20 décembre : une étape vers de nouveaux espaces de liberté

Se rassembler pour libérer le pays du sous-développement

22 décembre 2007, par Manuel Marchal

Les Réunionnais s’apprêtent à célébrer avec faste un grand événement populaire : la Fête de la Liberté. 159 ans après l’abolition de l’esclavage à La Réunion, de nouveaux espaces de liberté restent à conquérir. Cette conquête pourra s’effectuer dans la réconciliation et le rassemblement des Réunionnais autour d’un objectif : le développement du pays.

Le 20 décembre 1848, le décret de la République abolissant l’esclavage est exécuté. En un instant, tous les Réunionnais sont libérés en droit de l’esclavage, c’est la fin de l’existence légale à La Réunion d’un crime contre l’humanité. À partir du 20 décembre 1848, tous les Réunionnais deviennent en droit des êtres humains.
Mais cette liberté n’a pas signifié la fin des inégalités. 159 ans après la proclamation de Sarda Garriga sur la place du Barachois, il reste encore bien des espaces de liberté à conquérir.

La fin du statut colonial

Car l’abolition de l’esclavage n’a pas permis de régler tous les problèmes. En 1848, La Réunion est maintenue dans le statut colonial. Et le système colonial n’est pas remis en cause. Aux affranchis, les grands propriétaires dominants substitueront une autre classe de travailleurs pour faire fructifier leurs terres et leurs usines. Du fait de la pauvreté, des ravages de l’illettrisme et du rapport de force favorable aux héritiers des esclavagistes, La Réunion reste plongée dans la misère.
Il a fallu une autre étape pour que le peuple se libère de la pauvreté la plus extrême. Entamée grâce à la structuration du monde ouvrier en syndicats au cours des années 30, une revendication s’élabore et se renforce : abolir le statut colonial.
Dans le contexte particulier de La Réunion, la solution portée par les masses populaires est celle de la fin de la colonie afin que les lois sociales votées en France soient appliquées intégralement dans le pays. Cela signifiait la fin de privilèges pour les plus riches, et la reconnaissance de droits nouveaux pour les Réunionnais.
Cette revendication est marquée par une étape très importante : c’est la loi du 19 mars 1946. A partir de cette loi est lancée la bataille pour l’égalité sociale. Célébré avec éclat dans toute l’île, le centenaire de l’abolition de l’esclavage participe à cette revendication (voir encadré).
Malgré tous les obstacles semés par les conservateurs, ce combat a progressé.

Relever tous les défis

Il débouche aujourd’hui sur la quasi-réalisation de l’égalité sociale.
Mais d’autres problèmes fondamentaux subsistent. Le chômage de masse continue de faire des ravages. Le droit au logement n’est pas respecté. La pauvreté persiste et les mesures récentes prises par le gouvernement, soutenues par des parlementaires locaux, risquent d’aggraver la situation.
Ces différents facteurs se conjuguent pour créer un terreau favorable à l’achat des consciences. Car quelle est sa liberté lorsque l’on vit dans un bidonville, avec un revenu minimal, privé d’emploi ?
Plus de 40% des Réunionnais sont aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, 30% des travailleurs sont privés d’emploi. Ces données rappellent tout le chemin qu’il reste à accomplir pour la totale libération du pays.
Elles expriment également le nécessaire rassemblement qui doit s’opérer pour que puissent triompher les revendications réunionnaises. Cela passe par tirer les leçons de notre Histoire qui démontrent combien la reproduction de divisions importées de Paris ne permet pas de se concentrer sur l’essentiel.
À l’heure où La Réunion doit faire face à tous ces défis, l’union de tous les Réunionnais autour de l’essentiel ouvre la perspective du développement.
C’est dans ce rassemblement que se trouve la force capable de changer la société, afin que pauvreté et misère appartiennent définitivement au passé, et que puissent enfin être conquis de nouveaux espaces de liberté.

Manuel Marchal


20 décembre 1948

Engagement unitaire à réaliser l’égalité

Le 20 décembre 1948, date du centenaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, des milliers de travailleurs rassemblés à Saint-Denis adoptent une motion. Tous unis, ils s’engagent notamment à lutter « pour l’application réelle de tous les droits sociaux, des salaires dignes permettant aux travailleurs de faire vivre leur famille grâce à la fixation du minimum vital, le salaire égal à travail égal, une intégration rapide de tous les agents et auxiliaires de l’Administration, la suppression de l’exploitation par l’usinier, des mesures propres à éliminer l’ignorance, à offrir aux jeunes des possibilités d’avenir ».
Ils « constatent que bien que 100 ans se soient écoulés depuis la libération des esclaves, les travailleurs de toute condition subissent encore le joug des esclavagistes capitalistes, qu’aucune liberté n’existe véritablement pour le peuple, sans cesse bafoué par les gros propriétaires, usiniers, banquiers et leurs agents (...) ; que les salaires de détresse qui sont encore aujourd’hui alloués aux familles de travailleurs ne permettent pas aux familles de travailleurs de se libérer de l’emprise de la faim ».
Votée à l’unanimité sur l’esplanade Sarda Garriga par « le peuple réunionnais, travailleurs de toute l’île, hommes, femmes, vieux, jeunes, ouvriers, colons, petits artisans », cette motion participe à souligner que la célébration du 20 décembre est une étape dans la conquête de nouvelles libertés.


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