volume qui réunit sur 700 pages les récits les plus divers sur les sujets les plus curieux, n’est pas un livre d’histoire au sens moderne du terme.
À l’origine, il s’agit de récits de voyage rassemblés semble-t-il par un dénommé Y. A. Pannelier, à la demande expresse du préfet colonial Léger, en poste à Pondichéry. Le commanditaire est décédé sans avoir vu l’œuvre complète, six volumes publiés une première fois en trois tomes, à Paris en 1816, dans un format minuscule (9x12 cm environ) par la Librairie A. Nepveu, accompagnée de 104 planches dessins. Elle sera rééditée deux fois - en 1835 chez le libraire Desbledes (Paris) - au cours de la première moitié du 19ème siècle, en six volumes de petit format, dont de rares exemplaires ont survécu chez des amateurs de livres anciens.
L’un d’eux est parvenu au Groupe de recherche sur l’archéologie et l’histoire de la terre réunionnaise (GRAHTER), dont le président, Marc Kichenapanaïdou, a jugé bienvenu de faire connaître aux Réunionnais d’aujourd’hui ces “scènes de la vie quotidienne” dans l’Inde de nos ancêtres engagés.

Une mine d’informations

De passage à New-Delhi au début de cette année, deux autres membres du GRAHTER, Julien et Jacqueline Carpaye-Taïlamée ont obtenu, d’un groupe d’artistes de la Kishangar Art Gallery, qu’ils reproduisent à l’identique les cent quatre planches dessins. Ce sont donc des reproductions fidèles des textes et illustrations d’origine qui viennent de paraître, avec la complicité d’un imprimeur mauricien, en un seul volume de 700 pages. La seule variation introduite par le GRAHTER est le remplacement de l’avant-propos d’époque par une présentation critique de l’ouvrage, faisant notamment état des réserves que les lecteurs d’aujourd’hui peuvent et doivent avoir à l’esprit lorsqu’ils abordent la lecture d’un tel ouvrage, représentatif de la “littérature des voyages” qui a beaucoup fleuri aux 18 et 19ème siècles.
"Compte tenu des sensibilités de ces auteurs européens, fallait-il mettre ces livres à la disposition de nos compatriotes ? Malgré certains aspects négatifs, fallait-il priver les Réunionnais de ce document historique ?" Telles sont les deux questions de base, citées hier par le président du GRAHTER, qui ont guidé cette association dans son entreprise. Le résultat est une mine d’informations qui très certainement suscitera des débats, en éveillant la curiosité des Réunionnais, dont beaucoup sont des descendants d’engagés.
Hier soir, le GRAHTER était l’hôte du temple de la rue Saint-Louis, dont Gilbert Mardenalom préside l’association, et du maire de Saint-Paul, qui a exalté dans son allocution d’accueil les valeurs de l’interculturalité transmises aux Réunionnais par les générations successives d’ouvriers et d’artisans - y compris des milliers d’engagés dont une gallerie de portraits décorait un panneau d’exposition photographique préparé par Jean-Régis Ramsamy (voir plus loin).
Le groupe Ranjani (1) a interprété plusieurs chants d’origine indienne, transmis par la tradition orale des engagés du sucre. Des textes écrits par ce même groupe ont été dits par Annie Darencourt. Les musiciens du violoniste Dominique Amouny et les danses de Caroline Alex ont prolongé la rencontre organisée pour permettre à ceux des souscripteurs qui avaient pu se déplacer de découvrir “leur” livre.
Cet ouvrage a été entièrement financé par le GRAHTER avec l’aide de souscripteurs de toute l’île. Il est diffusé par le GRAHTER en quatre points de l’île (2) et sera sur Internet (www.livranoo.com) à partir de la semaine prochaine.

Pascale David

(1) Ranjani a produit un CD de musiques indiennes transmises par les engagés.

(2) GRAHTER : Sud (0692.765.378) ; Ouest (0692.602.460) ; Nord (0262.299.434) et Est (0692.656.347). Tiré à 1.500 exemplaires, “L’Hindoustan ou Religion, mœurs, usages, arts et métiers des Hindous” est vendu à 55 euros.

Prochaine parution du GRAHTER :

“Identités et représentation des Indiens à La Réunion”

Un travail photographique minutieux, opéré par Jean-Régis Ramsamy et Thierry Imidi-Mavoubaa avec le concours du photographe Raymond Barthes et des Archives départementales, a abouti à une large “gallerie de portraits” d’engagés du 19e siècle, saisis par la photographie naissante pour les besoins des services d’immigration de la colonie. À partir de cette collection, un immense travail de recherche biographique, historique, sociologique... peut être entrepris.
Jean-Régis Ramsamy, journaliste et auteur d’un livre sur les artisans indiens orfèvres (“Histoire des bijoutiers indiens à l’île de La Réunion”, paru en 1999) prépare avec le GRAHTER et l’association Fraternité tamoule de Saint-Paul, un livre présentant trois cents portraits d’engagés et des textes d’accompagnement, avec le soutien financier de la Région.