Distribution dans toute l’île du “Code noir”

Une « thérapie contre le racisme »

9 novembre 2013

L’association Promotion pour le Génie Collectif Réunionnais a annoncé la distribution prochaine dans toute l’île du “Code noir”, afin que « les Réunionnais se réapproprient leur Histoire », dans le cadre du 350ème anniversaire du peuple réunionnais.

Michel Sellon, président de l’association Promotion pour le Génie Collectif Réunionnais, et Jean-Yves Grondin, militant culturel.

En plein débat sur la montée du racisme en France, après les insultes contre la ministre de la Justice, Christiane Taubira, et la tribune d’Harry Roselmack, premier présentateur noir sur une chaîne privée, la publication du “Code noir” est « une thérapie contre le racisme », a expliqué Michel Sellon, président de l’association.

Se réapproprier son Histoire

Michel Sellon a expliqué qu’il comprenait « la volonté de certains de cacher l’histoire de La Réunion. Il est urgent d’en parler pour vider les tensions raciales dans notre peuple. L’Unité passe avant tout ». Ce dernier a avoué avoir découvert ce document « il y a un mois, cela m’a vraiment choqué », mais aussi « réveillé en moi des interrogations. Car je suis moi-même noir de peau ». « Je pense que l’Ecole devrait faire un effort, car les dates importantes du 20 décembre et du 10 mai tombent pendant les vacances », un moment propice pour éduquer les élèves et étudiants à l’Histoire de La Réunion, a expliqué ce dernier.

Ecrit par Colbert et promulgué en mars 1685, le document établit « une loi et des règles certaines pour y maintenir la discipline de l’église catholique, apostolique et romaine, et pour ordonner de ce qui concerne l’État et la qualité des esclaves dans lesdites îles ». Un code qui fait du Noir un « meuble », appartenant et dépendant « totalement du bon vouloir du propriétaire blanc », a expliqué Jean-Yves Grondin.

Le président de l’association Promotion pour le Génie Collectif Réunionnais a invité tous les Réunionnais à signer la pétition pour la « suppression du mot “noir” lorsqu’il est utilisé dans un sens négatif ou péjoratif dans les documents officiels ». Des exemples comme « points noirs », « journée noire », travail « au noir », « mouton noir », tant de termes que l’association souhaite voir retirés par l’Académie française des textes.

54 articles qui régissent la société réunionnaise

Jean-Yves Grondin a évoqué le travail réalisé par Paul Vergès pour l’unité réunionnaise, à travers le cimetière du Père Lafosse, ou le cimetière des Ames perdues, à Saint-Louis. Unique cimetière des âmes perdues où l’on peut retrouver les reliques des premiers esclaves de Bourbon, ainsi que la tombe du Père Lafosse, curé et maire de Saint-Louis qui a été un militant abolitionniste.

Alors qu’en 1789, la Révolution française a abouti à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, à La Réunion, « il aura fallu attendre 59 ans avant que ne soit aboli officiellement l’esclavage », a expliqué Jean-Yves Grondin.

« On porte encore en nous cette histoire », a-t-il indiqué. Ce dernier a pointé du doigt certains articles du “Code noir” comme l’article 8 stipulant : « les enfants qui naitront des mariages entre les esclaves seront esclaves et appartiendront aux maitres des femmes esclaves, et non à ceux de leurs maris, si les maris et les femmes ont des maitres différents ».

Ou encore l’article 39 : « Voulons que les esclaves soient réputés meubles ». « On lit là la loi des Blancs pour légaliser l’esclavage des Noirs », a précisé Jean-Yves Grondin, s’insurgeant contre l’article 1er, interdisant aux esclaves « tout exercice d’autre religion que de la catholique, apostolique et romaine ; voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles et désobéissants à nos commandements ».

« Quand on lit ce texte, on se rend compte du combat que l’on a à mener. J’ai rencontré des artistes qui chantent des textes révolutionnaires. Ne pas connaitre le “Code noir”, c’est là que l’on comprend que notre tâche est plus large », a conclu ce dernier.

De son côté, Jean-Mathieu Taristas a évoqué « une manipulation des autorités qui font de l’ordre, avec en haut les Blancs, Arabes, Chinois et en tout dernier les Noirs ». Pour le jeune homme, le plus difficile aujourd’hui est que « cette mentalité-là perdure encore aujourd’hui ».

« C’est pourquoi lire le “Code noir” est important pour comprendre notre histoire et surtout ce qui se passe aujourd’hui » , a conclu Michel Sellon.

Céline Tabou

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Messages

  • Excellente initiative. Car il y a urgence.
    Dans "Le Code Noir ou le calvaire de Canaan", je sortais de l’oubli il y a vint cinq ans ce texte monstrueux qui légitimait la bestialisation au mieux, la chosification au pire de l’esclave noir et, par conséquent, de tout Noir, chaque Noir étant susceptible d’être "traité" selon les besoins du "marché". Je ne cesse, depuis, de répéter à temps et à contretemps que le racisme anti-noir reste dangereusement vivant et agissant en France. L’épisode Taubira n’est que la dernière démonstration spectaculaire d’une pratique désespérément banale.
    Ne désarmons pas ! Battons-nous. Ne laissons rien passer.


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