Nout mémwar

’Une chasse aux nègres-marrons’, de Théodore Pavie — 1 —

9 mars 2012

Après le texte de Jean-Claude Legros publié dans cette chronique hebdomadaire ’Nout mémwar’ ces six dernières semaines sur la chasse aux esclaves marrons dans le cirque de Cilaos, nous commençons aujourd’hui la publication d’un autre document que nous a transmis ce fidèle ami de ’Témoignages’. Il s’agit d’un texte de Théodore Pavie, un écrivain, voyageur et botaniste angevin, venu à La Réunion entre 1840 et 1845. Il est intitulé : ’Une chasse aux nègres-marrons’ et il est paru la première fois dans ’La Revue des Deux mondes’ en avril 1845.
Cette œuvre, qui retrace une partie de l’histoire de Quinola, l’un de nos ancêtres chefs marrons, a déjà été rééditée en 1996 par l’UDIR (Union pour la Défense de l’Identité Réunionnaise), présidée par l’écrivain Jean-François Samlong. ’Témoignages’ remercie Jean-Claude Legros pour nous avoir transmis ce texte, que nous allons donc publier au cours des prochaines semaines.

Le soleil venait de disparaître derrière les mornes, et les nègres qui portaient nos bagages se débarrassèrent de leurs fardeaux comme des gens en disposition de faire halte. Nous étions parvenus à l’endroit où se joignent deux petits ruisseaux qui donnent naissance à la rivière des Marsouins, l’une des plus larges et des plus limpides de toutes celles dont les eaux capricieuses arrosent l’île Bourbon. Devant nous, vers l’ouest, par-delà le Coteau-Maigre, se dressait une muraille de montagnes volcaniques, au-dessus desquelles le Piton de fournaise lançait sa longue colonne de fumée.
En nous tournant du côté de l’est, comme contraste à cette nature âpre et menaçante, nous voyions, entre deux cimes arrondies et boisées, la mer aussi calme qu’un beau lac. Un grand navire, faisant route vers l’île de France, reflétait dans ses voiles les dernières teintes du jour, et les vagues, sans cesse agitées le long de la côte, écumaient en se brisant sur les promontoires.
— Si vous voulez, messieurs, dit le docteur, nous n’irons pas plus loin aujourd’hui ; il est bon, avant de pénétrer dans les froides régions de l’île, de camper, cette nuit encore, en pays tempéré. Reste à savoir si nous trouverons par ici un gîte convenable.
— C’est mon affaire, répliqua le guide ; je sais dans ces environs une grotte fameuse que j’ai cherchée long-temps. Si je ne me trompe, nous devons en être assez près ; laissez-moi voir si ce sentier n’y conduirait pas.
Et il disparut à travers les buissons, suivi de son chien.
Le docteur, impatient de passer en revue les belles plantes recueillies pendant la journée, prit sa boîte suspendue sur le dos d’un noir, l’ouvrit, et resta quelques instants en contemplation devant son riche butin ; puis il baigna dans le ruisseau les tiges déjà fanées par la chaleur du jour.
— Qui sait, s’écria-t-il avec un soupir, en jetant au fil de l’eau les débris de feuilles et de racines amassées au fond de sa boîte, qui sait si les volcans n’ont point englouti sous la lave des variétés, des espèces à jamais perdues ? Aux ravages de ces feux souterrains se joignent ceux d’une culture toujours envahissante ; les localités se transforment…

(à suivre)


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Messages

  • Cette oeuvre de Théodore Pavie a été effectivement rééditée par l’UDIR en 1996. L’auteure de la préface mériterait également d’être citée pour ses recherches sur cette oeuvre et sur son auteur. Il s’agit de Julienne Salvat.
    Merci de le préciser dans votre prochaine édition.


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