Saint-Benoit fête le ’Double-Cinq’

Un peu de culture chinoise pour tous

5 juin 2008

A partir de vendredi soir et toute la journée du 7 juin, l’association bénédictine culturelle chinoise et l’espace culturel d’animation bénédictin organisent des festivités à multiples facettes pour faire connaître et partager la fête d’origine chinoise du ’Double-Cinq’.

L’intraculturel comme base d’échanges et comme principe de construction sociétale réunionnaise suppose la connaissance des différents apports à échanger. C’est ce qui a motivé l’association ABCC, d’Henri Chane-Tef, dont le but est de « promouvoir le patrimoine et la culture chinoise », à organiser cette année à Saint-Benoit une fête du "Double-Cinq", deux ans après la même fête célébrée à Saint-Pierre.
La fête du Double-Cinq a des origines très anciennes en Chine, où elle est toujours vivace dans les régions méridionales (voir encadré). Les Réunionnais d’origine chinoise, même lorsqu’ils ont gardé dans leur culture culinaire les fameux tsung tse (ou zongzi), petites galettes triangulaires de riz glutineux, ont le plus souvent oublié à quoi elles se rapportaient. « Même au sein de la communauté chinoise, cette fête reste méconnue » reconnaît Henri Chane-Tef, de l’ABCC, qui veut remettre en circuit cette facette de la culture chinoise. « A l’ABCC, nous avons le souci, toujours, de réaliser une ouverture vers toutes les composantes de la société réunionnaise. Cette fête n’est pas réservée à la communauté chinoise, elle s’adresse à tout le monde. Je suis d’accord quand on parle d’intraculturalité : cela veut dire que la culture chinoise appartient aussi à l’ensemble des Réunionnais ».

Cinquième jour du cinquième mois lunaire

Le Double-Cinq correspond au cinquième jour du cinquième mois lunaire suivant la fête du Printemps (Nouvel An chinois). « Comme beaucoup de fêtes chinoises, elle est basée sur les saisons ; c’est une fête agricole. Le soleil est au zénith, c’est le début de l’été, c’est-à-dire aussi, souvent, le début des épidémies, de la sécheresse. Dans des temps immémoriaux, on se livrait à toutes sortes de rituels, pour que l’été ne soit pas trop rude et qu’on puisse avoir de l’eau pour arroser les cultures, les plantes, etc...Et le dragon est celui qui apporte l’eau » explique Henri Chane-Tef.
D’où les courses de bateaux dragons, qui existaient depuis les temps les plus anciens et ont été relancées après la mort, dans le fleuve, du poète-patriote Qu Yuan. « Nous n’avons pas de bateau dragon et je comptais d’ailleurs sur une association du Port, Dragon Boat, qui a commandé des bateaux mais ils ne sont pas arrivés... » Du coup, l’ABCC s’est tournée vers les pêcheurs de la rivière du Mât, qui ont bien voulu adapter une tête de dragon à la proue d’une barque à balancier ! Ce sera la pièce maîtresse de la parade nautique du samedi après-midi. Ceux qui le veulent iront en balade sur la rivière, dans le “bateau-dragon” de Saint-Benoît.
L’ABCC aurait aimé associer plus de fervents pratiquants des jeux nautiques bénédictins, « mais le samedi, cela tombe mal parce que beaucoup sont en entraînement » a constaté le président de l’ABCC. Une association de kayak a tout de même accepté de participer à la parade nautique, ce qui est déjà un grand sujet de satisfaction pour une association qui lance pour la première fois cette fête dans l’Est. Il y aurait aussi, le 7 juin, la participation d’un secouriste.
La fête va se dérouler à l’ECAB à partir de 9 h du matin, sur divers stands proposant de la gastronomie, de l’artisanat, des massages et séances de feng shui, calligraphie, mah-jong et librairie...Et près du parking de Champion, sur le bord de mer - le “débarquement” se faisant à 200 mètres de là, en début de soirée, avec danse du lion, arrivée du dragon et des lanternes, danses, poèmes et musiques, pour finir par un “pot de l’amitié” avec dégustation de gâteau de riz glutineux. A noter que la veille au soir, 18h30 à la médiathèque Antoine Roussin, une présentation de la fête et d’une brochure sur Qu Yuan accompagneront la projection du film "Mémoires sino-réunionnaises. Premières générations" de Live Yu-Sion. Et toujours à la médiathèque, le vendredi suivant, 13 juin, aura lieu une conférence sur Qu Yuan par Edith Won Hee Kam, qui répétera son intervention deux semaines plus tard, le 27 juin, à la médiathèque de Saint-Pierre.

