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20 Désanm : pour la liberté de connaître son histoire
21 décembre 2007
20 Désanm : Fèt Kaf, Fête de la liberté. Un moment festif certes, mais qui devrait être aussi dédié à la réflexion autour de l’histoire, de la mémoire et de son héritage. L’école, et plus largement l’État, concourent-ils à la compréhension de cette date fondatrice dans la construction du peuple réunionnais ? Les associations peuvent-elles tout ? Éléments de réponses avec Ghyslaine et Philippe Bessières, militants culturels au sein de Rasine Kaf.
Pourquoi l’Etat décentralisé, à savoir la Préfecture de La Réunion, n’organise-t-il jamais aucune manifestation pour le 20 Désanm ? Sans attendre du Préfet qu’il vienne « krazé in maloya la kaz Danyèl », on pourrait envisager au moins un petit communiqué pour souhaiter à la population réunionnaise une bonne Fèt Kaf. L’esclavage comme son abolition ne feraient-ils pas partie intégrante de l’Histoire de la France ?
« L’esclavage doit trouver sa juste place » à l’Ecole
Ce n’est que l’année dernière, soit plus d’un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, que la France a décrété le 10 mai, journée commémorative de l’abolition de l’esclavage en métropole. « Au-delà de l’abolition, c’est aujourd’hui l’ensemble de la mémoire de l’esclavage, longtemps refoulée, qui doit entrer dans notre histoire : une mémoire qui doit être véritablement partagée », déclarait Jacques Chirac, le 30 janvier 2006, au sortir d’une réunion avec le Comité de la mémoire pour l’esclavage, présidée par l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé. Comité qui, en dépit des désaccords sur le calendrier, a réussi à imposer cette date qui renvoie au 10 mai 2001 et à l’adoption définitive au Parlement de la “loi Taubira” reconnaissant la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Un autre grand pas pour la France. Cette même “loi Taubira” prévoyait d’ailleurs une heure d’enseignement obligatoire sur l’esclavage dans les établissements scolaires. Une simple petite heure qui n’a cependant jamais trouvé sa place au pupitre des maîtres d’écoles. Pourtant, en 2006, Jacques Chirac défendait encore que « l’esclavage doit trouver sa juste place dans les programmes de l’école primaire, du collège et du lycée. » De facto, son exclusion est bel et bien un aveu d’injustice. Faudra-t-il attendre encore un siècle pour que ces programmes qui prétendre contribuer « à développer le sens de l’observation et de l’esprit critique » des élèves jouent pleinement leur role ?
Si ce n’est un siècle, il faudra au moins attendre un changement de présidence car on le sait, Nicolas Sarkozy, celui qui a défendu en tant que leader de l’UMP le « rôle positif » de la colonisation, refuse cette reconnaissance qu’il assimile à de la repentance. C’est aujourd’hui sous sa présidence à la tête de la République cette fois que, coïncidence, les programmes d’Histoire du cycle 3 ne placent plus l’esclavage en point fort d’enseignement mais le dilue dans les traites à l’échelle européenne. Philippe Bessières, partagé entre son métier de professeur d’Histoire et son engagement associatif, accorde que les éléves réunionnais sont écartés de leur histoire : « Na l’roi d’Frans, la kompani dé Indes, soman bann program la zamé pozé la konpréansion lo pèp rénioné. » Pour ceux des élèves que cela intéresse, l’option LCR fera bien l’affaire ! « Na mil fason shap par koté, soman i fo afront lé shoz, estime Philippe Bessières. Profésèr zoreil lé mal a lèz ék sa : i romèt an koz son plass dann la klass, i poz késtion su son savoir épi osi su son plass dann sosiété réyonèz. I soulèv in ta d’késtion : shapé ou rant andann, le zafèr lé sho. »
« Il y a toujours des barrages dans les têtes »
