Journées du Patrimoine

Sur les traces des marrons à Dos d’Âne et Mafate

15 septembre 2012

Après le centre-ville, la découverte se poursuit en suivant le chemin des marrons. Direction Dos d’Ane, porte de Mafate.

Les marrons savaient que là-haut dans les montagnes les chasseurs auraient des difficultés à les retrouver. La forêt leur offrait toute sorte de friandises, de tisanes pour se soigner, de l’eau pour se laver ou boire. Beaucoup d’entre eux y trouvèrent refuge. C’est le cas pour ces premiers habitants de Dos d’Ane. Le Dos d’Ane est donc cette bosse qui s’étend entre la Roche Verre Bouteille et le parking du Cap Noir et dont la forme nous rappelle celle du dos de l’animal. Dos d’Ane est ce petit village situé à 1000 mètres d’altitude. C’est un petit cirque, carrefour entre tous les autres coins de l’île. Nombreux sont les sentiers qui partent en effet vers les cirques, les grandes villes, les sites remarquables. La nature nous propose des points de vue extraordinaires.
Avec une économie tournée vers la culture maraîchère et l’élevage, le paysage du cirque est profondément marqué par ces activités avec quelques lieux d’accueil touristiques (gîtes, tables d’hôtes…).
Village qui se situe entre tradition et modernité, Dos d’Ane mérite que l’on s’arrête, qu’on observe, qu’on écoute. L’habitat, les hommes, les paysages véhiculent des informations fortes sur le lien social, la relation à l’environnement, le lien encore fort avec un passé pas si lointain que cela. Passé qui a vu Dos d’Ane « humainement » séparé en deux parties, suite à une période qui a laissé des plaies encore ouvertes dans le territoire et dans la conscience collective. Les raisons de cette situation se situent dans la logique coloniale, à savoir une hiérarchisation des hommes inculquée à notre population pendant cette période. Le temps a fait son chemin et la tolérance, la compréhension, l’éducation estompent petit à petit les restes de cette phase difficile pour notre île.

Ecoutons les anciens

Les hommes et les femmes de Dos d’Ane, d’un certain âge, sont de véritables bibliothèques, comme ceux de toute l’île d’ailleurs.
S’asseoir et écouter les anciens de Dos d’Ane parler de leur jeunesse, nous fait revivre tout un pan de l’histoire que les jeunes devraient connaître. Ces hommes, ces femmes ont vécu les moments difficiles de la période coloniale, les guerres avec une Réunion coupée de la métropole et arrivant difficilement à subvenir aux besoins de sa population ; période pendant laquelle tuer un cochon était problématique non parce qu’interdit, mais parce que chaque animal était convoité à la fois par les membres de la population et les pouvoirs de l’époque… Ces anciens ont vu Dos d’Ane planté de canne à sucre, de géranium. Ils ont vu leur case en paille partir sous le vent fort des cyclones. Certains ont d’ailleurs gardé amoureusement une partie de ces souvenirs chez eux et sont toujours ravis de la partager avec qui veut les écouter…

Période de débrouille

Mais, et heureusement, ils ont aussi connu des moments beaucoup plus gais et n’hésitent pas à raconter leurs jeux qu’ils pratiquaient la plupart du temps en groupes, leur folle vie amoureuse, les bals d’antan, « la rentrée » chez la belle famille, le jour des fiançailles où un spécialiste en la matière venait dire les mots qu’il fallait pour que la bague du fiancé soit accepté et mis au doigt de la dulcinée, le mariage en charrette bœuf orchestré par les cuivres, la salle verte construite longtemps avant le mariage, le cochon et la volaille tués en la présence de toute la famille qui venait donner un coup de main pour les préparatifs … Des moments qui montrent en tout cas les liens familiaux très forts et qui ont un petit peu disparu avec le temps.
Cette grande « période de débrouille » a vu des hommes descendre à pieds le sentier de bord pour aller vendre leurs légumes au Port. Ils allaient aussi à La Possession d’où ils prenaient le train pour se rendre à Saint Denis où ils allaient vendre les fruits, les fleurs, les confitures fabriquées artisanalement… C’était la belle époque de « l’auto rail » dont les vestiges à Camp Magloire et à la Grande Chaloupe nous questionnent sur notre réseau routier. Certains d’entre eux, éleveurs de poules ou de canards n’hésitaient pas à passer par la Grande Montagne pour se rendre au Brûlé ou à Saint Denis avec leur panier rempli d’animaux ou d’œufs sur la tête.
Dos d’Ane c’est aussi un des rares endroits où sur 360° le paysage est extraordinairement varié et d’une beauté inégalable. Face à la mer, donc vers les bas, il vous suffit de faire un demi-tour pour avoir le spectacle grandiose offert par Mafate, avec ses crêtes remarquables, ses crevasses témoins d’une activité géologique intense…

