Un sculpteur expose ses peintures à la Galerie Charles Gounod

Stéphane Jardel : de la matière brute au dessin délicat

15 mai 2004

Stéphane Jardel est un sculpteur déjà bien aguerri. Cette exposition est le point d’orgue d’un détour par la peinture, inattendu, dont l’origine se trouve à la fois dans les circonstances et dans la remise en question : l’absence temporaire de lieu pour la sculpture d’une part et l’interrogation artistique de son parcours professionnel.

L’exposition de Stéphane Jardel est à voir à la galerie du 1 rue Charles Gounod à Saint-Denis jusqu’au 12 juin. (photo F. L.)

Stéphane Jardel a longtemps travaillé à la restauration d’œuvres d’art (fresques et autres peintures murales). S’il avait l’outil depuis longtemps en main, il ne l’avait jamais mis à la disposition de son art, jusque-là entièrement dévolu au volume.
Dans une première phase, il s’est donc mis à peindre ce qu’il imaginait avoir à sculpter (une seule de ses pièces a sa place dans cette exposition). Tonneaux de métal, fers à bétons et lourdes plaques de pierre liées à des cordes en tension furent donc ses thèmes. Cependant la fureur du volume cherchait à percer la coquille. Le transfert temporaire s’est réalisé sur le carton.
La peinture sur carton est dans la tradition. La transition était naturelle entre la peinture sur toile et la sculpture par le biais de ce matériau ô combien industriel.
L’univers de Jardel est ancré dans la brutalité et la dimension de l’industrie et des chantiers. L’univers portuaire en fait partie avec ses éléments concomitants (des tonneaux de métal, de la ferraille et des poids anonymes enveloppés à la Christo des premiers temps). En tout cas, c’est l’indiscutable lien entre la première et la seconde période du sculpteur peintre. Et sans doute aussi un événement d’ordre personnel à la valeur sentimentale dont il ne saurait être question ici. Comment ne pas penser que l’île a encore joué de son influence dans la vie de cet homme ?

L’eau au centre de tout

L’eau est au centre de tout ici (nous qui sommes en son milieu). On ne la voit nulle part, bien qu’elle soit sans cesse évoquée et non moins utilisée.
Se souvenant des ports de temps plus anciens, Stéphane Jardel en aura fait le décor de ses scènes. À moins que ce sujet n’ait finalement quelque chose à voir avec la nature morte. Un morceau de port pour compotier et des fruits remplacés par des bateaux, des graffitis et des gouttières...
Les peintures de Jardel oscillent entre matière brute et dessin délicat.
Pourtant l’avenir est déjà autre et se découvre dans un carton qui reprend de plus en plus sa liberté. Il se débarrasse du dessin symbolique parfois trop explicite et de la surface lisse qui se déchire.
Apparaissent alors l’ondulé, les stries et une sorte de gonflement irrésistible annonciateur du volume retrouvé.
Cette exposition offre à voir un moment plastique rare dans le parcours d’un artiste. Les œuvres en sont les éléments précieux, constituant un tournant fort. Un pertinent retour sur soi-même. Une compilation de savoir et d’interrogations, riche de ses multiplicités.
L’émotion est acquise à travers ces tableaux, où chacune et chacun peut trouver un champs de rêve à sa mesure, tout en partageant la période clef d’un créateur au faîte de sa maturité d’homme.

L. S.


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