Quels sont les pouvoirs de décisions des Réunionnais ?

22 février 2013

Avec une touche d’ironie, nous félicitons et nous remercions un quotidien de l’île parce qu’il a publié le 4 février dernier un article qui apporte une nouvelle preuve que le peuple réunionnais est toujours dominé par un système économique et politique néocolonial, opposé à une réforme institutionnelle en faveur d’un développement durable de son pays. Cet article, financé par les capitalistes et les politiques qui profitent de ce système, qualifie ce dernier de « modèle économique » et pour lui il n’est pas question de changer les institutions afin de donner aux Réunionnais le droit et les moyens de bâtir eux-mêmes une société harmonieuse et démocratique.

Samedi dernier, à la conférence-débat organisée par le Cercle philosophique réunionnais sur "Nourrir les pauvres oubliés", un documentaire impressionnant de l’agronome philippin William Dar, le public a eu le bonheur de pouvoir entendre notamment les commentaires très pertinents de Ho Hai Quang. Ce professeur d’économie à l’Université de La Réunion a expliqué que la faim dans le monde, qui frappe une personne sur sept et tue tous les jours environ 40.000 personnes, est causée par le système capitaliste, « une organisation économique et sociale à abattre par une révolution politique, car elle interdit les capacités techniques et intellectuelles de nourrir correctement l’humanité ».

Cette analyse de l’artiste et président d’Orange DiHoxyn est confirmée par de nombreux experts en économie dans le monde, comme par exemple le mouvement Oxfam France. Dans un rapport publié le 12 février dernier sous le titre « Banques : la faim leur profite bien », cette organisation dénonce « les différents mécanismes qui permettent aujourd’hui aux institutions financières (banques, investisseurs institutionnels) de spéculer sur les prix alimentaires ».

Associer les pauvres aux décisions politiques

Face à « ces banques françaises qui spéculent sur la faim », dont beaucoup de Réunionnais sont victimes, Oxfam France souligne les insuffisances de la réforme bancaire présentée par le gouvernement, car « rien ne garantit que les activités spéculatives concernant les matières premières agricoles cessent ». C’est pourquoi cette organisation « demande aux banques et aux investisseurs institutionnels de publier le détail de l’ensemble de leurs investissements sur les marchés agricoles ».

Autrement dit, les citoyens, notamment les plus pauvres, doivent être associés aux décisions politiques qui les concernent. Et dans sa "Feuille de route" de février, le mouvement ATD Quart Monde signale qu’un économiste indien, Abhijit V. Banerjee, explique « pourquoi et comment il faut associer les personnes en situation de pauvreté au processus décisionnel politique ».

« Des perspectives d’avenir »

Depuis le début de la colonisation, puis l’esclavage et l’engagisme à La Réunion, nos compatriotes exclus ont-ils été « associés à la conception de programmes de lutte contre la pauvreté » comme le préconise ATD Quart Monde ? Et aujourd’hui, quels sont les pouvoirs de décisions des Réunionnais, notamment ceux qui sont victimes de l’apartheid social mis en place par le système institutionnel ?

Voilà les questions que l’on peut se poser lorsqu’on lit l’article conservateur cité plus haut et lorsqu’on voit les luttes des jeunes réunionnais dans toute l’île pour faire respecter par l’État leur droit à l’emploi. Ces luttes explosives étaient annoncées depuis longtemps par des militants de la liberté, dont les solutions réunionnaises spécifiques préconisées à nos problèmes ont toujours été rejetées. Mais « ces luttes, comme l’a dit Ho Hai Quang, ouvrent des perspectives d’avenir pour une société équitable et libre » . Et comme l’a écrit en 1848 le philosophe Karl Marx dans son "Manifeste du Parti communiste", « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes ».

Roger Orlu

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