L’art d’Yvan Lacanal se situe entre la peinture et la gravure sur la pierre reconstituée. Un art qui l’a amené à participer à la biennale internationale d’art contemporain, en décembre dernier à Florence, en Italie. Au cours de cette manifestation, l’artiste tisse des liens, noue des contacts et c’est ainsi qu’il apprend par un ami artiste croate l’existence de ce concours d’art lancé pour les JO d’Athènes. "Le délai était limite mais c’était un challenge intéressant. Je me suis lancé sans trop y croire", raconte Yvan Lacanal. S’il se lance dans l’aventure "sans trop y croire", ce n’est pas par manque de confiance en lui. C’est surtout parce que la concurrence est rude : 4.500 participants de 120 pays y concourent également jusqu’à ce qu’un jury international ne retienne que 172 artistes de 78 pays, dont deux représentant la France.
Artiste et enseignant des arts appliqués et histoire de l’art, Yvan Lacanal se retrouve mêlé au concert artistique des nations, de l’Albanie à la Zambie, de la Bulgarie à l’Ukraine, de la Colombie à la Nouvelle-Zélande... Cette dimension pluriculturelle n’est pas pour effrayer ce Toulousain d’origine qui a vécu en Afrique avant de poser ses bagages à La Réunion en 1994.
Mais lorsqu’il apprend par un mail qu’il fait partie des artistes dont les œuvres seront retenues pour représenter la France à Athènes, il a du mal à réaliser. "J’étais KO debout, c’était la surprise totale. Puis j’ai ressenti une certaine fierté d’avoir été retenu". Mais maintenant, c’est un peu l’angoisse, avec tous les problèmes administratifs liés au transport des tableaux pour l’exposition qui se tiendra dans un hall d’exposition à 500 mètres du stade olympique.

"L’art, porte-parole des nations"

Dans ce que l’on pourrait qualifier de "cahier des charges", auquel se soumet tout artiste participant au concours Artiade, on retrouve l’idée première des jeux olympiques de l’antiquité : "Cette documentation doit documenter l’entente pacifique entre les peuples, l’art devenant le porte-parole des nations. Un besoin de distance critique, de transparence et de rééquilibrage se fait sentir au vu de le commercialisation croissante des Jeux olympiques". Et les responsables de la fondation Artiade ajoutent : "C’est le forum d’une culture mondiale... Une nation olympique ne se contente pas d’envoyer ses athlètes. Elle envoie aussi ses artistes qui reflètent, à travers leurs œuvres, l’identité culturelle de leur pays d’origine... Cette manifestation fait revivre à notre époque l’idée première des Jeux olympiques selon laquelle ce sont à la fois athlètes et artistes qui représentent les deux faces de leur culture commune".
"Pour moi, le défi à relever était d’imaginer ce qui peut représenter la France, son rayonnement, ses idéaux de justice et d’égalité", explique Yvan Lacanal. Autre défi à relever, permanent celui-là : le combat avec la matière. La pierre reconstituée est une matière à la fois épaisse et malléable, mais qui exige de travailler rapidement, avant qu’elle ne durcisse, ce qui laisse peu de place à l’improvisation et nécessite donc des heures de travail à imaginer les croquis, à sortir les formes du néant.

"Fier de représenter La Réunion"

Résultat de ce combat contre lui-même et avec la matière : trois tableaux, un triptyque représentant le serment du Jeu de Paume, d’après un tableau de David. Une scène de la Révolution française qui "coulait de source", selon l’artiste. "Cela représente à la fois la soif de liberté, la rupture avec le passé, les idées nouvelles de la Révolution, l’élan fédérateur vers la liberté, la fraternité entre les peuples et l’égalité des hommes".
Second tableau : l’homo erectus. "Là encore, c’est une élévation vers la liberté, une élévation humaine vers davantage de solidarité, les grandes idées véhiculées depuis la Révolution française, pour briser l’individualisme, pour aller vers plus de solidarité".
Quant au troisième tableau intitulé "Cabaret", il représente "une certaine idée de la fête, avec la légèreté, l’oubli dans la fête, indissociable contrepoids aux tensions et conflits. C’est l’exorcisme des angoisses dans l’outrance des nuits festives". Ces gravures arrachées à la matière se caractérisent par le côté anonyme des personnages, des silhouettes s’apparentant à n’importe quel être humain. "Le fil rouge de ces tableaux, c’est de replacer l’homme dans son humanité et son universalité", commente l’artiste.
Prochaines destinations d’Yvan Lacanal : Zadar, en Croatie, pour une exposition, puis Athènes, où il participera au vernissage de l’exposition. "C’est une certaine fierté pour moi que l’Outre-mer soit représentée, d’autant que Jackson Richardson sera le porte-drapeau de la France. Moi aussi, je représenterai La Réunion avec fierté", conclut Yvan Lacanal.

S. D.