Entrevue avec Dominique Aupiais

Tienbo larg pa

17 octobre 2005

L’auteur-compositeur du groupe Renésens envisage d’écrire un livre sur son grand-oncle, Francis Aupiais, un missionnaire engagé.

C’est à la Faculté des Lettres du Moufia que je rencontrais Dominique Aupiais, un poète, écrivain et essayiste, pour qui je ne tarirai pas d’éloges. Il souhaite prochainement reprendre les études, un master sur la vie et l’œuvre du père Francis Aupiais, son grand-oncle.
Espérons seulement que les autorités universitaires lui donneront l’autorisation requise, au nom de la validation des acquis. Ancien enseignant d’économie et de sciences humaines dans un lycée agricole, on s’étonne en effet qu’on ne lui propose que la voie de la licence pour reprendre les études. Sûrement les étudiants de champion, ceux qui s’intéressent à notre pays, lisent-ils déjà "Vers un destin commun - les petits blancs, les noirs et les autres communautés de l’île de La Réunion". Un travail de recherche, pertinent, qui retrace le métissage réunionnais, l’aventure des yab, victimes de la concentration foncière, et kafre, descendants de marrons, du 19ème siècle jusqu’à aujourd’hui.

Une bibliographie fournie

Plus récemment, il livrait ses pensées sur la condition humaine, sur la religion, notre société réunionnaise, sur le celtisme et la créolitude. "Fonnkèr créoloceltique - exploration de la pensée humaniste métissée", publié chez Grand Océan, mérite une lecture attentive. Cet ouvrage questionne la conscience humaine, refuse l’indifférence, réveille courageusement l’âme du résistant. C’est cela l’âme d’un résistant. Son écriture est la voix d’un humaniste qui questionne le monde. "Quand on ne peut plus résister physiquement, il ne nous reste plus que la résistance intellectuelle. C’est ce d’ailleurs, ce qui demeure pour les générations futures", explique Dominique Aupiais.
Les lecteurs réunionnais peuvent ainsi se reporter à la bibliographie de cet artiste "réunionnais-breton", qui a toujours su faire le lien entre ses racines bretonnes et son pays d’accueil, La Réunion. Sa musique en est totalement imprégnée, et le lire est un véritable régal pour celui qui cherche à comprendre les valeurs de l’humanisme et du métissage culturel. "Entre créole et breton" (1991), "Résistance australe", "Ker Anna" (1996) réédité 2 ans plus tard par Grand Océan, "Vers un destin commun - les petits blancs, les noirs et les autres communautés de l’Île de La Réunion" (2002) ; c’est dire que cet auteur propose constamment son regard vif sur notre société réunionnaise, notre histoire.

Métissage musical

Les Réunionnais le savent forcément, Dominique Aupiais est l’auteur et compositeur du groupe Renésens. D’ailleurs, les fidèles fans du groupe pourront s’en rendre compte, en parcourant le recueil "Résistance australe", édité en 1999 aux éditions Grand Océan. Ils retrouveront quelques textes, qui ont fait, qui font, et qui feront encore la notoriété du groupe, "Moin lé pa la èk sa", entre autres. Occasion donc de saluer son premier leader, disparu tragiquement à Nosy-Be, à Madagascar.
La perte de Damien, le 10 mai dernier, est encore vive dans nos mémoires. Son œuvre devrait être saluée avec éclat. Et on regrette en effet qu’il n’y ait pas davantage d’écho de son travail, pour la reconnaissance de la culture réunionnaise, ici ou ailleurs, de La Réunion à la Pologne, en passant par les terres bretonnes. Maloya All Stars, c’est bien. Mais parle-t-on de toutes les étoiles montantes ? Parle-t-on de tous nos résistants culturels disparus ? On sait que le groupe sainte-suzannois continuera de plus belle, avec une musique toujours plus finement métissée, nous ralliant à l’Afrique, Madagascar, l’Inde, comme à La Bretagne.
“Renésens, dans la place”, chante aujourd’hui Morgan, nouveau leader du groupe. Renésens continuera à chanter le métissage, à défendre le maloya, à prôner l’humanisme, à raconter l’histoire de 2 pays de planteurs, librement livrés à l’urbanisation.
Renésens sera sollicité l’année prochaine pour le 100ème anniversaire de la société des missionnaires, où l’on rendra hommage à l’œuvre de Francis Aupiais. Mais nous aurons l’occasion d’en parler plus longuement ultérieurement. Prochainement, nous vous proposerons de découvrir l’histoire de ce missionnaire, défenseur des Africains, congédié par ses pairs...

Bbj


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