Disparition de Damien Aupiais, leader du groupe Renésens

’Ton âme est malgache, Damien’

19 mai 2005

Après le malheur, la vie doit continuer. C’est la raison pour laquelle quelques heures après la disparition accidentelle de Damien Aupiais, le groupe Renésens décidait, avec les organisateurs, que le Festival Donia 2005 devait se poursuivre.

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Le petit barde créole est parti dans des circonstances que nous ne rappellerons pas. Pourtant il serait incongru de dire que je ne pourrais donner les détails de ce dramatique événement. Je me trouvais aux premières loges, tout anéanti du triste destin réservé à Damien Aupiais, arraché à la vie à l’âge de 23 ans, au lieu dit Terre Sacrée, à Nosy-Bé. Je parlerais plutôt de l’affection des Nosy-béens qui ont su soutenir la famille Aupiais, nonobstant leur humble condition de vie.
Mercredi 11 mai 2005, à la chapelle de Corana, à Hell-Ville, 2 femmes sont là, comme des Marie-Madeleine, pleureuses et réconfortantes. Elles seront avec la famille jusqu’au dernier moment. Mananjoky Bérény a été prévenue du terrible malheur par son fils, Hubert, étudiant en Droit demeurant à La Réunion. Accompagnée de Julienne Andriantsimiova, elle apportera un soutien inimaginable, notamment pour la préparation de la dépouille.
Le Festival Donia commence par un gigantesque carnaval dans Hell-Ville, capitale de Nosy-Bé. Plus de 20.000 personnes assistent ou participent au défilé. Les rues Hell-villoises sont noires de monde. Le Festival est entièrement dédié à Damien. Chaque concert, chaque conférence commençait par sa voix, par Afrikandro. Juste plus haut, dans un silence étrange et lourd, dort paisiblement, éternellement, ce gaillard. Son père, effondré, veille à côté de lui.
Mercredi soir, nous parvenons à ramener le corps de Damien à la chapelle d’Ambatoloaka qui jouxte l’endroit où nous dormons, à l’hôtel La Saladerie. Là nous attend toute la communauté d’Ambatoloaka, venue en masse accompagner la famille dans ce douloureux moment. Ambatoloaka, ce petit village indigent, presque retiré du monde, même s’il est perpétuellement perturbé par la présence des vaza-touristes, venus profiter des beautés du pays. Ambatoloaka, où repose - j’en suis persuadé - l’âme de Damien.

"Rendre les choses bien comme il faut"

C’est peu dire tout le soutien que cette communauté chrétienne d’Ambatoloaka nous a donné. En témoigne cet anecdote. Mercredi soir, c’est à la lumière de bougies que nous veillons auprès de Damien. La veille de son retour à La Réunion, soit jeudi soir, la communauté d’Ambatoloaka s’affaire, conformément aux traditions locales, pour rendre un hommage digne à Damien. Malheureusement, l’électricité fait défaut. "Tout va au Festival Donia", selon les habitants d’Ambatoloaka. Groupe électrogène, essence, ampoule, rallonge. Tout arrive sans que nous ayons le moindre effort à fournir. Pourtant la plupart des habitants du petit village vivent à la bougie. Mais c’est là un geste qu’ils veulent faire pour "rendre les choses bien comme il faut". Père Dominique, un capucin, est venu donner l’extrême onction. À partir de ce moment, les chants liturgiques ne s’arrêteront pas jusqu’à la deuxième messe, donnée le matin du retour de Damien, toujours par le Père Dominique, en la chapelle d’Ambatoloaka.
Vendredi matin, dans la salle d’honneur de l’aéroport de Nosy-Bé, Dominique Aupiais reçoit la visite de Jean-Jacques Rabenirina, ministre malgache du Tourisme et de la Culture, accompagné par le sous-préfet de Nosy-Bé, Boniface Bemananjara. Dominique repartait enfin avec son gars, comme il le dit. La communauté d’Ambatoloaka, toujours présente, remet une plaque commémorative à Dominique. "Gasy fanahinao Damien" : ton âme est malgache, Damien. Cette phrase est simple mais ô combien symbolique. Cela témoigne de toute l’affection d’un peuple qui découvrait la musique métissée de Renésens, une musique restée à jamais gravée dans leur cœur. Depuis le jour de l’accident qui coûtait la vie à Damien, la radio nosy-béenne a accordé quant à elle une place d’honneur à Renésens, rendant tous les jours hommage au disparu.
Bref ! il faudrait sûrement un livre entier pour tout raconter. Ce que l’on peut dire pour l’heure c’est que le Festival Donia sera le plus meurtrier depuis sa création, voilà 12 ans. Dimanche, dernier jour de la manifestation, 3 malgaches trouvaient la mort, piétinés, alors que les forces de l’ordre décidaient, dépassés par l’affluence de monde, de fermer les grilles permettant l’accès au stade où se déroulait le Festival. 4 morts. Le Festival serait-il victime de son succès ? Il devra pourtant continuer. Le groupe Renésens devrait être à l’affiche de la 13ème édition du Donia, et nous en sommes tous heureux. Damien l’aurait souhaité, que son groupe continue à jouer, à vivre, même recomposé. Rendez-vous sur le Théâtre de Saint-Gilles, vous-même le constaterez.

Babou B’Jalah


Texte lu par Mananjoky Bérény, lors de la deuxième messe

"Tu vas nous quitter Damien, tu vas quitter ce pays où tu as laissé ton âme. Car, comme l’a dit ton papa chéri, qui t’a tant pleuré, ton âme reste ici parmi nous à Nosy-Bé, et elle sera malgache. C’est un honneur et une grande douleur pour nous, car nous aurions voulu te voir chanter et jouer pour nous, mais le destin en a voulu autrement. Par ton père, nous te connaissons maintenant, et nous gardons une belle image de ton sourire, de ton visage. De là-haut, Damien, veille sur ton papa, veille sur ta maman, veille sur tes frères, veille sur tes amis. Et surtout, Damien, continue de chanter et de jouer de la cornemuse pour tes chers restés ici-bas et qui t’aiment plus que tout au monde".


Remerciements

La famille Aupiais remercie chaleureusement la population réunionnaise et malgache, de Nosy Bé à La Réunion, pour toutes les formes de soutien apportées, notamment l’universitaire réunionnais Sudel Fuma, Jacques Dambreville, directeur de l’ODC, Roger-Claude Niobé, directeur du théâtre du Tampon et Alain Armand, Conseiller régional, tous quatre présents à Nosy Bé. La famille Aupiais remercie particulièrement Mananjoky Bérény et Julienne Andriantsimiova, deux exceptionnelles Malgaches au grand cœur, qui ont soutenu Dominique et les deux musiciens restés auprès de Damien. Les membres du groupe Renésens ainsi que l’association Ré.cé.ré, avec les amis de Damien, se joignent aux remerciements. Soyez sûrs que vos témoignages de soutien aideront longtemps la famille et le groupe Renésens à poursuivre son aventure musicale. La musique créoloceltique, tant appréciée à La Réunion et ailleurs, notamment en Bretagne, continuera de plus belle, pour Damien, grâce à vous tous. Merci à tous.

La famille Aupiais et amis


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