Anne Cheynet présente son CD ’Dans l’éspèrbardzour’

Raconte-moi une histoire...

5 juillet 2004

Auteure, compositeure, adaptatrice, chanteuse... mais surtout excellente ’diseuse d’histoires’, Anne Cheynet nous offre, avec ’Dans l’éspèrbardzour’, un conte, une légende et une histoire quasiment théâtralisée. Des moments forts de tradition réunionnaise où s’expriment le brassage des langues, des cultures, des musiques...

Comme elle le souligne elle-même, "beaucoup de gens sont intervenus sur ce CD". Cependant, Anne Cheynet marque très fortement de son empreinte "Dans l’éspèrbardzour" (1), album qui présente trois contes dans une tradition créole rénovée, innovante. "Le bassin Bardzour" qu’elle a écrit raconte une nouvelle Granmèrkal qui rend un avare généreux - un texte que l’on retrouvera prochainement dans un livre illustré de contes en créole.
"La légende de la Vierge Noire" est une adaptation. "Il y a longtemps que je voulais enregistrer un texte de Daniel Honoré. "Le bœuf" que j’aime beaucoup étant trop long, j’ai choisi d’adapter cette légende", explique-t-elle.
Le troisième conte, "Pages d’enfance", marie un texte de l’auteure écrit à partir d’un fait réel et "Nénenne", un poème de Pierre Vidot, le "façonneur de chansons" à qui l’on doit notamment "Toué lé jolie". Ce poème qui, dit-elle, "m’a beaucoup touchée", est un vrai coup de cœur d’Anne Cheynet.

Une conteuse d’histoires

Mais au-delà des textes d’une grande qualité littéraire, "Dans l’éspèrbardzour", il y a toute une mise en scène qui fait appel à la musique. Et comme pour la langue - créole et français sont utilisés -, Anne Cheynet a choisi des musiques aussi différentes que “l’Ave Maria” de Schubert qu’elle a adapté en créole, le maloya traditionnel de Gaston Hoarau, la berceuse caribéenne "Duerme Negrito" traduite en créole, la complainte en malgache, "Ento", qu’elle a composée, "Granmèrkal" de Ziskakan... "J’ai voulu exprimer le brassage, le métissage des langues, des cultures, des musiques", explique-t-elle. Objectif atteint.
Un CD à mettre entre toutes les oreilles. Même si, comme l’affirme Anne Cheynet qui se définit comme une "conteuse d’histoires", "beaucoup de mes contes s’adressent à de grands enfants ou à des adultes. Il y a beaucoup d’enseignements à tirer des contes qui, comme les rêves, peuvent avoir une fonction thérapeutique".
Avec "Dans l’éspèrbardzour", Anne Cheynet nous emmène au coin du feu. Au fil de la nuit, le bois qui flambe crépite, la voix de la conteuse sur fond musical nous entraîne dans la magie de cette culture du "fénoir" ressuscitée à laquelle fait référence l’auteure en citant le poète Alain Lorraine.

L. M. 

(1) "Au fil de la nuit"


Trois questions à Anne Cheynet

"Assurer la transmission de la culture orale"

Un des trois textes "Dans l’esperbardzour" a pour thème Granmèrkal. Quelle est, pour vous, l’importance de Granmèrkal dans l’imaginaire réunionnais ?

- Anne Cheynet : Granmèrkal fait partie de la culture créole depuis la nuit des temps. Ce qui est intéressant, c’est le côté vivace de ce personnage. Sa permanence dans l’imaginaire réunionnais.

Granmèrkal prend un nouveau visage dans ce nouveau conte. S’agit-il d’une réhabilitation ?

- Je ne sais pas. C’est une réflexion qui est partie de ce personnage immense. Granmèrkal rappelle la déesse indienne Karli. C’est mon fantasme, mais je ne suis pas la seule à le penser. Des Réunionnais d’origine ethnoculturelle indienne le disent également, même s’ils ne l’ont pas écrit. Granmèrkal qui apparaît à minuit incarne le changement de temps et Karli est aussi la déesse du temps. Une déesse un peu saturnienne qui enlève la vie pour la donner à d’autres. Je n’ai pas écrit ce conte pour dire que Granmèrkal a évolué. La liberté, c’est important dans l’imaginaire. Granmèrkal est un personnage qui inspire la crainte, mais en même temps elle suscite une attirance certaine.

Il y a eu rupture de la transmission de cette culture de l’imaginaire dont Granmèrkal est l’un des héros avec Tizan notamment. La multiplication des supports, écrits, audios, voire audio-visuels, peut-elle compenser ce "trou" ?

- Je pense qu’il y a de réels efforts à faire par rapport à cela. Mais je crois que les choses avancent. Aujourd’hui le mode de vie a changé. Il y a moyen d’assurer la transmission de la culture orale sous une autre forme, à la télévision par exemple. Le conte, sous sa forme traditionnelle, peut aider à avancer dans cette voie et l’effort réalisé par les organismes et les écoles est très important. Les enfants aiment bien le conte sous cette forme. Je m’en rends compte quand je travaille avec les scolaires.


An plis ke sa

Les intervenants
Anne Cheynet, Hélène Navarro (voix), Delphine Félix (voix enfant), Hermann Lacerda (flûte), Olivier Peuvrier et Jean-Paul Kiesling (bruitages et synthé), Nadine Barret (présentation de "La légende de la Vierge Noire"), Jeannick Hoarau (voix), Didier Jacobson (sanza), Gaston Hoarau (roulèr), Gilette Fidji (interprétation d’Ave Maria), Jean-François Mézino (voix), Vally Sulliman (voix), Marie-Claire Payet (voix), Robert Navarro (voix), Harry Anpandry (piano), Hérisoa Payet (traduction en malgache de "Ento", Françoise Guimbert (interprétation de "Duerme Negrito"), Charles Henri Guélon (maloya), Hélène Corré (illustrations).

Et un et deux et trois...
"Dans l’esperbardzour" est le troisième CD signé Anne Cheynet en trois ans. Elle a sorti en 2001 "Kiasec", pour tout public à partir de trois ans, même si ce dernier est un peu long (21’) et en 2002, "Contes d’Hellènes", des contes en créole pour adultes inspirés de la mythologie grecque, signés Renaud Cheynet. Autant d’invitations à la rêverie, à l’entrée dans l’imaginaire.


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