“Moroni Blues, rêverie pour quatre”

Un hymne contre toutes formes de replis

4 février 2008, par Edith Poulbassia

Communautarisme, immigration, ségrégation, discrimination... Autant de mots en rapport avec la peur de l’Autre, de l’Etranger. Soeuf Elbadawi poursuit sa réflexion sur le rejet de l’autre, à travers ce qu’il connaît le mieux : sa ville natale, Moroni. Après le livre “Moroni Blues chp. II”, et “Une suite à Moroni Blues”, qui reprend la polémique née de la publication du premier texte, voici la pièce de théâtre.

Il y a le livre “Moroni Blues” et puis il y a la pièce de théâtre “Moroni blues, rêverie pour quatre”. Soeuf Elbadawi, journaliste à Kashkazi, comédien, écrivain, poursuit sa réflexion sur le rapport à l’Autre, à l’Étranger, dans une pièce de théâtre dont il est l’auteur et l’un des comédiens. « Il y occupe un rôle conséquent face à 3 musiciens qui y jouent des compositions et ont dû apprendre un texte », nous explique Isabelle Pillot, co-Directrice du Théâtre les Bambous. Cette création est née d’une rencontre entre Soeuf Elbadawi, l’auteur du texte, et Robin Frédéric, qui en est le metteur en scène. « Soeuf Elbadawi avait répondu à une invitation du Théâtre du Grand Marché pour une lecture de ses textes, dans le cadre du festival, et il nous avait parlé de son projet. Nous avons eu envie d’accompagner sa réflexion », précise Isabelle Pillot.

Rencontre avec 3 hommes dans la nuit

La pièce est encore en pleine création. Si les personnages sont distribués, « le spectacle est encore à très gros traits, les comédiens doivent encore ressentir le texte, y mettre des intentions » pour une première apparition sur les planches le 15 février à Saint-André. La pièce de théâtre reprend-elle le contenu du livre “Moroni Blues” ? On retrouve certaines séquences, des histoires, le style de l’auteur, cette interrogation sur ce que devient la ville de Moroni, entre la médina et la capitale, mais c’est « une réécriture pour quatre ». Un homme d’origine malgache, exilé à Moroni, rencontre 3 hommes, la nuit. Ils font couler le trembo (alcool à base de coco). Il raconte la ville à ces hommes qui accordent leurs instruments malgaches, guyanais, comoriens, pour accompagner cette « hymne contre le repli. Contre toutes les formes de replis ». Sur scène, on retrouve les musiciens Mikidache, M’Toro Chamou (Mahorais) et Fabrice Thompson (Guyanais).

Mélange des formes d’expression

Ce que Soeuf Elbadawi avait à dire dans “Moroni Blues chp. II”, il le dit maintenant sur scène et y emploie tous les moyens. Il n’a pas peur du mélange des formes. Poésie, musique, danse, vidéo. Il va au-delà des frontières, utilise toutes les formes pour dire l’Autre. La publication du livre de Soeuf Elbadawi avait provoqué une vive polémique à l’Union des Comores et à Mayotte. Il avait osé interroger l’attitude méprisante des Moroniens, qui se disent de souche, vis-à-vis des autres habitants, venus de tous les horizons et qui participent à la construction de la ville. En effet, « Seouf est un homme jeune qui pose des questions, interpelle la mémoire des anciens, parle de choses non dites, enfouies », reconnaît Isabelle Pillot, pour qui la polémique a eu le mérite de laisser s’exprimer au grand jour les sentiments, qu’ils soient négatifs ou positifs.

Réflexion sur l’identité

Cette nouvelle création, théâtrale cette fois, aura-t-elle le même effet ? En plus des représentations à La Réunion dans plusieurs salles, deux devaient avoir lieu à l’Alliance française de Moroni. Mais il semble que pour des raisons économiques, la pièce ne soit plus envisagée. La population comorienne n’aura donc pas l’occasion d’assister au spectacle pour l’instant, à l’exception de ceux qui sont installés à La Réunion. Mais, précise Isabelle Pillot, « en dehors des gens qui sont directement concernés, les Comoriens, les Mahorais qui, j’espère, seront présents, en dehors des gens en recherche d’identité, c’est la parole d’un enfant du pays qui s’exprime sur scène. Il porte une réflexion sur ce qu’on aime dans un pays, dans un quartier, dans son identité ». Bref, c’est un spectacle pour tous, dès 15 ans.

Edith Poulbassia

A Saint André : samedi 16 février (20h30) à la salle Guy Alphonsine dans le cadre du festival “Quel train”. Au Théâtre Les Bambous : lundi 18 (14h - spéciale), mardi 19 (20h30), samedi 23 (20h30), lundi 25 (14h - spéciale). A Saint Leu - au Séchoir Vendredi 22 février (20h30)


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