Hommage à Gramoun Baba

Servis kabaré, lespri lo pèp

27 janvier 2005

En hommage à Gramoun Baba, un servis kabaré a été organisé par son épouse à leur domicile, à Bois de Nèfles Coco, samedi dernier au soir. Plusieurs artistes péi étaient présents aux côtés de Madame Baba, de leurs enfants et des amis de la famille.

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Samedi soir. Les temples de la consommation se sont enfin fermés. Sur les routes, la procession des voitures s’étire en longue file de lumières, en route vers les lieux de divertissement.
Saint-Louis, Bois de Nèfles Coco, allée des Colons, une autre scène se joue, une autre Réunion se vit.
Il y a quarante jours, Gramoun Baba est mort et cette nuit, un servis kabaré réunit sa famille et ses amis.
Comment parler d’un tel moment ? Avec l’œil curieux du touriste ? Celui minutieux de l’ethnologue ? Pour de vrai, il n’est que la parole maloya pour dire le kabaré puisqu’elle en est le souffle.
Malgré la mise à distance par l’écriture et le français, disons l’onde profonde du roulèr qui nous traverse, disons les voix qui vibrent à l’unisson de celle de Danyèl Waro, disons les mains qui battent comme un appel, disons les corps qui ne connaissent plus le repos jusqu’à ce que l’officiant casse le tempo.
Là, dans cette cour, des hommes, des femmes, des enfants se sont rassemblés pour partager leur amour de Gramoun Baba, pour dire leur reconnaissance à celui qui a gardé la lumière du maloya dans le fénoir du mépris.
Lo kor la pi la, mé son lespri ankor la minm. Comme si le potomitan autour duquel tourne lentement Madame Baba, fusil à bout de bras, reliait le monde des vivants et le monde des morts, comme si l’encens emportait les prières loin, loin, dann péi la mor.
Et de se souvenir ensemble, de chanter ensemble, de danser ensemble, d’être là dans le rond, les vivants se sentent unis comme jamais, unis à Gramoun Baba, unis aux ancêtres, unis à la terre réunionnaise.
Terre qui fut pour beaucoup terre d’exil et de souffrance, mais aussi terre fécondée par leur sueur et leur sang et transmise à leurs descendants, qui étaient là, samedi soir, à Bois de Nèfles Coco, pour porter ce souffle, cette voix toujours plus loin, du fénoir au féklèr.

Brigitte Croisier


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