Des « oublis » médiatiques autour de la visite de De Gaulle en 59

Puissantes manifestations contre la fraude : zéro kalbass !

23 novembre 2010

Récemment, plusieurs médias officiels à La Réunion ont consacré des articles et des reportages à la visite du général Charles de Gaulle à La Réunion en juillet 1959, sans dire un seul mot des grandes manifestations organisées à cette occasion par le P.C.R. pour dénoncer la fraude électorale de l’époque. Cela illustre une fois de plus à quel point la mémoire historique réunionnaise n’est pas respectée et comment on est passé plus que jamais de la fraude électorale à la fraude médiatique.

Après avoir vu et entendu comment la loi du silence imposée par les colonialistes a été appliquée ces jours-ci par des médias à propos du séjour de De Gaulle dans le pays en 59, "Témoignages" a interrogé Eugène Rousse, qui a suivi de très près cet événement. Cet enseignant retraité, militant progressiste, est un de nos principaux témoins de notre Histoire depuis plus de soixante ans, tant il garde en mémoire les grands événements qui ont marqué la société réunionnaise au cours de ces décennies.
C’est pourquoi il est étonné que la presse officielle et le service public d’information n’aient rien dit des manifestations organisées par les communistes réunionnais avec d’autres démocrates lors de la visite du chef de l’État à La Réunion les 9 et 10 juillet 1959. Or, ces manifestations étaient très importantes, car elles ont profondément marqué le combat mené par le peuple réunionnais contre les fraudeurs et leurs alliés depuis 1957 jusqu’au début des années 80.
Eugène Rousse était présent sur le terrain le soir de l’arrivée de De Gaulle à Saint-Denis et il a vu à quel point les Réunionnais ont répondu nombreux à l’appel lancé par le P.C.R.. « Il y avait foule après le pont du Butor lorsque le cortège officiel est arrivé et les gens étaient massés des deux côtés de la rue Maréchal Leclerc. Une pluie de tracts a été lancée pour dire "à bas la fraude !" et "les fraudeurs en prison !". Un tract est même arrivé dans la voiture du général de Gaulle ».
Lorsque le président de la République est arrivé et qu’il a vu la foule à l’entrée de Saint-Denis, il a cru qu’elle était venue le soutenir ; le préfet Jean Perreau-Pradier, qui a fortement contribué à institutionnaliser cette fraude pendant plusieurs années, lui a dit : « non, ce sont des cocos ! ».
Lorsque le cortège officiel est arrivé à la Préfecture, le préfet a déclaré aux journalistes que les communistes ont organisé une manifestation pour crier "à bas la France". C’est évidemment faux, mais cela illustre le lien entre le pouvoir néo-colonial, la fraude électorale et la fraude médiatique.

La répression à La Redoute

Le lendemain, un meeting s’est tenu au stade de La Redoute à Saint-Denis, où le représentant de l’État était entouré des fraudeurs de l’époque avec leurs nervis. Eugène Rousse témoigne à ce sujet : « Là aussi, les gens se sont mobilisés en grand nombre à l’appel du PCR. Ils sont venus de toute l’île pour manifester en faveur du droit des Réunionnais à voter librement. Beaucoup d’entre eux portaient des pancartes avec les mots d’ordre "à bas la fraude !" et "les fraudeurs en prison !". Parmi eux, il y avait évidemment Paul Vergès, qui avait été victime de graves violences policières devant la Mairie de Saint-Denis lors des élections municipales des 8 et 15 mars. Il faut savoir et se rappeler que des fraudes massives ont été organisées contre Paul Vergès, qui avait une large majorité des électeurs en sa faveur. Ces fraudes ont été prouvées, et lorsque la population a manifesté sans brutalités devant la mairie pour le respect du suffrage universel et de son droit de vote, elle a été violemment réprimée. Paul Vergès a été assommé par des policiers et laissé pour mort sur la chaussée.
Lors de ces élections, Héliar Laude, un jeune Dionysien de 17 ans, est tué le 15 mars 1959 par un nervi devant le bureau de vote de Sainte-Clotilde, lors d’une manifestation des partisans de Paul Vergès fêtant la victoire plus que probable de ce dernier ».

Une violation des droits de l’Homme

Eugène Rousse revient sur la manifestation de La Redoute : « Une demi-douzaine de manifestants furent arrêtés par les policiers sur le stade et envoyés au commissariat jusqu’au soir, alors qu’ils n’avaient commis aucun délit ; ce qui est scandaleux. Claude Hoarau, qui avait 17 ans à l’époque et qui avait participé en mai au congrès fondateur du PCR, fut victime d’une tentative d’arrestation par plusieurs policiers, mais il s’est débattu avec une telle vigueur qu’il a pu échapper à cet acte arbitraire ».
« Il est très important, pour renforcer la mémoire historique réunionnaise, de faire connaître ce genre d’événement. C’est également une connaissance à laquelle le peuple réunionnais a droit, au nom du respect de son droit à l’information. Il est donc injuste et grave de cacher ces informations aux citoyens lorsqu’on évoque un événement qui leur est lié. C’est une violation inadmissible des droits de l’Homme dans notre pays. Elle doit donc être dénoncée »,
conclut Eugène Rousse.

Correspondant


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