Il explique encore que même si les programmes ne laissent pas sa place à l’histoire de l’esclavage et de l’abolition, il existe des professeurs motivés qui veulent passer outre cette amnésie volontaire en allant chercher les éléments dont ils ont besoin (absents de leur formation initiale), en montant des projets de classe. Mais c’est encore l’exception. La majorité préfère s’en tenir aux consignes délivrées lors de leur formation : la culture, c’est d’accord, la langue passe encore, mais doucement avec l’Histoire cela pourrait générer du désordre. Le désordre, l’argument communément avancé pour dissuader d’enseigner l’histoire de La Réunion. « On est toujours en train de batailler pour dire que La Réunion a un peuple, une histoire, mais il faut toujours prendre celle des autres. Il y a toujours des barrages dans les têtes, analyse Philippe Bessières. C’est une question de respect, il faut batailler là-dessus. Soman i di aou, astèr ou lé lib, vien pa fé dézord ! ». Même si la France a reconnu l’esclavage comme crime contre l’humanité, il est à l’évidence des responsabilités qu’elle refuse encore d’assumer. L’école n’est pourtant ni un lieu de repentance - qui n’a d’ailleurs rien à faire dans l’enseignement de l’histoire -, ni de pressions exercées par des clivages. « Lékol i doi fé tonm bann barièr olié mèt lézin kont lézot », estime le professeur pour qui ce gros malaise au sein de l’école mériterait d’impulser une réflexion entre syndicats enseignants, parents d’élèves et Rectorat.
« Nous sommes tous traversés par cette histoire... »
La réflexion à tous les niveaux autour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage est un point essentiel pour Ghyslaine Bessières qui déplore que ce travail soit aujourd’hui seulement assumé par les associations. La secrétaire de Rasine Kaf constate que l’impulsion engendrée en 1998 par le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, avec un mouvement de réflexion plus soutenu par les autorités, s’est aujourd’hui éteinte. Il reste toujours des initiatives personnelles, associatives pour faire du 20 Désanm autre chose qu’une fête. Alors bien sûr, la France a décrété un jour de commémoration national, mais selon la militante, « quelque part, l’Etat se retranche derrière le 10 mai mais ne veut pas poser le symbole de la construction d’un peuple à partir de sa libération. C’est à partir de là qu’il a pu se prendre en charge, là qu’il est capable de faire son chemin à travers la réappropriation et la construction de son histoire. Là nou lé paré pou avansé. » Car il s’agit bien sûr d’avancer et non de se replier sur soi comme on tend d’ailleurs à le faire pour le 20 Désanm. Se replier en allant faire ses courses pour ses fêtes alors qu’il s’agit de la fête de tout un peuple qui doit se réunir pour partager. « Pour le 20 Désanm, il faut que chacun soit dans le don, dans un rapport à la mémoire, à la reconnaissance de l’esclavage, du patrimoine de lutte et de résistance, rappelle Ghyslaine Bessières. C’est à nous de rendre un hommage dans le don pas dans la commercialisation. » Comme le fait Danyèl Waro depuis plusieurs années maintenant, le 20 Désanm doit être l’occasion d’une fête à l’échelle du quartier, « dans la gratuité, l’apport, le partage », précise encore Ghyslaine. « Il faut que comme le 10 mai, le 20 Désanm soit reconnu comme un jour de commémoration, de réflexion, de réappropriation et de reconnaissance de l’Histoire. Mais il n’y a que les associations pour faire ça. Il faut encore batailler. Les Réunionnais ont conscience de l’importance de cette date, mais il faut aller plus loin : elle doit être un symbole ou nous sommes dans la réconciliation par rapport à l’histoire, la réflexion, l’hommage, le respect. Ce n’est pas une histoire de couleur, de kaf : nous sommes tous traversés par cette histoire, autour d’un partage, d’une analyse. Il faut réfléchir à tout ça. »
Stéphanie Longeras
[email protected]
Précisions
L’article d’Eric Besnard, Ce qu’on Enseigne à l’École, est paru dans le dossier spécial du Monde Diplomatique "Mémoire de la Traite Négrière".
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