Centenaire d’Aimé Césaire
« Un exemple pour les jeunes générations qui devront faire face à des grands défis »
27 juin 2013
Hier à la Médiathèque de Sainte-Suzanne, un portrait et une plaque commémorative ont été dévoilés. A cette occasion, Maurice Gironcel a prononcé un discours rendant hommage à un des acteurs de l’abolition du statut colonial à La Réunion.
« Nous venons de dévoiler ce portrait d’Aimé Césaire que vous pourrez retrouver à l’intérieur de la médiathèque. Ce portrait est en mémoire à un homme qui a oeuvré toute sa vie pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Notre devoir aujourd’hui, date de célébration du Centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, est de porter haut la pensée et la vision de cet homme de lettres.
Poète, écrivain et homme politique, il a laissé derrière lui de nombreux ouvrages mais surtout une pensée universelle qui dépasse le temps. Après une jeunesse marquée par la présence de Léopold Sédar Senghor, il entreprend des recherches sur sa culture africaine et sa condition d’Homme Noir, ou plutôt de Nègre.
Connu et reconnu pour le concept de Négritude, Aimé Césaire a durant plusieurs décennies développé et expliqué ce concept. La négritude est basée sur la reconnaissance d’une certaine partie de l’Histoire (colonialisme) et le fait que "le Noir était Noir". Ce grand homme a redonné de l’humanité au mot "Nègre".
« Diversité condition de notre unité »
Parmi tous les ouvrages qu’il nous a légué, “ Le discours sur le colonialisme ” est celui qui aura marqué. Car au moment où une nouvelle civilisation s’impose à nous, il est bon de rappeler cette leçon d’Aimé Césaire : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte ».
Son image, sa parole et ses œuvres ont rendu sa dignité aux peuples. Grâce à lui, nous avons prit conscience de notre identité et de notre culture. Une identité qui n’est pas une mais multiple. A La Réunion comme dans tous les Outre-mer, nos racines sont diverses. Nous sommes égaux et aucune civilisation n’est supérieure à une autre.
Notre diversité est la condition de notre unité dans la défense des intérêts des Réunionnais et de tous « les malheureux qui n’ont pas de bouche », comme le disait Aimé Césaire.
« L’assimilation doit être abolie ! »
Mais il a surtout donné espoir et confiance aux peuples d’Outre-mer, opprimés par un système colonial. Un système remit en cause, par la loi du 19 mars 1946 qui transforme les "quatre vieilles colonies" (La Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane) en départements français d’outre-mer. Cette loi aura permit des évolutions dans les différents Outre-mer et à La Réunion.
Devenus citoyens, il nous faudra attendre plus de 50 ans avant d’obtenir l’égalité. Mais cette égalité tarde encore à venir aujourd’hui dans certains domaines. L’emploi, le logement, l’illettrisme, la pauvreté, des thèmes qui demandent un rassemblement large pour un développement durable de La Réunion. Tout cela à partir de nos spécificités culturelle, économique et humaine.
Aimé Césaire, Raymond Vergès, Léopold Bissol et Gaston Monnerville ont créé le mot "départementalisation", comme symbole de la transformation sociale des colonies. Mais aujourd’hui, cette loi a atteint ses limites. Les départements d’Outre-mer et notamment La Réunion, vivent des situations de plus en plus dramatiques. Le contexte actuel demande un nouveau modèle de développement mais surtout une nouvelle vision du monde et notamment de La Réunion. Aujourd’hui, l’assimilation doit être abolie !
« A l’image de son combat »
Réunis aujourd’hui à la médiathèque Aimé Césaire de Sainte Suzanne, nous célébrons le centenaire de la naissance d’un homme exceptionnel. Durant quatre jours, nous allons réapprendre ses textes, connaitre sa vie et sa pensée. Mais nous allons surtout rendre hommage à celui qui a fondé notre société.
Humaniste, fervent partisan de la paix, en lutte contre toutes formes d’aliénation et de domination, Aimé Césaire était un homme de convictions. Ses seules armes auront été sa poésie et son verbe.
