Le sens des photos de ’Images hantées, anté-images’
Séverine Chauveau et « l’avancée de chacun de nous dans le monde actuel »
3 avril 2013
’Témoignages’ a déjà annoncé et présenté à la fois l’exposition de photos réalisée récemment par Séverine Chauveau et Patrick Singaïny sous le titre ’Images hantées, anté-images’, ainsi que la sortie de leur livre sous ce même titre. Cet ouvrage est disponible à la Librairie Gérard et à Librairie Autrement. L’exposition du même nom se poursuit jusqu’au 10 avril à la Villa Angélique, rue de Paris à Saint-Denis. Pour en savoir encore davantage sur ces œuvres à faire connaître, nous avons posé trois questions à la photographe. Pour en savoir encore plus, vous pouvez consulter son site : http://www.severinechauveau.fr/
Séverine Chauveau, le livre "Images hantées, anté-images" dont vous êtes co-auteure vient de paraître ; il est consacré à votre travail artistique ; pouvez-vous nous dire comment vous présenteriez vos images photographiques ?
— Mes images photographiques sont toujours une représentation de mes émotions, ressenties sur le lieu photographié (c’est le cas pour la série "Mémoires"), ou mises en scène (série "Loup y-es-tu ?"). Je me suis toujours sentie particulièrement émue et en vibration dans et avec les lieux chargés d’histoire, de la "petite histoire" — à l’échelle de l’individu qui a vécu là — à la grande Histoire, celle qui marque un pays.
Il en est de même pour les forêts, qui sont pour moi comme l’intérieur de mon âme, de mes souvenirs, de mon histoire. J’ai choisi la forêt de Tamarins de l’île pour la série "Loup y es-tu" pour cette raison. Elle symbolise mon intériorité, en plus d’être naturellement "fantastique", quasi-cinématographique.
Ces deux séries peuvent paraître différentes, par leur approche esthétique, mais dans le fond, elles parlent toutes deux d’histoire ; la petite et la grande.
Patrick Singaïny, l’autre co-auteur du livre, parle de votre travail en ces termes : « Les images de Séverine Chauveau ne racialisent pas, ne jugent pas ; elles sont réunionnaises ». Il parle d’une « écriture du vacillement ». Comment accueillez-vous cette interprétation de votre travail ?
— Patrick Singaïny a très bien perçu mon approche avant tout émotionnelle des lieux historiques de la série "Mémoires". Je n’ai pas eu d’approche intellectuelle. Ce sont des lieux que je retrouve régulièrement depuis 20 ans que je vis ici, et dans lesquels je ressens toujours la même émotion au souvenir de leur histoire.
J’ai voulu retranscrire cela dans mes images, en choisissant cette approche graphique « vacillante », qui suggère le souvenir qui émerge, et la présence encore prégnante d’âmes errantes.
Vos images photographiques parlent de La Réunion d’aujourd’hui, entre le sentiment de perte persistante et l’obligation de s’adapter à un monde sans cesse changeant. Est-ce là une approche correcte de votre travail ?
— Cette approche est tout à fait juste, même si elle parle également de l’individu en général, en partant de mon histoire personnelle.
Dans "Loup y es-tu ?", la petite fille perdue et inquiète dans cette forêt étrange et menaçante symbolise l’avancée de chacun de nous dans le monde actuel, l’ambivalence entre l’attraction qu’il exerce et la peur qu’il engendre.