Des pages d’Histoire de La Réunion

Pour nourrir notre esprit

24 décembre 2008

L’Histoire de La Réunion est récente ! Mais elle est néanmoins riche. La période de l’esclavage a été, est et sera étudiée. Des livres, des sites, des CD, des DVD y sont consacrés. Ces supports aident à la compréhension de ce qui s’est passé en toute objectivité. En voici des extraits, et bonne lecture. Pour les livres, vous les trouverez en librairie, bibliothèque ou médiathèque.

J.-F. N.

• S’affranchir et être fiers de nos ancêtres

« Maintenant, il faut s’affranchir. Comment s’affranchir ? (...) Mais c’est simple, il faut être fiers, il faut s’affranchir nous-mêmes, qu’on s’affranchisse dans nos têtes, parce que nous sommes l’héritage de nos ancêtres. En étant fiers d’être descendants de ceux qui ont résisté dès le début de l’esclavage, de ceux qui ont tenté de résister, mais qui n’en avaient pas les moyens, parce que le système était tellement coercitif. On dit que les Antillais ont résisté. Pourquoi y a-t-il eu moins de révoltes à La Réunion ? Parce que le système était encore vicieux, plus dur, et quand on dit ici que les Africains, les Réunionnais d’une manière générale, descendants d’esclaves ou anciens esclaves, ne se sont pas beaucoup révoltés, qu’ils étaient, eux, résignés, ou que le système était doux, c’est une absurdité, c’est faux. La raison est qu’on n’en avait pas les moyens, pas les moyens d’abord et qu’ensuite, les colons, l’administration coloniale, s’étaient arrangés pour diviser la population. Il n’y avait pas d’homogénéité culturelle.
Vous avez des Indiens, des Malgaches des hauts plateaux, des Malgaches de la côte ; vous avez des Africains, et l’Afrique, c’est un continent. Vous avez des Indiens du Nord, du Sud, vous avez des esclaves malais qui ont été emmenés ici. Ces groupes ne pouvaient véritablement pas se souder et le maître a entretenu la zizanie entre ces différents groupes, ce qui fait qu’ils ont vécu l’oppression, l’asservissement, cette nouvelle forme de servilité jusqu’au colonage, et dans la tête, pour beaucoup, cela continue. Nous continuons à vivre ce que j’ai appelé “les rémanences de l’esclavage”. L’esclavage est terminé, juridiquement, - je parle du système traditionnel -, mais les images sont encore là. Alors il faut chasser ces images, et à mon avis, ce que nous faisons aujourd’hui et ce qu’il faut continuer à faire, ce qu’il faut faire surtout pour nos enfants est nécessaire pour se sentir comme des citoyens égaux et fiers d’être Réunionnais ». (P.44)

Sudel Fuma, Docteur d’état, maître de conférence à l’Université de La Réunion - “Esclavage et colonisation” - Texte du colloque du 13 juin 1998 - Le Port, Centre de l’Image “Antoine Roussin” Commission Culture Témoignages


• L’engagement de l’abbé Alexandre Monnet dans l’océan Indien

“Très vite, l’abbé Monnet se rend compte que son style n’est pas apprécié de certains colons saint-paulois. Le 15 octobre 1843, deux jeunes gens viennent perturber une séance de catéchisme qu’il dispense à des filles (...). Déjà six Saint-paulois, en 1831, ont voulu se distinguer comme esprits forts, en profanant une croix plantée sur la place de l’église (...). Au début de l’année 1844, l’abbé Monnet a été confronté à des problèmes beaucoup plus graves. Il a dû engager un bras de fer avec un chef d’Institution et le Conseil municipal. Quand il attribue aux esclaves les tribunes occupées par les élèves de l’institution Raffray qu’il place dans la nef avec ceux des Frères des Ecoles Chrétiennes, la bourgeoisie saint-pauloise tance le curé. Le Courrier de Saint-Paul, dont le rédacteur est Gustave Houpiart, fait observer au curé, le 2 février 1844, que lors de la cérémonie de première communion de la veille, les esclaves n’ont pas occupé les tribunes, car ils ont compris que d’autres y avaient droit avant eux”. (P.72)

Prosper Eve, Professeur d’histoire moderne à l’Université de La Réunion - L’engagement de l’abbé Alexandre Monnet dans l’Océan Indien - GRATHER


« On nous offrait toute la liberté, tous les droits, tous les devoirs, toute la lumière »

“Le 27 avril 1848, un peuple qui, depuis des siècles, piétinait sur les degrés de l’ombre, un peuple que, depuis des siècles, le fouet maintenait dans les fosses de l’Histoire, un peuple torturé depuis des siècles, un peuple humilié depuis des siècles, un peuple à qui on avait volé son pays, ses dieux, sa culture, un peuple à qui ses bourreaux tentaient de ravir jusqu’au nom d’homme, ce peuple-là, le 27 avril 1848, par la grâce de Victor Schoelcher et la volonté du peuple français, rompait ses chaînes et, au prometteur soleil d’un printemps inouï, faisait irruption sur la grande scène du monde.

 Et voici la merveille, ce qu’on leur offrait à ces hommes montés de l’abîme, ce n’était pas une liberté diminuée ; ce n’était pas un droit parcellaire ; on ne leur offrait pas de stage ; on ne les mettait pas en observation, on leur disait : “Mes amis, il y a depuis trop longtemps une place vide aux Assises de l’humanité. C’est la vôtre”.
 Et du premier coup, on nous offrait toute la liberté, tous les droits, tous les devoirs, toute la lumière. [...]



Aimé Césaire - extrait du discours prononcé le 21 juillet 1945 à l’occasion de la fête traditionnelle dite de Victor Schœlcher


• Le devoir de mémoire

La complexité et les souffrances à la fois physiques et identitaires justifient le devoir de mémoire. Les différentes abolitions sont le symbole des changements de régime et donc de l’évolution des mentalités des gouvernements. La prise de conscience est là pour faire avancer les choses, pour se libérer des chaînes au sens propre et figuré, pour faire se lever les barrières de l’incompréhension. Parler, analyser et comprendre notre passé commun est un acte aux valeurs salvatrices permettant à l’Humanité de panser ses blessures et d’avancer. Le système ainsi mis en place a codifié et planifié les conditions de vie et l’existence même des esclaves.

Hubert Gerbeau, Dominique Ramassamy, Alain Lorraine - centre-histoire-ocean-indien.fr


Contre le marronnage, une législation très sévère

À l’aube du 18ème siècle, le marronnage se développa malgré les châtiments publics qui se voulaient dissuasifs : Jean Bengalle qui avait voulu s’enfuir à l’île de France fut fouetté en public par tous les Noirs de Saint-Paul, Henri dût porter une chaîne de 25 livres pendant cinq ans (...). Dans son article 31, le “Code Noir” de 1723 prévoyait pour l’esclave enfui pendant un mois ou plus les oreilles coupées et la marque d’une fleur de lys sur une épaule ; en cas de récidive, le jarret coupé et une fleur de lys sur l’autre épaule ; après une troisième tentative, la mort par pendaison : on comprend que certains marrons aient préféré le suicide (par exemple en se jetant dans les précipices) à la capture. (P.73)

Jean-Marie Desport, Agrégé de l’Université - “De la servitude à la liberté : Bourbon des origines à 1848” - Océan Edition

20 décembre

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