Aux côtés de Jean-Paul Sartre et de Pierre Mauriac, il s’est dressé contre la poursuite de la guerre en Algérie et la guerre du Vietnam. Il était de toutes les luttes ou la dignité humaine et la liberté des peuples étaient en jeu.
J’ai eu le privilège et l’honneur de rencontrer Aimé Césaire à deux reprises en Martinique, en tant que Maire et Maire honoraire. Au cours de nos échanges, ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’il n’acceptait pas que l’on dénigre ses origines. Il était à l’image de son combat, ardent défenseur du peuple martiniquais.
« Au revoir et fraternité »
Enfin, pour conclure :
J’éprouve beaucoup de mépris pour les hypocrites qui honorent Aimé Césaire au Panthéon mais qui enterre son testament et où il disait : « Chaque peuple a sa culture, chaque peuple a sa civilisation, tout cela est à prendre en compte et nous amène à une conception différente du monde. Il faut réunir toutes les civilisations, être conscients des différences qui existent entre elles pour mieux les développer et, en même temps, parallèlement, un grand effort doit être fait pour unir ces spécificités dans un phénomène nouveau : LA civilisation » .
Cet hommage est le juste retour de son engagement sans failles pour les libertés. Il est un exemple pour nous tous et pour les jeunes générations qui devront faire face à des grands défis.
« Au revoir et fraternité » , c’est en ces termes qu’Aimé Césaire avait conclu son dialogue avec Paul Vergès lors de la célébration des 60 ans de l’abolition du statut colonial dans notre île en 2006.
Nous lui disons aujourd’hui "Merci". »
La plaque du centenaire dévoilée Hier, Sainte-Suzanne était le lieu d’un vibrant hommage à Aimé Césaire. A la médiathèque intercommunale qui porte déjà le nom du militant disparu, Maurice Gironcel a inauguré un portrait d’Aimé Césaire devant le bâtiment. La cérémonie a été suivie par le maloya de Florence Boyer. Ensuite, le président de la CINOR a dévoilé une plaque commémorative du centenaire avant de procéder au vernissage de l’exposition "Parler plus fort que les désastres", un hommage à Aimé Césaire, poète de la libération. A 14 heures a eu lieu la remise des prix aux finalistes et lauréats du concours de dessin, "réaliser un portrait" avec Aimé Césaire. D’autres animations étaient prévues hier. De 10h à 14 heures, c’était l’atelier de Réalisation « d’in tit kaz » en paille, carton et raphia (3 à 6 ans le matin - 6 à 12 ans l’après-midi). Puis de 14h à 17h, ateliers d’écriture et d’oralité-Slam avec studio Mao, animé par Slam Lakour. A 18h, Slam Lakour et Aska rendaient hommage à Aimé Césaire et Pablo Neruda. Enfin, la journée s’est conclue à partir de 19h par une conférence sur Aimé Césaire de David Khatile, chanteur martiniquais. |
Le centenaire d’Aimé Césaire à la Médiathèque de Sainte-Suzanne Demain 18h45 : Diffusion en avant première du film "Aimé Césaire et les révoltes du monde" Durée : 55mm - Réalisateur : Jérôme-Cécil Auffret, Auteurs : Jérôme-Cécil Auffret, Frédéric Tyrode Saint-Louis. Françoise Vergés. Vendredi 18h30 : Concert d’Alex Sorrés « Prièr su prièr » 20h : Spectacle de danse maloya contemporain "charoy" avec Florence Bayer et la compagnie Artmayage Samedi 18h30 : Projection de "30° couleur" film de Lucien Jean-Baptiste. Dimanche 10h-11h : Projection de films Aimé Césaire et Lucet Langenier sur le thème "le combat d’une vie, une vie de combats" 12h : Inauguration de l’exposition des œuvres des participants du concours de dessin "réaliser un portrait d’Aimé Césaire". |