Il faut sauver les archives de RFO. Non pas pour flatter l’ego de tel journaliste ou de telle personnalité, mais parce qu’elles sont un témoignage vivant de l’Histoire de l’île et qu’à ce titre elles font partie intégrante du patrimoine réunionnais. Et pour cause.
L’ORTF, l’ancêtre de RFO, a diffusé ses premières images télé à La Réunion à Noël 1964 (le premier journal télé a été présenté le 1er janvier 1965). Et jusqu’en 1991 (date du lancement d’Antenne Réunion), la station de service public a été la seule télévision de La Réunion. C’est dire si ses images ont une valeur patrimoniale.
C’est cette réalité qui est à l’origine de la convention récemment signée entre RFO et la Banque de la Réunion. C’est dans sa logique de partenaire du développement économique et de valorisation des meilleurs atouts de l’île que la banque s’est engagée dans cette opération.
La convention servira à financer la restauration de plusieurs bobines de pellicules avec lesquelles ont été filmés quelques-uns des moments forts de ces quarante dernières années.
Sélectionnées avec soin par Benoît Ferrand, le journaliste à RFO Radio qui est à l’origine de ce sauvetage, 70 heures de journaux télévisés, de reportages, de magazines, d’émissions culturelles et de loisirs vont bientôt être envoyées dans un laboratoire spécialisé en métropole. Les films seront nettoyés, recollés et recopiés.

Bonnes...

Les kilomètres de pellicules qui auront fait le voyage seront alors sauvegardés sur 35 cassettes numériques de 2 heures chacune. Une partie de la mémoire télévisuelle de l’île aura été sauvée. Une partie seulement. Car, bien sûr, il a fallu faire un choix dans les milliers d’heures de tournage. Mais surtout parce qu’une bonne partie de ces archives est définitivement perdue.
« En 1993, j’ai constaté avec horreur dans quel état se trouvait le stock de films 16 mm. Tout était entreposé à RFO dans une sorte de cagibi poussiéreux et humide. La rouille avait attaqué toutes les boîtes des bobines. Des films s’étaient transformés en une sorte de bloc compact et totalement inutilisable », se souvient Benoît Ferrand.
Avec l’accord de sa Direction, il décide de procéder au sauvetage. Pendant plusieurs mois en 2000, en plus de son travail de journaliste, il va passer plusieurs heures par jour à fouiller, à classer et à nettoyer les archives. « Pour mes collègues, j’étais devenu une sorte de phénomène de foire qui - vêtu de vieux vêtements sales, que je laissais sur place - s’enfermait dans un cul de basse-fosse moyenâgeux », raconte avec humour Benoît Ferrand.
Ces fouilles lui réservent quelques bonnes surprises. Il cite ainsi les reportages sur l’inauguration de la sous-préfecture de Saint-Pierre en février 1965 ; la visite à La Réunion en 1976 de Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République ; la première apparition à la télévision en 1978 de Paul Vergès, à l’époque maire du Port et secrétaire général du Parti communiste Réunionnais ; ou encore un concert de Ziskakan en 1979.

... et mauvaises surprises

Mais il y a hélas beaucoup plus de mauvaises surprises. « Toutes les archives du sport jusqu’en 1983 ont disparu. Aucune image de l’éruption volcanique de 1977 où la lave est sortie de l’enclos pour engloutir en partie le village de Piton Sainte-Rose avant de s’arrêter aux portes de l’église n’a été conservée », regrette le journaliste.
Il y a aussi ce qui a été conservé mais qui ne pourra plus jamais être utilisé car beaucoup trop abîmé. Ainsi, « seules 20 petites minutes pourront être sauvées de l’année 1974 », dit-il encore. Pour préserver ce qui reste, la décision a été prise de faire restaurer l’ensemble des pellicules en noir et blanc tournées entre 1964 et 1976 (date à laquelle la télé est passée en couleurs). « De toutes ces années, à peine une dizaine d’heures pourront être sauvées, tout le reste est inutilisable », note Benoît Ferrand.
Quant à la sélection pour les pellicules couleurs, « j’ai essayé de la faire le plus objectivement possible », explique-t-il. Au total, ce sont donc 70 heures de 28 ans de télévision qui vont être sauvées.
Et c’est tout à l’honneur de la Banque de la Réunion d’avoir participé à ce sauvetage d’une partie de notre mémoire collective.