Un musée pour parachever l’unité nationale

3 avril 2010

Monsieur le Premier ministre,

Je prends la liberté de vous écrire pour apporter mon soutien à un important projet de l’ancien président de Région de La Réunion, M. Paul Vergès, projet qui risque d’être abandonné. Je suis sûre que vous pensez comme moi : le plus important ne réside pas dans les clivages politiques, mais dans l’intérêt et le mieux-être des communautés. La réalisation d’une Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise est hautement souhaitable.

Nos peuples sont fragiles. Ils le sont à la suite des conditions de leur passé et des difficultés qu’ils connaissent pour arriver à leur plein épanouissement. Ils ont trop tendance à se méfier d’eux-mêmes et à ignorer leur richesse culturelle indéniable. Ils souffrent trop souvent de divers complexes, difficiles à guérir et à dissiper entièrement. Dans le cas de La Réunion, la diversité d’origine des groupes humains qui ont été forcés de vivre ensemble a pour conséquence un émiettement du sentiment d’identité collective. D’anciennes tensions se font encore jour et refont périodiquement surface. Créer un musée dans cette région répond donc à une volonté fédératrice, à un désir de faire disparaître les différences qui existent encore entre les diverses communautés et de parachever l’unité nationale.

Le projet de Musée est l’œuvre d’une équipe dont la compétence et l’abnégation ne sont plus à louer. En vue de sa formation, cette équipe s’est rendue dans diverses parties du monde afin de profiter de toutes les formes d’enseignement et d’apprendre au mieux à dispenser le savoir. J’ai personnellement rencontré des membres de cette équipe, non seulement à New York où ils échangeaient leurs points de vue avec les experts les plus chevronnés du Met et du MOMA, mais aussi en Australie où ils visitaient le célèbre musée maritime de Fremantle. Leur curiosité n’avait de pair que leur détermination à accomplir le travail le plus efficace qui soit. Il serait infiniment regrettable que tant d’efforts soient balayés par une défaite politique. L’intérêt des Réunionnais demeure.

Je me permets de vous demander de vous pencher sur ce dossier et d’arriver à la conclusion que les efforts de l’équipe sortante doivent être menés à leur juste terme. Il en va du bien-être de l’Outre-mer.

Je vous prie d’excuser la liberté que je viens de prendre.

Très respectueusement à vous ».

Maryse Condé
Ecrivain. Professor Emeritus de Columbia University, New York
Commandeur des Arts et des Lettres
Chevalier de la Légion d’Honneur
Chevalier de l’Ordre National du Mérite

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