P. David

Solidarité Réunion-Chine
Pendant la journée du 7, une urne sera à la disposition de ceux qui veulent faire un don pour les sinistrés du Sichuan. Les chèques sont à faire à l‘ordre de “Solidarité Réunion-Chine”. L’ABCC se chargera de donner ensuite à chacun son reçu.
Parmi les activités de la journée, celles qui ne seront pas gratuites (restauration, massages...) réserveront 10% des recettes à la solidarité avec le Sichuan.


Pour amadouer le dragon, animal de l’eau

La fête du Double Cinq est appelée en Chine fête du duan wu, ou duan wu jie, ou fête des barques dragons. Elle est aujourd’hui attachée au souvenir d’un poète, Qu Yuan, dont le suicide patriotique, en 277 av. J-C a ravivé l’intérêt des Chinois pour cette fête qui existait depuis l’Antiquité et donnait toujours matière à célébrer le dragon.
On dit en Chine qu’avant la naissance de Qu Yuan, cette fête était celle des Wuyue, un peuple très ancien dont le totem est le dragon, et qu’elle donnait lieu à un sacrifice en hommage au dragon. Les membres du clan Wuyue avaient la coutume de se couper les cheveux et de se tatouer le corps pour se donner l’apparence de petits dragons, parce qu’ils se considéraient eux-mêmes comme des descendants du dragon. Puis, il peignirent un dragon sur leur barque, au lieu de se le tatouer sur le corps. Dans certains endroits, le jour du Double Cinq, on recueillait de l’eau de pluie censée éloigner les catastrophes et guérir des maladies. Diverses superstitions et pratiques rituelles sont ainsi attachées à la figure du dragon.
Le jour du duan wu, les Chinois accordent de l’importance à la fabrication de remèdes à base d’herbes et de plantes (armoise, saule, jonc odorant...) qui, hachés menu et mis à macérer, sont utilisés pour des bains réputés prémunir contre les maladies. Le cinquième mois lunaire est aussi celui du "poison" (duyue). C’est un temps d’expansion des forces vives de la Nature, et le moment d’en expulser les pestilences - représentées par cinq animaux venimeux (wu du) que sont le scorpion, le chilopode centipatte, le serpent, le lézard et le crapaud. Pour se protéger, on boit du vin mélangé à de la poudre minérale de sulfure d’arsenic (xiong huang jiu) et on parfume les enfants avec des parfums forts (poudre d’absinthe, d’hysope et de camphre) supposés exercer une action stimulante sur le corps et l’esprit. Boire une très petite quantité de ce vin "libère le poison". Ce qui reste est répandu sur le mur, à l’angle d’un lit : pour éloigner les insectes.
Et ce jour là, les Chinois préparent des zongzi, un gâteau de riz glutineux farci, enveloppé dans des feuilles de bambou et cuit à la vapeur. La légende dit que ces zongzi sont mangés en souvenir de la mort du poète Qu Yuan (340-277 av. J-C), qui s’est suicidé en se jetant dans le fleuve Ni Luo, en signe de protestation et de désespoir. Face à la décadence de l’Etat Chu, il avait proposé à son souverain, qui l’estimait beaucoup, un plan de redressement pour ramener la prospérité du royaume. Mais calomnié par la grande aristocratie au pouvoir, il tomba en disgrâce et fut même exilé. De sa retraite forcée, Qu Yuan assista impuissant à la ruine de son pays. Il préféra se suicider plutôt que d’assister à la ruine finale de son royaume. La légende dit aussi qu’une grande carpe d’or, émue par son patriotisme, se chargea de son cadavre pour le ramener dans son pays natal.
A la nouvelle de sa mort, le peuple qui l’aimait beaucoup a voulu récupérer son corps. Pour chasser les poissons qui le dévoraient et autres “monstres marins”, ils ont jeté des galettes de riz dans la rivière. Des courses de bateaux dragons furent improvisées pour effrayer les poissons et les monstres qui s’attaquaient au corps du poète.
Encore de nos jours, dans la province de Guangdong, des régates et parfois de véritables joutes de barques dragons ont lieu tous les ans sur les rivières.

(source : Arte)


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