Succès du kabar-fonnkèr à Saint-Pierre avec Reynolds Michel

« Qu’il soit possible de vivre libre... ! »

23 janvier 2008, par LB

Plus de 200 personnes - dont de nombreux artistes et des personnalités comme Élie Hoarau - se sont retrouvées samedi soir à la Ligne Paradis, chez la famille Oscar Lagarrigue, autour de Reynolds Michel lors de la présentation de son livre “Au cœur des conflits. Itinéraire d’un chrétien engagé”. Une soirée de témoignages qui ont confirmé que bien des combats sont encore à mener à La Réunion pour que nous puissions tous vivre libres ensemble.

Plus de 200 personnes ont participé à cette soirée... (photos S. B.)

Félicitations aux initiateurs et aux organisateurs de cette belle soirée de samedi dernier au Chemin Badamiers à Saint-Pierre. Ce furent des retrouvailles parfaitement réussies et particulièrement chaleureuses entre militants politiques, associatifs, culturels et autres amis de Reynolds Michel à l’occasion de la parution de son livre “Au cœur des conflits”. Dans cet « itinéraire d’un chrétien engagé », l’ancien prêtre et animateur du Centre pour le développement et le progrès social (CDPS) raconte notamment toutes les répressions qu’il a subies de la part de certains chefs politiques et religieux en raison de ses idées.
La première partie de la soirée a consisté d’abord à la présentation de ce livre à travers quelques extraits de la préface de l’historien Claude Prudhomme, des extraits de certains épisodes marquants comme l’expulsion du curé de La Rivière des Galets puis celle de Lyon et des commentaires de Reynolds Michel lui-même. Le tout était entre-coupé de lectures particulièrement touchantes de poèmes d’Alain Lorraine et d’Anne Cheynet.

« Des leçons à tirer de ce récit de vie »

« Au cours des années 60, dans l’Église catholique, divers courants s’affrontent. La grosse majorité du clergé, liée à la droite - le “bon parti” -, défend la fraude électorale et lutte contre tous les courants progressistes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. Un petit groupe de prêtres et de laïcs cherche à sortir l’Église de cette impasse en étant plus proche du combat des couches les plus humbles de la société réunionnaise », raconte Reynolds Michel.
Solidaire de ce combat, il prend la tête du comité d’accueil du Père Jean Cardonnel à La Réunion, s’engage dans le groupe de lutte contre la fraude électorale (ADNOE) et la création du groupe Témoignage Chrétien de La Réunion. « C’était trop pour Michel Debré, qui traita les chrétiens progressistes de “crypto-séparatistes diaboliques”. C’était trop pour la majorité du clergé, qui demanda mon départ de La Réunion. Et ce fut mon expulsion en décembre 1970 ».
En conclusion de ses commentaires, Reynolds Michel a rappelé qu’après son expulsion de Lyon puis ses allers et retours entre Fribourg (Suisse) et l’Ile Maurice, il a pu revenir à La Réunion après 1981. Et cela, « surtout grâce au combat mené par les hommes et des femmes courageux que j’ai eu la chance de rencontrer sur ma route. Sans leur solidarité, je ne serais pas là aujourd’hui : un homme debout et libre ». Voilà pourquoi, il a souligné que son histoire, « histoire singulière peu banale, s’inscrit dans une histoire collective de luttes, de souffrances et d’espérance en marche. Il y a des leçons à tirer de ce récit de vie ».

Réparation

Parmi ces leçons, il y a l’importance du devoir de mémoire. En effet, nous ne pouvons pas construire notre avenir sans connaître notre passé, afin de ne pas recommencer les mêmes erreurs. Un des temps forts de cette rencontre fut précisément le “sobatkoz” au cours duquel de nombreux participants ont témoigné de la violence de l’appareil de l’Église catholique contre ses fidèles communistes et contre les autres religions, en particulier l’hindouisme.
En ce temps-là, pour la majorité des prêtres, pratiquer la religion malbar et voter communiste étaient des actions du diable, a raconté Daniel Singaïny, prêtre hindou à la Sapèl La Mizèr (Villèle à Saint-Gilles les Hauts). Parmi les autres témoignages, citons celui de Daniel Lauret, professeur à l’IUFM et militant de la langue créole : un jour de son enfance, lors d’un cours de catéchisme, il a vu le curé de Saint-Jacques arracher le catéchisme des mains d’un des enfants et piétiner ce livre religieux tout simplement parce que ses parents, pour protéger l’ouvrage, l’avaient recouvert d’une feuille de “Témoignages”, le journal des “diables de communistes”.
Un autre intervenant, Franswa Sintomèr, a demandé qu’il y ait aujourd’hui une reconnaissance et une réparation de ces violences de la part de la hiérarchie de l’Église.

En finir avec les excommunications

La seconde partie de la soirée fut plus festive, agrémentée d’un bon p’tit rougail saucisses et d’un spectacle musical à la fois varié et militant. En effet, le kabar-fonnkèr fut assuré par de nombreux groupes musicaux, aux âges et aux styles très différents, depuis les groupes de jeunes aux anciens de la famille Simon Lagarrigue, en passant par la chorale très éclectique qui chanta “Vivre libre”.
Voici le refrain de cette chanson : « Qu’il soit possible de vivre libre. Et de choisir son existence. Le droit de dire sa différence. Et de maudire l’intolérance ».
Et en voici la 3ème strophe : « L’argent facile de la finance, c’est tout un style d’indifférence. Quand tout un peuple crève de faim, c’est un outrage aux droits humains. C’est l’an deux mille des affaires qui mondialisent la misère pour ces familles qui désespèrent ».
Comme l’a montré cette soirée, pour combattre de tels crimes contre l’humanité, nous devons être unis et en finir avec les excommunications ou sectarismes d’antan.

L. B.


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