Commémoration de l’abolition de l’engagisme sur le site des Lazarets

Soyons dignes des luttes de nos ancêtres : ensemble pour construire La Réunion de demain

12 novembre 2008, par Manuel Marchal

Au lendemain de la signature d’un accord mettant fin à un conflit qui a pendant plusieurs jours divisé les Réunionnais, les mots du rassemblement ont résonné hier sur un site historique de notre pays. Ce 11 novembre avait lieu à la Grande Chaloupe la commémoration du 126ème anniversaire de l’abolition de l’engagisme à La Réunion. Cet événement nous concerne tous, car qui peut dire qu’aucun de ses ancêtres n’a pas transité par les Lazarets avant de venir travailler sur la terre de La Réunion. Hommage a donc été rendu à tous ceux qui ont donné leur vie pour que nous connaissions La Réunion d’aujourd’hui. Cette oeuvre essentielle contribue à construire La Réunion de demain. C’est le chantier dont 800.000 Réunionnais ont la responsabilité en ce début de 21ème siècle.

Daniel Saïngany
(photo MM)

Le 11 novembre 1882, suite aux mauvais traitements subis par les immigrés indiens, le gouvernement britannique interdisait le recrutement de travailleurs de ce pays par les pourvoyeurs de main-d’oeuvre des plantations de La Réunion.
126 ans après, plusieurs associations, notamment la Fédération des temples, Oubli pa nout tradision tamoul, ainsi que des militants culturels ont participé à la commémoration de cette date importante pour l’Histoire de La Réunion.
Le développement de la filière canne-sucre à La Réunion, et le refus de nombreux anciens esclaves de continuer à vivre sous la domination du commandeur et du maître dans la plantation ont entraîné une pénurie de main-d’oeuvre.
C’est alors que les propriétaires fonciers, aidés par le gouvernement français de l’époque ont sollicité le recours à une main d’oeuvre immigrée venue de l’Inde, pays alors colonisé par la Grande-Bretagne. Succédant à l’esclavage, le régime de l’engagisme allait être celui qui allait déterminer les rapports de forces sociaux pendant plusieurs décennies.
Outre l’Inde, les travailleurs venaient également des pays d’Afrique, de Chine, de Madagascar, et tous avaient fait le même voyage au fond de la cale. A leur arrivée, ils étaient débarqués à la Grande Chaloupe, lieu de quarantaine mais aussi lieu de souffrance. Une fois cette période passée, les propriétaires venaient faire leur marché et transféraient ensuite ces immigrants dans les plantations.
Cela veut dire que parmi nous, rares sont les familles qui n’a pas au moins un de ces ancêtres qui a vécu dans les lazarets, cernés par les remparts abrupts de la Grande Chaloupe.
En marge de la cérémonie, une exposition organisée par l’Espace culturel du Kovyl de Saint-Denis permettait de rappeler cette part de notre Histoire, à travers des reproductions de contrats d’engagés notamment.
La commémoration a débuté par une cérémonie religieuse présidée par Daniel Saïngany, afin de rendre hommage à tous ceux et toutes celles qui ont connu la souffrance, la mort, dans ces lazarets.
Après les prises de paroles, des fleurs ont été fanées sur les tombes des ancêtres qui n’ont connu de La Réunion que les Lazarets de la Grande Chaloupe.

Manuel Marchal 


Krishna Badamia, Fédération des temples
Nous avons tous fait le même voyage

« C’est une date importante pour tous les Réunionnais », dit-il, car la plupart des ancêtres des Réunionnais sont passés par les Lazarets, ajoute-t-il en substance.
« Les jeunes ont besoin de savoir que si nous vivons plutôt bien ici, c’est parce que des gens ont donné leur vie pour que les conditions soient ce qu’elles sont aujourd’hui. C’est la moindre des choses de commémorer la mémoire de nos ancêtres. Nous sommes tous venus dans la cale du bateau ».
Krishna Badamia conclut son intervention en soulignant la présence d’élus à cette cérémonie.


Daniel Saïngany, Sapèl la mizèr
« I fo rassamb anou » 

Le président de l’association Oubli pa nout tradision tamoul rappelle les conditions de vie très difficile subies par tous ceux qui sont passés par les Lazarets. En Inde, des esclavagistes locaux vendaient leurs frères à d’autres esclavagistes, rappelle-t-il. Et au terme d’un éprouvant voyage, la quarantaine.
Puis c’était la division entretenue par le colonisateur, en faisant croire à l’engagé qu’il valait mieux qu’un ancien esclave. Et en diabolisant auprès des autres Réunionnais la religion des engagés venus de l’Inde.
Cette Histoire montre qu’aujourd’hui, « nou pé pa pérmèt anou diviz anou. A fors travay, ma compri, i fo rassambl anou ».


Serge Camatchy
« Un peuple doit avoir une Histoire » 

S’exprimant sur le sens qu’il donne à cette commémoration, Serge Camatchy souligne qu’« un peuple doit avoir une Histoire ». « Je suis fils et petit-fils d’engagé », dit-il, « et mon père et mon grand-père ont donné leur vie » pour qu’existe La Réunion d’aujourd’hui. Et de conclure en adressant un message destiné particulièrement à la jeunesse : « Baisse pas les bras ».


Alain Zaneguy, Conseil général
Le moment de nous réapproprier notre Histoire réunionnaise

« Je suis venu à deux titres. Tout d’abord pour rendre hommage aux ancêtres. Ensuite pour vous annoncer l’inauguration avec le Conseil général de la réhabilitation de l’infirmerie des Lazarets, fin novembre.
Il est important de perpétuer et de s’approprier l’Histoire. Et nous sommes arrivés à un moment où l’Histoire doit être appropriée, tout comme ce site des Lazarets, par tous les Réunionnais. Car nous sommes tous concernés par La Réunion d’aujourd’hui, et La Réunion de demain ».

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