Le regard vers Mafate

Le point de vue sur Mafate au Cap Noir ou à la Roche Vert Bouteille reste la petite randonnée facile et belle. Le cirque s’offre alors à nous au bout d’une demie heure de marche en partant du parking du Cap Noir. Les montagnes découpées, tourmentées nous expliquent pourquoi on n’a pas encore créé de route pour y accéder, laissant aux hélicoptères le soin de transporter les denrées pour les mafatais. Le nom de Mafate vient du Malgache Mahafaty qui signifie « qui tue » ou « dangereux ». Mahafaty est cet esclave qui est allé se réfugier au pied du Bronchard, près des sources sulfureuses. Il fut rattrapé et tué en 1751 par le chasseur de noirs François Mussard. Un village, Mafate qui a laissé son nom au cirque, s’était construit près des sources où les malades de la peau y allaient pour trouver la guérison. Mais l’isolement de ces thermes par leur situation géographique, leur posait quelques problèmes d’exploitation si bien qu’en 1897 Mafate-les-Bains n’est plus fréquenté.
Le cirque de Mafate, après avoir été le paradis des marrons est occupé de façon anarchique avant qu’une réglementation visant à protéger ce site exceptionnel soit mise en place. La Possession possède 5 ilets dans ce cirque : Aurère, Malheur (La Plaque), Grand Place (Cayenne), Bourse et La Nouvelle.
construit sur le territoire possessionnais et l’autre du côté dionysien, sont destinés à suppléer celui de la Ravine à Jacques, construit pendant la période esclavagiste et devenu trop exigu. L’observation du terrain nous permet de comprendre pourquoi La Grande Chaloupe fut appelé « La Barque » et surtout pourquoi le lieu a été retenu pour la construction des lazarets.
En effet, l’encaissement du site permet de voir facilement le comportement des hommes et des femmes pendant la corvée de bois ou autres occupations. Ce lieu permettait aussi de laisser les malades nouveaux arrivants, éloignés de la population locale. Ce qui n’était pas du tout vrai lorsque le train passait par là…
Un chemin est créé qui traverse la Grande Chaloupe. C’est le Gouverneur Habert de Vauboulon qui réfléchit à l’idée d’un chemin longeant la montagne en 1690. Ce sont les entrepreneurs Boisson et Muron qui tracent un passage par les hauts de 1730 à 1732. Ce chemin appelé chemin des Anglais ou chemin Crémont est aujourd’hui un passage très emprunté par notre population.
L’infirmerie du Lazaret de la Grande Chaloupe.

Le lazaret récemment réhabilité. C’est entre ces 4 murs que beaucoup de nos ancêtres ont subi la quarantaine imposée à tout nouvel arrivant.

Chemin Crémont ou chemin des Anglais, ce sont les noms les plus employés pour nommer le chemin pavé qui relie La Possession à la Grande Chaloupe. Toujours très fréquenté par les randonneurs, il est le résultat de la sueur de travailleurs réduits en esclavage.
Bientôt 40.000 Possessionnais

La Possession, c’est aussi ce lieu tampon entre le nord et l’ouest et qui fait partie du projet de cœur d’agglomération. Plus de 30 000 habitants répartis sur un large territoire avec plusieurs centralités nécessitent une réflexion intense pour proposer à cette population des lieux diversifiés capables de satisfaire le confort, les besoins de chacun. Surtout que l’homme réunionnais aime conjuguer simultanément le développement et le bien-être dans un environnement où la nature tient un rôle prépondérant.
Le défi auquel doivent faire face les instances politiques aujourd’hui et dans les années qui viennent, est d’arriver à développer le logement pour accueillir sous peu, à La Possession, plus de 40 000 habitants ; et cela tout en gardant une part pour la nature vecteur du bien-être de notre population. Il est sous-entendu alors que ces logements soient accompagnés d’infrastructures destinées aux loisirs, à l’économie…
Mais nous avons le potentiel nécessaire à ce développement qui prend en compte le volet humain comme ligne conductrice.

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