20 décembre 2004

Sous le signe du culte des ancêtres

17 décembre 2004

Les manifestations de cette année pour le 20 Décembre marqueront : elles sont placées sous le signe de la “fête de la liberté” et du culte des ancêtres, notre pays partant, à travers plusieurs manifestations, à la rencontre de son héritage comme de ses “âmes errantes”.

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Quand on consulte le programme des festivités prévus autour du 20 décembre on ne peut faire qu’un constat : la célébration de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage est devenue incontournable. Quand on pense qu’il y a encore moins de 30 ans, la mairie de Saint-Denis organisait pompeusement à la même date une “fête des letchis” pour contester la célébration du 20 décembre, on mesure le chemin parcouru. Seul le maire de Saint-Louis tente encore cette année un “compromis” en proposant une “fête de la canne et de la liberté”.

Il a fallu renverser bien des obstacles pour arriver au résultat d’aujourd’hui. Avant même que le gouvernement Mauroy en 1982, sous la pression de l’Outre-mer, décide d’officialiser la célébration de l’abolition de l’esclavage, il a fallu maintenir en vie des manifestations décriées, marginalisées et souvent confinées à des cérémonies familiales clandestines. Personne ne peut, à cet égard, contester le rôle joué par le PCR pour conserver le 20 décembre.
La célébration de l’abolition de l’esclavage fut une des premières manifestations publiques décidées par la municipalité démocratique de Saint-Denis alors dirigée par Raymond Vergès en 1945. Ce n’est pas non plus le fruit du hasard si la fête de “Témoignages”, journal du PCR, fut fixée pour la première fois un 20 décembre.
Enfin, personne n’ignore que les grands chantres du maloya ou du service kabaré qu’ont été ou que sont Grand Moune Lélé, Firmin Viry, Le Rwa Kaf, Grand Moune Baba ont côtoyé pendant longtemps le PCR.

Des dimensions nouvelles

Les manifestations du 20 décembre 2004 portent d’autres enseignements.
Elles ne sont plus placées sous le signe restrictif de la “fête caf”, vocable sous lequel on voulait les enfermer il y a quelques années. Désormais elles sont revendiquées comme “fête de la liberté” pour tous les Réunionnais. Cela résulte aussi d’une longue bataille d’idées où il a fallu faire comprendre que l’abolition de l’esclavage n’a pas profité aux seuls esclaves mais aussi aux maîtres et donc à tous les Réunionnais.
À travers quelques manifestations exceptionnelles, les manifestations de cette année prennent des dimensions nouvelles et intéressantes.
L’hommage qui sera rendu au Rwa Kaf à Sainte-Suzanne et qui englobe d’autres disparus de cette année - Gran Moune Baba, Gran Moune Lélé - fait renouer le 20 décembre avec la revalorisation de notre héritage dont celui du culte des ancêtres, valeur partagée par tous les Réunionnais quelles que soient leurs origines ou leurs religions.

On ne sait pas où ils sont enterrés

Mais, sans doute, la manifestation la plus émouvante qui aura lieu ce week-end restera la cérémonie “Ati-Damba” organisée par un collectif d’associations de Réunionnais d’origine malgache et dédiée "à tous les ancêtres malgaches reposant en terre réunionnaise". Cette cérémonie sera le pendant de celle qui sera organisée à Fort-Dauphin en mémoire des Malgaches qui ont été obligés de quitter leur pays pour devenir des esclaves à La Réunion.
La cérémonie “Ati-Damba” qui aura lieu au plateau de Dimitile à l’Entre-Deux se veut un hommage "à tous ces ancêtres marrons qui n’ont toujours pas reçu les honneurs funèbres, ni même une simple sépulture parfois". On pourrait élargir le champ de cet hommage à tous les esclaves morts à La Réunion et dont il ne reste aucune tombe, aucune trace de leur mort. D’où ce mythe typiquement réunionnais des “âmes errantes”, les âmes de ces hommes et de ces femmes morts sur la terre réunionnaise et dont on n’a pu faire le deuil car on ne sait pas où ils sont enterrés.

J. M.


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