Hommage au Rwa Kaf

Une salle éponyme, pour ne jamais oublier

22 décembre 2004

L’inauguration officielle de la salle des fêtes “Rwa Kaf” a été marquée par des chants de la famille, des amis, et aussi par des discours officiels. Paul Vergès a rappelé que ce 20 décembre a permis de libérer à la fois esclaves et maîtres.

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Après un rond de moring et un tour de chant, la plaque portant le nom du Rwa Kaf et posée à l’intérieur de la salle allait être dévoilée.
Dans son discours, le maire de Sainte-Suzanne, Maurice Gironcel, saluait Gérose Barivoitse, "un grand défenseur de la culture réunionnaise et du maloya traditionnel" ayant œuvré "pour la valorisation de l’histoire de notre pays à La Réunion mais aussi en Europe".
Aujourd’hui, "C’est nous qui allons faire vivre lo Rwa Kaf, tous ensemble, pour porter plus loin et plus haut la musique traditionnelle, notre maloya".

Il laissait ensuite la parole à un invité de marque, Jean-Pierre Boyer, secrétaire général de la commission nationale française de l’UNESCO, qui a assisté à l’ensemble des festivités.
“Musicien, conteur, maître de langue créole”, le Rwa Kaf est pour lui aussi "un symbole, un zarboutan, un trésor humain vivant". Oui, il a bien utilisé ce terme créole, en précisant qu’en Europe et dans le monde "l’arc-boutant permet aux cathédrales de s’élever vers le ciel".
Lo Rwa Kaf, l’homme et l’œuvre, forme pour lui "une cathédrale immatérielle", et "c’est ce que l’UNESCO s’efforce de promouvoir : le patrimoine culturel immatériel". Il terminait en indiquant que "le Rwa Kaf n’est pas connu seulement à La Réunion, en plus de l’Olympia, il a joué pour l’UNESCO, il est un défenseur de la culture traditionnelle et au-delà, un défenseur du patrimoine de l’humanité".

La fierté de Madagascar

Jean-Jacques Rabenirina, ministre de la Culture malgache, a remercié vivement les organisateurs de cet hommage et en particulier le président de la Région. Après une heure et demie de vol, devant les chants et les danses réunionnaises, il déclarait : "je suis toujours à Madagascar".
Il invitait nos deux pays à renforcer la coopération culturelle, et faisait part de la fierté des représentants du gouvernement malgache de voir que lo Rwa Kaf a toujours revendiqué et préservé ses racines malgaches.

Pour Paul Vergès, le fait qu’il ait fallu attendre 156 ans pour pouvoir donner le nom d’un héritier de la tradition à une salle des fêtes montre l’importance de la lutte qu’il a fallu mener.
L’esclavage représentant la moitié de notre histoire, ce sont plusieurs générations qui ont souffert intérieurement et c’est un drame pour tous les Réunionnais. C’est pour cela que le 20 décembre n’est pas pour lui uniquement la Fèt Kaf, car elle a permis de libérer l’esclave ainsi que le maître.
C’est un acte libérateur, posant à tous le défi d’être un être humain, d’où la dénomination de fête réunionnaise de la liberté : la plus grande date de l’Histoire marquant le passage d’une société de barbares et d’asservis à une société d’êtres humains.

"Mi marsh dobout"

Le président de la Région insistait sur l’importance du patrimoine immatériel : maloya, contes, moring... une flamme passée de tête en tête, de cœur en cœur : "sans sa nou tyin pa dobout, san sa ni pé pa viv. Sé tou le mérit du gramoun. La Fèt kaf, lu la antretenu, lu la pass sa à sé zanfan. Sé mwin lé zékri de sak la dominé ke sèt shoz klandestine ki kont. Sa i rasanblé, i doné léspwar a tout in péï o moman du déséspwar. Lu la èd anou a pa oublié, nou va pa oubli ali. Li lété ouvrié agrikol, ilétré, mé dan sa tèt navé tout inn monn. Lo Rwa va constamment vivre dans les générations futures". Et c’est tout le sens du titre de Zarboutan Nout Kiltir remis à la famille Barivoitse.

Pour Irène Barivoitse, sans le Rwa Kaf : "Mi san amwin tèl ki lé". Elle se rappelle leur rencontre : "li lavé 20 ans, mwin lavé 17, nou la eu 10 zanfan, 4 lé mor, lé 6 ot lé la zordi. Mwin le fyèr, mwin la byin pasé partou. Tout bann zanfan lé marié, shakinn na son kaz, li la fé ansort tout i gain in bon travay".
Très fière des honneurs qui sont rendus à son défunt mari, elle nous confiait : "Nou té attann pa otan d’shoz, toultan li té di anou kan m’alé, ma lès zoli zafèr pour zot". Phrase finale à méditer : "mwin la byin viv, mi marsh pi kat pat dann la sann so, mi marsh dobout".

Eiffel


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